Fin

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Nous sommes le vingt décembre 2020. J'ai finalement tenu un an. Je ne sais pas si je suis fière de ce que j'ai fait de cette année. J'ai revu Hugo, une petite dizaine de fois, et puis toujours le même scénario. Nous couchons ensemble, nous nous perdons de vue de temps en temps, puis nous nous retrouvons. Sans cesse.
    J'ai fini par porter plainte contre Raph. L'affaire a été classée sans suite. Je doute qu'on m'ait vraiment cru en fait. Cette pourriture a maintenu que j'étais consentante, et que j'ai porté plainte car j'étais tombée amoureuse de lui. Salop.
    Je vis les derniers instants de ma vie. Je souffre. Beaucoup. Je suis sous respiration artificielle, avec des aiguilles plein le bras qui essayent tant bien que mal de travailler à la place de mon foie. J'ai développé des métastases, un peu partout. Je ne sais pas si je mourrai demain, ou dans deux jours. J'aurai aimé passer mes derniers moment aux côtés de l'homme de ma vie, mais je savais que me voir partir lui ferai trop de mal. Et à sa place, je ne suis pas convaincue que j'y survivrai. J'ai donc décidé de lui laisser un dernier mot:

"Tout ne sera plus jamais comme avant. Cette passion exponentielle atrophique a mené nos deux corps à la dérision. Malgré tout, mon amour demeure le même, sans faille, sans rayures. Il brave n'importe quelle flamme, n'importe quelle tempête. Il est devenu presque aussi fort que l'univers. Il vogue parmis les plus profondes intensités, dans les gouffres les plus sombres et les plus tristes, là où rien n'y personne ne survit. Juste toi. Toi et tes maux, toi et la marque intemporelle que tu as gravé au fond de mon âme. Tu perdures, tu combats tout se qui se dresse sur ton chemin, amour, peine, colère, rancune. Tu détrônes chaque sentiment, un par un, tu tues chaque parcelle de contradiction, tu anéantis tout ce qui pourrait aller à l'encontre de mes convictions. Je suis spectatrice de cette bataille qui dure, encore et toujours, par delà les mois, elle s'endort parfois. J'en croirais presque que tu disparais. Rien ne s'arrange pour autant. Ton souvenir demeure fixe, comme une photo que l'on fige. Tu es là, sous mes yeux, sans tout à fait l'être, tu es simplement dans l'omniprésence. Tu te glisses dans chaque objet, chaque musique, dans chacune de mes sensations. Je suis toi. Chaque souffle me rappelle que tu as passionnément respiré dans mon cou. Chaque fois que j'effleure ma bouche, je me souviens que tu m'as dévorée avec frénésie. Tes lèvres, ta chaleur, toute ta douceur contenu dans un corps si frêle, tous ces tourments emprisonnés dans ton être. Tes gémissements puérils en harmonie avec la maturité de tes gestes, tout en respirant l'excitation, tu fais hurler mon corps de désir. Un désir cru et intense, un désir qui assèche mes membres, une vésanie qui titube le long de mes gènes. Tu t'es immiscé dans tout mon être. Tu es le miroitement de ma souffrance, le reflet de ma peine. Tu fais parti de moi depuis l'instant où tu m'as redonné vie. Tu as donné un sens là où je ne voyais qu'un éternel chaos, sans direction ni achèvement. Et même quand tout s'éteint, même lorsque les projecteurs changent de fil, sous un tout autre décor, lorsque j'ai la sensation d'être libérée de ce fardeaux incontournable ayant promis de me tourmenter délibérément. Même lorsque tout semble avoir disparu, lorsque tout signe de cette ancienne vie semble s'être consumé dans un océan de souvenirs indomptés, il y arrive toujours une faille. Une faille dans le système, un court circuit qui déroute tout ce que je construis en cours de route. Je ne supporte plus de voir cet amour me détruire. Je ne sais même plus si je respire encore. Je ne vis plus, loin de toi, loin de ta vie, loin de tes gestes. Tout est sombre, tout est amer, sans toi la vie a perdu son sens, elle a perdu toute forme de beauté. Tu es ma seule source de lumière, tu illumines ma vie comme personne ne l'a jamais fait, tu as apporté une bonheur sans failles là ou je ne voyais que douleur et désespoir. Je ne saurai comment l'exprimer, comme cracher l'immense amour qui vit en moi, qui bouffe mes entrailles. Il me tue, doucement, intensément. Il dévore toute parcelle de mon corps et consume le peu d'espoir qu'il me reste. Tout ce qui me maintient en vie, c'est que je suis persuadée que l'on se retrouvera. Même si je suis loin de toi, mon amour ne s'estompe pas. Il grandit, de jours en jours. Lorsque j'ai l'impression qu'il disparaît, il gagne en fait du terrain. Il est omniprésent dans ma vie et je pense à toi, tout le temps. Tu me fais mal. Tu me fais si mal en étant loin de moi, en privant mon corps de son souffle, en le privant du tien. Je ne veux que toi, c'est toi, toi et ça a toujours été toi. Jamais personne ne prendra la place que tu as pris dans ma vie, dans mon coeur. Tu as tatoué mon être de ton empreinte indélébile, d'une marque de douceur, d'une tâche de toi. Tu es ma lumière, tu es comme cette lueur, cette lueur qui éclaire ma pénombre, qui m'a sortie des Enfers. Tu es ma propre force de gravité. Tu es celui qui me maintient au sol, qui me maintient en vie. Sans toi je m'écrase, je me consume au sol, comme un futile objet, sans vie. Tu es ma vie. Tu es mon souffle. Chacune des cellules de mon corps te respire, ne vit que par et pour toi. Je passe mon temps, mes minutes mes heures à t'attendre, à attendre un message, à attendre ta voix, ton odeur, ta douceur. Toi, pour l'éternité, dans l'infinité. Tu es le seul, le seul que je n'ai jamais aimé. Ta présence a disparu. Elle a disparu comme mon sens. Je ne sais plus où aller, je ne sais que faire. Je cours, je continue de courir alors que je ne sais même pas où est-ce que je me situe. Ton absence me fait souffrire, et putain la vie continue. Sans toi, tout tourne au ralenti. J'ai l'impression d'exister, en étant spectatrice de ma vie. Je me regarde vivre, je me regarde agir, sans pour autant avoir le contrôle sur ma vie. Je ne comprends pas, je ne sais pas au nom de quelle force mon corps est si rattaché au tien. Tu es l'amour de ma vie, tu es ma plus belle histoire. Rien ni personne ne pourra devancer cette force, cette beauté qui me lie à toi. Ce lien dévastateur que tant de fois j'ai loué. Ce lien invisible, si fort. Il est inhumain mais surtout indomptable. Rien ne me fait plus envie que tes bras, que ta bouche, que ton odeur. Tu es le centre de ma vie, tu es ma source de réflexion, tu es l'imagination même. Tu contrôles la totalité de mes sens. Tu paralyses mes membre, lorsque ta langue ambitieuse caresse ma peau. Je gémit de douleur au contact de ton absence. Tu écorches mes pensées, je ne vois, pense, réfléchit que par toi. Souvent je repense à ces moments, toi et moi. Lorsque tu ne m'appartenais pas encore par exemple. Cette soirée qui a à jamais changé ma vie. Cette soirée où tu es entré en moi. Cette soirée dont les souvenirs me font frissonner. J'y repense, constamment. Je te revois, toi et son rire malicieux. Ta bouche ensorceleuse. Tu m'as droguée, dès la première fois, dès les premiers instants. Tu as instantanément soulagé toutes mes peines, toutes mes colères, toute ma haine, tout ce qui me semblait être insurmontable, mes accompagnants de toujours, tu as tout fait voler, en un seul regard. Tu as fait valser toute forme de négativité et tu m'as bombardée de sérénité, de passion, de vie. Si tu savais comme je t'aime. Tu ne sais pas comme je t'aime. Je ne cesse de projeter mon amour sur d'autres mais nous savons très bien que c'est peine perdue. Tu es le seul. Tu resteras toujours le seul. J'avais raison finalement. Tu m'as dit que je penserai toujours à toi, mais que je cesserai de t'aimer. Alors pourquoi suis-je là ? Et pourtant j'aimerai que ce soit faux. J'aimerai pouvoir passer à autre chose, pouvoir aimer à nouveau, sans tout comparer avec toi, sans que tu hantes mon quotidien, sans que tu possède chacuns de mes rêves, chacunes de mes pensées. Je ne comprends pas ce que tu as pu bien faire pour que je t'aime autant. C'est inhumain, ça ne devrait même pas exister, ça n'est même pas encore connu. Tu es tout. Tu es le monde. Tu ne sais de quoi je suis capable uniquement pour t'avoir dans ma vie, dans mes bras, juste pour moi. Toi, moi, seuls contre tous. Seuls dans notre monde, dans notre imaginaire, dans une réalité conçue à notre manière, sans la perception des autres, juste la vie telle que nous la voyons, telle que nous la voulons. Simplement faire comme nous avons toujours fait ensemble. Tu ne peux pas me dire le contraire, et je t'en supplie, ne me dis pas le contraire. Nous sommes dépendants l'un de l'autre. Tu me veux aussi, mais nous savons tous les deux qu'une histoire aussi forte ne peut être que nocive pour les deux parties. Je veux juste rêver, m'imaginer que cela est possible, que nous puissions être heureux, toi, moi, nous. Ce nous, si puissant, la seule chose qui nous unit aujourd'hui. Un simple pronom personnel. Il y en a plein. Il y en a des tas. J'ai su en apprivoiser quelques uns, je suis même tombée amoureuse de l'un d'entre eux. Mais tu es toujours là. Tu es toujours là, à errer dans mes pensées, nuit comme jour, à n'importe quelle heure, dans n'importe quelle situation. Je n'ai jamais été si proche, si liée, si connectée à quelqu'un. Je suis toi. Si je le pouvais, je me glisserai dans ton corps, dans ta vie, vivre le monde à travers tes yeux, comprendre les choses à travers ta réflexion, tout comprendre de par toi, connaître la moindre de tes pensées, anticiper chacun de tes gestes et apprivoiser chacune de tes réactions. Je t'aime à en mourir, je t'aime à m'en faire mal. Je t'aime tellement que j'en saigne, Je t'aime tant que les autres douleurs, les autres peines sont si peu. Elles sont ce grain de sable au milieu de l'univers. Les bras écorchés, le coeur meurtri, je peux que blesser mes doigts, mes mains, en écrivant les lignes, qui ne seront jamais lues, qui te ne parviendront jamais, qui ne seront vues par personnes. Personnes mis à part moi et ton absence. Ma nuit est surplombée de cette peine, de cette excavation que tu as laissé lorsque tu es parti. Tu es tout. Si tu savais ce que tu représentes pour moi. Tu es si important. Toi et toute ton histoire, tout m'a touchée chez toi, tu as gagné chacun de mes atomes. J'aimerai te prendre, te serrer dans mes bras, te protéger toute ma vie, prendre les coups à ta place, te rassurer, te soigner. Tout me paraît si anodin à tes côtés. Mais d'un autre côté, tout me semble si beau, si intense et si douloureux à la fois. J'aimerai tant tout abandonner, crever de ma peine, succomber de ces blessures, et crier que tout est de ta faute. Mais tout est si compliqué. Tu es le seul être capable de me sauve. Mais tu n'es pas là. Tu vis sûrement ta vie, dans ton coin, sans jamais te préoccuper de ce que moi je fais. Je suis victime de ce choix qui n'est même pas le mien. Je n'ai pas choisi de tomber amoureuse comme ça. Je me sens vide, je me sens seule. Tu es tout mon monde et aujourd'hui, je suis privée de toi. Je suis privée de ta façon d'être, de ta façon de m'écouter, de me comprendre. Ta façon d'être toi, tes gestes lentements dirigés, ton souffle chaud le long de mon corps, ta peau douce qui caresse mon visage, ton corps mince qui frôle le mien. Peu importe où je suis, je serai là, tout près de toi. Et si un jour tu me regrette, pense à toutes ces fois ou je t'ai fait mal lorsqu'on se chamaillait, pense à toutes les fois ou je mettais mes mains grasses sur ton visage, toutes les fois ou je me couchais sur toi lorsque tu voulais dormir. Penses aux fois ou je te léchais de partout pour t'embêter, aux fois ou je t'ai fait d'énormes traces au cou que tu as été dans la contrainte de devoir cacher, pense à ma voix, aigue et insupportable, qui piaillait sans cesses des chansons pourrie. Jamais te ne te serai dit que ce serait la dernière fois n'est-ce pas ? Jamais une seule seconde tu t'es dit que tu pourrai regretter cette voix ? Aujourd'hui c'est pourtant bien le cas. Je ne suis plus là. Et je te souhaite de trouver quelqu'un qui un jour t'aimera comme moi. J'aurai tout donné pour toi. J'aurai tout donné."
    Mes yeux se ferment lentement. Maman est là. Elle me tient la main, elle pleure.
    Je repense à Flora. Je repense à Julia. Je les aime.
    Je me sens de plus en plus légère. Comme si une lumière intense parcourait mon corps. Je me souviens, je me rappelle. Je repense, je revis. Tous ces passages qui ont fait de moi ce que je suis.
    Un oiseau vole, j'entends ses battement d'aile.
    En harmonie avec les battements de mon coeur, qui ralentissent, qui ralentissent. Qui ralentissent encore. Puis encore un peu. Toujours un peu plus.
    Mon coeur chuchote. Il murmure. Il s'efface.
    Comme celui que Hugo a dessiné. Comme le coeur sur la vitre.

Un coeur sur la vitreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant