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Les jours passent et je me remets doucement de ma tentative ratée. J'ai demandé à Hugo s'il était libre, il l'est. Je dois lui dire. Je suis assise dans la voiture, le souffle coupé. Sous l'effet de l'adrénaline, je ne sais contenir ce sentiment fulgurant qui fait trembler mes membres. Je démarre, tout en priant de ne pas réveiller maman et Ethan. Je roule lentement, afin d'étouffer le rugissement du moteur. Je n'arrive pas à réaliser que je suis en train de faire ça. Mais qu'ai-je à perdre ? Ma vie ne cesse de se précipiter vers sa propre extinction, et je suis déterminée à vivre chacune de mes dernières secondes comme mon esprit si complexe le désir. J'enclenche la deuxième et je fonce vers Richwiller. Je dépasse la limite de vitesse autorisée mais rien ne m'effraie. Je suis obnubilée par son être, par ce que cette nuit a à m'offrir. Je ne fais que visualiser son visage, lui, tout entier. Le trajet ne dure que quelques petites secondes, et me voilà déjà au centre du village. Je ralentis et j'observe, j'essaie de le trouver. Au loin, j'aperçois une silhouette assise sous un arrêt de bus. C'est lui. Je fais des appels de phare pour signaler ma présence. Il lève la tête. Ses yeux perçants éveillent mon être. Il ouvre la portière et son odeur emplit la voiture.
- Salut, s'écrit-il d'un voix rauque.
- 'lu.
- Comment tu vas ?
- Très bien.
- Super. On fait quoi du coup ? Demande-t-il.
- Tu connais un endroit où on peut se garer ?
- Pas vraiment.
Je réfléchis un instant.
- Je sais.
Je m'engage sur la route. Ma conduite est horrible tant je suis nerveuse. Au moment même ou j'analyse la position des mes pieds sur la pédale, nous croisons un véhicule de police.
- Oh putain ! Dis-je en rentrant dans mon siège.
Hugo éclate de rire. Comme je pourrai l'étrangler. En attendant c'est moi qui prends des risques pour que l'on puisse se voir. Je m'arrête sur un petit parking à l'orée d'un champs. Je coupe le moteur et l'observe un moment.
Nous discutons de choses dont je ne me souviens même plus tant mon esprit est obnubilé par la profondeur de son âme. Tantôt il m'embête, tantôt je lui donne un petit coup de coude. C'est toujours comme ça. Nous avançons dans nos chamailleries, et sa chaleur se mêle secrètement à la mienne. Il va jusqu'à poser sa tête sur mon thorax. Ma main hésitante s'aventure dans ses cheveux, comme si c'était la première fois. Son bras passe le long de mon cou, caresse ma peau. Et puis je suis dingue de cette façon qu'il a de toucher mes cheveux de plus en plus fort pour me montrer qu'il est excité. Ma bouche frole sa joue. Je sens son souffle s'intensifier et un frisson fait fureur le long de mon échine. Il me fait me sentir vivante. Tout en se redressant lentement, il prend mon visage entre ses mains, puis pose ses lèvres pulpeuses sur les miennes. Mes sens explosent. Chaque inflexion de sa langue à l'orée de ma bouche provoque un feu d'artifice exacerbé au creux de ma poitrine. Ses mains glissant le long de ma peau, en redécouvrant ce corps qu'il connaît déjà si bien, sa respiration haletante anime son coeur qui cogne son torse avec frénésie. Je le plaque contre le siège passager et je descend à son entre jambe. Son goût m'avait tant manqué. Je vois Hugo trembler de plaisir. Il me pousse contre mon siège, descend son pantalon, puis le miens. Je l'aime. Je brûle. Je tremble. Son corps chaud sur le mien glace ma maladie. Il la met sur pause. Hugo est mon héroïne. Je l'aime. Je l'aime. Je l'aime.
Les vitres sont complètement embuées. Je tourne la tête, et je vois Hugo dessiner un coeur sur la vitre.
- Je vais mourir, dis-je.
Il tourne la tête, et me regarde, les yeux écarquillés.
- Il y a quelques mois, on m'a diagnostiquée une sévère cirrhose. Je vais mourir.
Il ne dit rien. Il me répond de son silence, comme bon nombre de fois, comme trop de fois. Mais de toutes façons, de quoi peut-il avoir peur. Je ne suis qu'une, parmis d'autre. Une simple fille, à qui il fait croire qu'elle a de l'importance, simplement pour en tirer un coup. Je fixe le pare brise. Comme j'aimerai le détester. J'aimerai me rendre compte de sa véritable nature et à quel point il joue avec moi. Je le sais, j'en suis persuadée. Mais je ne l'admets pas. J'ai sûrement trop peur de cette vérité destructrice. Il ne prend de moi que ce dont il a besoin. Il me quitte, puis me baise, puis me dit qu'il tient à moi, puis me rebaise mais en précisant qu'il ne m'aime pas. J'en viens à me demander lequel me tue le plus entre lui et la chose.
Je l'aime.

Un coeur sur la vitreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant