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   Tiens c'est bizarre, j'ai pas entendu mon réveil sonner. J'entends des voix autour de moi, très fortes, mais je ne comprends rien. Je crois que c'est Peter, je crois qu'il m'appelle. J'ai envie d'un câlin. Pourquoi je n'arrive pas à me réveiller. J'entends des paroles abstraites, mais je n'arrive pas à discerner une véritable signification. Je sens quelque chose me toucher le bras. Je voudrais ouvrir les yeux, parler. Je n'en ai pas la force c'est tellement étrange. J'ai l'impression que les gens s'inquiètent. Mais je suis là et je les entends. Ça y est, je perçois la voix de Peter, à travers le chahut. Il crie. Mais putain pourquoi je n'arrive pas à lui répondre. Mon ventre me fait atrocement mal et j'ai la nausée.
    J'entends d'autres voix, des voix que je ne connais pas. On me pose plein de questions. Je les entends, je les comprends mais je ne sais y répondre. Pourquoi ? Je dois rêver. Tout est noir. Je n'aperçoit qu'une danse de lumières, certainement due à l'agitation des personnes présentes à mes côtés. J'essaie de me rendormir, dans l'espoir d'ouvrir les yeux, et de voir Peter à mes côtés.
    Je vois. Je vois Peter. Il n'est pas allonger à côté de moi, il est penché sur moi. Quand il voit que j'ouvre les yeux, il panique et interpelle une femme à côté. Nous sommes dans une camionnette je crois. Les pompiers ? Mais qu'est ce qu'il se passe ? La femme me pose des questions, encore, mais je les perçois comme si j'avais la tête sous l'eau. J'ai un truc bizarre sur la bouche, je crois que c'est pour respirer. Mais bordel. Je ne comprends rien. Un autre homme m'éclaire les yeux avec une lampe de poche. Je suis éblouie. Une sorte de bip incessants murmure à mes oreilles. Je l'entends, il n'est pas totalement régulier. Ça doit être mon cœur ou une connerie dans le genre. Je me sens légèrement partir vers la droite. Un virage sans doute. Je ne comprends toujours rien. Je sens juste mon ventre me brûler, une douleur atroce me torture. Je sens quelque chose de léger s'écouler sur ma jour. Quelque chose de chaud, de mouillé. La douleur était-elle si forte qu'elle me faisait pleurer ? Ou bien était-ce ce raffut d'incompréhension, cette élan de nouvelles dubitatives qui embrouillent la totalité de ma personne ? Je me rendors.

    Je m'éveille. Je suis dans une salle blanche. Un câble, implanté dans mon bras, relié mon sang à un petit sac rempli de liquide quelques centimètres plus haut. J'essaie de comprendre. Je lance un regard à ma gauche, la où mon corps était incliné. Je peux observer un magnifique coucher de soleil à travers la fenêtre en bois. Un oiseau passe à quelques centimètres de la vitre. Le soleil m'offre ses derniers éclats dans un spectacle à couper le souffle. Je contemple cette incroyable beauté pendant bien des minutes. En face de moi se trouve un bureau fait entièrement de bois, avec une chaise de la même composition, rangée en dessous. j'y aperçoit un bouquet de fleurs avec un petit papier disposé entre une rose et une jonquille. Une jonquille en janvier ? J'aimerai savoir ce qui est écrit sur le papier et surtout d'où provient ce bouquet. Je glisse alors doucettement sur le côté droit.. Un homme habillé en noir est assis sur un fauteuil, à un petit mètre de moi.
    - Papa ?
Il ne réagit pas. Ce n'est pas lui. Ce n'est pas possible. Son regard ne me quitte pas. Mon cœur s'affole. Je dégluti une bonne dizaine de fois. j'aimerai hurler, je voudrai crier tant cette situation me semble invraisemblable, tant c'est incompréhensible et irrationnel, je veux me lever, courir en dehors de cet hôpital ou je ne sais quoi, courir hors de la ville, de la région, du pays. Je veux tout recommencer, sans jamais avoir à faire à cette ancienne vie, ne plus jamais avoir à repenser à tout ce qui me fait mal. Après quelque temps de réflexion et d'un intense fixation à mon égard, il s'approche de moi. Une seule et même question m'anime à travers ce dénivelé d'incompréhension : que fait-il là ?
     - Ma fille... dit-il alors.
    - Non, je ne suis pas... plus ta fille. Tu as beau faire ce que tu veux, je ne reviendrai pas. J'ai pu comprendre avec le temps à quel point tu es un grand malade, dis-je, hors d'haleine, tu n'es plus rien pour moi, tu ne dépasses pas plus que le misérable stade d'inconnu, je suis actuellement face à une personne pour qui je ressens la plus méprisante des indifférences.
    - Je  n'aurais jamais dû te laisser à ta mère...
     - A  vrai dire, la seule chose que tu n'aurais jamais dû faire, c'est venir ici après avoir commis l'irréparable sur ta propre fille.
Aussi étrange que cela puisse paraître, je me sens bien. J'ai enfin pu lui dire ce qui me suit depuis tant d'années. Mais il ne réagit pas. Il me fixe, l'air complètement neutre, sans aucune émotion apparente. Son costume est étrange. Ses mocassins noir brillant semblent dater de je ne sais qu'elle année, son pantalon d'une extrême noirceur croulait parfaitement sur ses longues et fines jambes. Son corps devient alors flou. Je n'arrive plus à discerner quoi que ce soit de concret chez lui. Son visage se trouble, il disparaît et...
     - Eh,  Mia, ça va ?
Peter est là. Les yeux écarquillés. C'était un rêve.
    - Tu  m'entends ?
Je ne peux pas parler, j'ai toujours ce masque sur la bouche. Il me tient la main, il a l'air fatigué. Je hoche la tête pour lui faire comprendre que oui, je l'entends.
    - Oh putain ! Je reviens.
Il sort de la pièce. Tout est différent tout compte fait. Le ciel est noir, quelques gouttes de pluie ruissellent sur la vitre. Mon regard inspecte lentement ma chambre. j'observe mes draps blancs, particulièrement la bosse en plein milieu qui semble être ma jambe. J'essaie de la bouger. Et j'y parviens. Enfin. j'arrive doucement à bouger mes bras, puis mes mains, puis mes doigts. Je me familiarise à nouveau avec mon corps. Je suis un peu rassurée. Je remarque une petite voiture en plastique, un peu plus loin. Léon à dû passer par là. Ça me fait sourire. Je regarde ma peau, mes bras sont pâles et virent presque au jaune. J'ai toujours aussi mal au ventre. Ne voyant pas Pierre revenir, je décide de prendre moi même les choses en charge. Je lève les yeux au dessus de ma tête et je presse sur presse sur un bouton rouge. j'entends une sonnerie à l'extérieure.
    - La patiente de la chambre cinq cent vingt deux s'il vous plaît !
Deux médecins arrivent. L'un d'eux ajuste ma perfusion, puis semble relever ce qui s'avère être ma fréquence cardiaque. j'ai presque oublié le bip à force. Un des deux hommes s'approche.
    - Mia ?  Mia Metz ?
Il retire mon masque.
    - Tu  m'entends ?
     - Oui,  je vous entends.    
     - Très bien. Tu permets ?
Il prend mon bras et relève ma tension. Il murmure quelque chose à son collègue puis m'observe. J'ai mal au ventre, très mal. Mon foie me lance, il tape contre ma cage thoracique.
    - Pourquoi j'ai autant mal ?
     - Je  vais t'administrer une dose de morphine.                              
     - Mais qu'est ce qu'il se passe ? Quelqu'un pourrait m'expliquer ?
Le second médecin s'adresse à moi.
    - Tu as bu à la soirée du nouvel an ?
     - Oui.
     - En grande quantité ?
     - Plus ou moins.
     - Mia. Ta consommation d'alcool est potentiellement mortelle. Tu le sais, pour ton âge, ce que tu ingurgite chaque jour est un poison.    
     - Qu'est-ce que vous essayez de me dire ?
     - On a réalisé une biopsie, après avoir constaté ton alcoolémie.
     - Quoi ? Mais j'ai été inconsciente combien de temps ? Et puis quel jour sommes nous ?
     - Tu as été dans une sorte de coma pendant trois jours.
Ce n'est pas possible. Je le laisse continuer.
    - Ton foie n'a pas pu subsister à de telles doses. Tu es atteintes d'une hépatite toxique. Étant donné que ta maladie n'a pas été  soignée à temps, elle s'est accompagné d'une cirrhose. Cette dernière nécessite une transplantation du foie. Les donneurs se font rares, c'est une opération compliquée, et il faut absolument avoir été sobre trois mois avant l'opération au préalable.    
Je ne comprends pas. Je m'étais pourtant calmée. Je ne buvais plus tous les jours. J'aimerais me réveiller. J'aimerais pouvoir penser que ce n'est pas vrai, que rien de tout ça n'est réel, que c'est juste un rêve assez réaliste pour faire couler toutes les larmes de mon cœur. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas quitter la planète comme ça, sans n'avoir connu de véritable amour, sans avoir fait le tour du monde, et surtout je ne veux pas mourir à cause de mon alcoolisme. Je donnerais raison à tous ceux qui m'ont gâcher la vie, à tous ceux qui ont fait en sorte à ce que je meurs de leur comportements, dans tous les sens du terme.
    - Les  chances d'obtenir un donneur sont faibles.    
Mon cœur trésaille. Je ne peux m'empêcher de trembler. Je n'arrive pas , je ne peux pas y croire. Pleine d'agitation, je demande, la voix tremblante.
    - Et si l'opération ne se fait pas, combien de temps me reste-il ?
Il ne répond pas tout de suite, comme s'il voulait laisser un putain de suspens. Il ouvre la bouche, puis la referme, comme s'il ne trouvait pas ses mots.
    - Il  est très compliqué d'estimer ce genre de...
     - Combien ? Je le coupe.    
Il se frotte le menton. Observe l'autre médecin, puis finit enfin par dire.
    - Un an. Au maximum.    


Un coeur sur la vitreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant