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Nous sommes le vingt-quatre décembre. Toute ma famille est là. Je n'aime pas ça. Je ne suis pas du tout famille. C'est particulièrement dur pour moi d'affronter mon alcoolisme en face de personne qui me catégorisent. J'ai peur car je connais très bien l'image qu'ils ont de moi, et chaque fois qu'ils me regardent, je sens ce dégoût et cette pitié. J'ai été très proche de ma cousine fut un temps. Mais elle a finit par croire les rumeurs qui circulaient sur moi. Et c'est comme ça que j'ai perdu une des personnes les importante de ma vie. Je l'ai perdu elle, puis son frère, j'ai perdu tout le monde. Sauf Raph. Qu'est-ce qu'il me manque Raph. Voilà deux semaines que je ne l'ai plus vu. J'ai besoin de lui, j'ai besoin d'un rail et d'un litre de vodka. Je ne peux plus supporter toutes ces bouteilles de vin autour de moi. Je sens mon cœur battre de plus en plus forte et mes mains tremblent. Je dois réussi à me contrôler. Je suis assise à côté de maman qui sirote un vin à cinquante euros paraît-il. Elle me regarde et me chuchote.
⁃    Tu veux le goutter ? Il est vraiment très bon.
⁃    Je ne sais pas...
⁃    C'est à toi de voir.
⁃    De quoi vous parlez ? nous interrompt Ethan.
⁃    Je veux qu'elle goûte le vin.
⁃    T'es sérieuse ? C'est pas vraiment le bon plan.
⁃    C'est bon Ethan je peux me gérer, je suis pas non plus...
Il me coupe.
⁃    Fais ce que tu veux.
Il détourne le regard d'un air énervé.
⁃    Ne pense pas à ça, me dit maman.
Je prend alors la coupe entre mes mains. J'observe le liquide rouge bordeaux s'attacher aux bord du verre. Je plonge mon nez et renifle. C'est vrai qu'il sent très bon. Je remue un peu le verre et j'y replonge mon nez. Encore mieux. Je me lance donc. Mes lèvres effleurent à peine le liquide que mes yeux se ferment. Je ne peux m'empêcher de finir le verre d'une traite. Maman me regarde.
⁃    Je suis désolée, je...
⁃    C'est pas grave.
Mamé se lève, et s'adresse aux enfants.
⁃    J'ai acheté des lanternes volantes.
⁃    Ouais ! S'écrient Lana et Noé, mes cousins, à l'unisson.
Nous sortons alors pour allumer nos lanternes respectives. Noé m'observe avec ses airs hautain et me lance.
⁃    T'es toute jaune.
⁃    Comment ça ?
⁃    Je sais pas, t'es les yeux et la peau jaune.
⁃    Tu dis n'importe quoi, ça doit être le reflet de la flamme.
Il se tourne alors, avec un regarde moqueur. Comme je déteste tous ces aires, tous autant qu'ils sont, leur façon de me regarder, leur façon de m'adresser la parole. Leurs regards moqueurs et mesquins. Pourquoi je ne suis pas famille ? Voilà pourquoi. Ma famille m'a toujours jugée, m'a famille n'a jamais été là pour me sauver. Ma famille n'a fait que me descendre plus bas que terre. Comme le noël 2016. Nous avions passé une semaine dans un parc aquatique au milieu de la France. Je venais d'avoir treize ans, et je me suis un peu trop rapproché d'un homme qui en avait vingt et un. Il a suffit qu'un soir, je me sois échappée de ma chambre pour aller le rencontrer, et ce fut le drame. Toute ma famille m'en a voulu. J'ai passé le reste de ma semaine dans ma chambre, seule à pleurer. C'est à ce moment là que je fis ma deuxième dépression. J'ai même pensé au suicide. C'est à partir de ce moment là que tout à commencé. Je me souviens encore de ce que l'on me disait « Tu ne peux t'en prendre qu'à toi même » ou alors « Je comprends les personnes qui te harcèlent au collège » ou même « J'en ai marre de tout de temps être derrière toi, je te laisse ici ». J'étais au plus mal, j'ai connu la plus profonde des haines. Depuis toute ma vision a changé, et je ne vis que par moi même, en essayant d'être le moins possible avec eux. Ils ne sont qu'une perte de temps, un rocher sur ma route. qu'ils restent entre eux, moi je n'ai pas besoin d'eux, j'ai fait ma part de parcours avec, mais aujourd'hui tout est terminé. Et au fond je trouve ça malheureux puisqu'ils n'ont pas su percer la carapace qui me bloquait. Ils n'ont eu comme seule réaction de me juger, de me détester et je n'ai eu d'autre choix que d'accepter le leur. Mais c'est comme ça. Ils sont comme ça et personne ne les changera jamais.
Ma lanterne s'envole rapidement. En quelques minutes, elle est déjà si loin dans le ciel qu'on voit qu'un point orange, presque semblable à une étoile. Les autres suivent alors le mouvement.
⁃    Il y a encore des pétards.
⁃    Moi je rentre, j'ai froids, fis-je.
Je me dirige vers la salle à manger, et j'observe ces verres de vins. Toute la soirée mon corps en a demandé. Je dois me dépêcher, il doit me rester deux minutes avant que tout le monde rentre. Je prends alors deux coupes que je bois cul sec. Comme si ce n'était pas assez, je remarque une bouteille quasi pleine, laissée à l'abandon au bout de table. J'entends des voix dans la véranda. Je dois me décider maintenant. Je me précipite vers la bouteille et en bois une, deux trois, quatre gorgées. J'entends la poignée de la porte. Je repose la bouteille. Maman arrive. Le liquide est en mouvement, j'essaie de le masquer avec une autre bouteille. Et tout mon numéro passe comme une lettre à la poste.
         Je sens les effets tout de suite. Je sens mes yeux partir, et mon souffle devient saccadé. Je n'ai même pas savouré les vins, je les ai bu comme on boit de la bière ou de l'absinthe. Tout le monde arrive. Nous continuons notre apéro-dînatoire. J'avale toute sorte d'aliments, du sucré au salé, j'essaie de boire le plus de soda possible, comme monsieur Parrieux m'avait conseillé. Je suis maigre, je peux me le permettre. Parrieux disait que la plus forte des addictions était le sucre, et qu'elle pouvais atténuer toute sorte d'envie néfaste. Mais, ce qui me surprend, c'est que ça ne marche pas du tout. Je me rappelle avoir emmené une bouteille de vodka, justement si ce cas de figure aurait eu lieu. Je ne pouvais pas faire ça, pas  à noël. Je n'entends même plus les discussions autour de moi. Je me lève, et dit d'une voix pâteuse.
⁃    Je vais me coucher, je ne me sens pas très bien.
⁃    Déjà, fit-maman, il n'est que vingt-deux heure.
⁃    Je suis fatiguée.
⁃    Viens là.
Je m'assoie à côté d'elle.
⁃    Qu'est-ce qu'il va pas ?
⁃    Je ne sais pas, je suis mal en permanence, je n'arrive pas à être bien, je n'arrive pas à sourire.
⁃    Tu sais pourquoi tu es mal ?
⁃    Non pas vraiment, c'est une accumulation...
Au fond je savais, et elle savait aussi.
⁃    Tu sais, ce n'est pas comme ça que tu vas attirer du bien. C'est normal qu'on te juge si tu montres que tu es triste alors que tu es heureuse.
Pardon ? Elle continue.
⁃    Regarde ta sœur, elle est mal au fond, mais elle sourit pour montrer que tout va bien.
Cette grosse s'incruste dans notre conversation et dit en rigolant.
⁃    Oui c'est ça !
⁃    Tu vois ! Toi c'est tout le contraire, tu es heureuse mais tu n'arrives pas à le montrer. Tout va mieux dans ta vie, il n'y a pas de raison à ce que tu sois triste, c'est pas comme Lola.
J'ai envie de hurler. Je n'ai jamais sentie une haine aussi profonde que celle là. Je n'ai jamais autant haït ma mère qu'à ce moment précis. Comment ose-t-elle seulement s'imaginer une seule seconde que ma vie s'est arrangée. J'ai envie de pleurer, mais de rage. Sur ces mots, je quitte la table.
Je me dirige vers ma chambre, je fouille dans mon sac et sors ma bouteille. Je ferme la porte à clef et... j'ai oublié le diluant. Bon, ça sera pur pour cette fois. J'ouvre ma bouteille et renifle cette douce odeur d'alcool. J'apporte le goulot à ma bouche et je bois. Ça me brûle la bouche, puis la gorge, puis l'estomac. Je mets mes écouteurs, et lance ma playlist de musiques tristes. J'ai presque bu un quart de la bouteille, je suis assez satisfaite. C'est pas possible, je ne suis pas alcoolique. On ne le devient pas comme ça, pas à mon âge. Je bois encore. Maintenant voilà que je pleure. Ces fêtes de fin d'année ne font que confirmer ma solitude. Elles n'ont fait qu'apporter vérité à toutes mes intuitions. Je bois toujours. Ma vue se trouble, elle se trouble de défonce et de larmes. Je ne sais plus quoi faire face à cette situation. Je ne sais même plus à qui parler. Je bois, en continue. La bouteille est bientôt vide. Soudain je me souviens qu'une très bonne amie passe également ses vacances à Wittenheim. J'appelle Kim.
⁃    Allô Mia ?
⁃    Salut tu vas bien ?
⁃    Ça va et toi ?
⁃    ...
⁃    Qu'est-ce qu'il se passe ? Me demande-t-elle.
⁃    Tu es disponible demain ?
⁃    Oui, je suis avec mon copain, mais tu peux venir avec nous, on parlera.
⁃    Avec plaisir.
⁃    À demain !
Je raccroche. Je cache le cadavre de bouteille dans ma valise. Et je m'endors.

Un coeur sur la vitreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant