Chapitre 10

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Manon : Nous sommes en rendez-vous professionnel, ça sera madame Lebeau le temps de cette entrevue.

Pauline : Manon, tu es sérieuse là ? s'exclame-t-elle.

Manon : Ai-je l'air de plaisanter ? dis-je en relevant un sourcil. Au fait, voici ma stagiaire Madame Proust, elle assistera à tout l'entretien, vous pouvez parler librement devant elle madame Gautier.

Pauline : Très bien... elle respire un grand coup. Ecoute, je voudrais m'excuser. Je n'aurais pas dû faire ça, et encore moins dans ton dos. Mais tu comprends, j'ai eu une mauvaise pub et j'ai dû faire un choix...

Manon : On a toujours le choix de faire autrement quand on a des valeurs, la coupais-je

Pauline : Mais, nous avons les mêmes valeurs, c'était juste une période de crise...

Manon : Je n'aime pas la réaction que vous avez en période de crise. Laissez-moi vous poser une dernière question avant de continuer. En sachant que je venais, et la raison qui compromet notre possible accord, avez-vous agis, les avez-vous enlevées ?

Pauline : Je... Ca va être fait, je le jure, bégaye-t-elle.

Manon : Pas la peine, l'entretien s'arrête ici ! je me lève et m'apprête à ouvrir la porte.

Pauline : Manon, c'est ton père qui m'a conseillé de le faire ! se précipite-t-elle.

Manon : Pardon ? je sens la colère frapper mes tempes. Tu pourrais t'expliquer ?

Pauline : Ton père a appris que tu projetais une collaboration entre nos deux entreprises, et il a vu que j'avais quelques difficultés récemment. Alors, il m'a conseillé de faire ça pour que notre alliance soit assurée et solide, puisque mon entreprise le serait.

Point de vue de Philippine :

      Je regarde avec attention ma boss qui a sa main sur la poignée de porte. Je vois bien qu'elle bouillonne, même si elle essaie de se contenir. Une veine grandit sur son front, et la trahit de fait. Elle ouvre grand la porte, se retourne et lâche :

Manon : Les affaires de Jean-Yves Lebeau ne sont pas les miennes. Vous avez choisi votre camp. Il n'y a pas de marche arrière. Madame Proust, on y va.

       Elle sort en trombe, tout en gardant une démarche assurée. Je commence à la suivre quand madame Gautier me saisit le bras.

Pauline : Je vous en prie, il faut la convaincre de travailler avec moi.

Philippine : Je ne pense pas que c'est à moi qu'appartient cette décision, désolée.

      Elle me lâche, et je rattrape Madame Lebeau en courant presque. Décidément, cette femme est déterminée à aller le plus vite possible dans tout ce qu'elle fait... J'arrive enfin à son niveau et vois que la veine sur sa tempe est encore bien visible. J'estime donc que lui parler serait signer mon arrêt de mort. Je me contente donc de la suivre sagement. Elle regarde sa montre et s'arrête. Je la vois respirer à fond, elle affiche un léger sourire, et me lance :

Manon : Bon, japonais ou italien pour le déjeuner ?

Philippine : Euh, peu importe.

Manon : Très bien, ça sera japonais, je sais que Chloé préfère, on doit la retrouver dans 15 minutes. Alors en route !

      Elle repart de plus belle, et nous traversons un nombre incalculable de rues afin d'atteindre un tout petit quartier chinois. En effet, une dizaine de devantures sont écrites en français et ce que je suppose être du chinois. Elle rentre dans un restaurant, où un buffet libre-service trône en plein milieu. Madame Lebeau se dirige vers le serveur, et celui-ci nous mène à une table un peu reculée, au fond du restaurant. Il y a déjà une femme qui attend à table, je la reconnais, je suis sûre de l'avoir vu pour mon entretien.

Chloé : Bonjour Philippine, je suis Chloé, la secrétaire de Madame Lebeau ! Ravie de faire ta connaissance.

Philippine : Bonjour, ravie de vous connaitre également !

        Nous nous asseyons, et bien que la veine de ma patronne ait disparu, je remarque à son silence qu'elle n'en est pas pour autant calmée. Et mes soupçons se confirment lorsqu'elle part se chercher à manger, sans même nous prévenir. Chloé me jette un regard étonné, et me fait signe de la suivre au buffet afin que nous puissions nous même nous servir. Au moment où nous y arrivons, Madame Lebeau se trouve avec une assiette pleine à craquer et rejoins notre table.

Chloé : Alors, il s'est passé quoi ?

Philippine : Euh, pardon ? lâchais-je surprise.

Chloé : A l'évidence ça s'est plutôt mal passé, fit-elle en jetant un regard à sa boss. Donc qu'est ce qui l'a mis dans cet état ?

Philippine : A vrai dire j'en sais rien, elle était déjà passablement énervée avant que l'on ne parte à l'entretien, mais après ça a été pire... avouais-je.

Chloé : Je me doutais que ça finirait comme ça...

Philippine : Comment ça ?

Chloé : Pauline Gautier a déçu Manon... elle chuchote. Et je la connais, quand sa confiance est perdue, c'est à jamais...

Philippine : Mais pourquoi n'a-t-elle plus confiance en elle ?

Chloé : Elle a fait relocaliser sa production en Indonésie... Elle aurait dû y réfléchir à deux fois... elle me sourit et nous nous asseyons à notre table.

         Eh bien, moi qui pensais que ma patronne était juste une femme aigrie et castratrice, qui cherchait juste à dominer les autres, je me suis peut-être légèrement trompée... Et je comprends mieux maintenant l'attitude qu'elle a eu quand je l'ai comparé à sa concurrente. Je l'ai surement blessée. Mais je n'y suis pour rien, je ne pouvais pas le savoir. Ça ne justifie en aucun cas son attitude envers moi...

       Alors que le silence régnait, et que chacune d'entre nous se contentait de s'occuper du contenu de son assiette, Chloé rompit ce rituel.

Chloé : Bon, on va en parler Manon, ou tu préfères bouder dans ton coin ?

Manon : C'est mon père qui lui a conseillé de faire ça.

Chloé : Oh... elle se tue un instant, et elle reprit avec plus de douceur. On va faire quoi alors ?

Manon : On va parler de tout ça, et de ce qu'on va faire... elle semble plus calme que tout à l'heure et déclare enjouée. Mais d'abord, je vais me resservir, mieux vaut parler le ventre plein, elle s'éloigne.

Philippine : Mais comment est-ce possible qu'autant de nourriture rentre dans ce corps ???

Chloé : Tu as raison, c'est ce que je me suis dis la première fois que je l'ai rencontré ! rie-t-elle. Ça l'aide à contrôler ses émotions, me confie-t-elle accompagné d'un clin d'œil.

Manon : Bon, elle pose son assiette remplie et s'assoie. On va faire un petit bilan. Le contrat avec Madame Gautier n'aura pas lieu, et ça c'est sûr et certain. Je ne veux pas travailler avec quelqu'un qui exploite les pays pauvres, et créé du chômage en France. Dans un deuxième temps, je vais devoir passer un coup de fil à mon père... elle semble attristée par cette nouvelle. Enfin, on va devoir trouver un autre partenariat, ou bien devoir avancer seuls... elle ajoute en se tournant vers moi. Et au fait, deux leçons profitables vous ont été enseignées Madame Proust. La première étant qu'il ne faut jamais perdre de vu ses objectifs, quitte à perdre une occasion de faire de la pub, et la seconde...

Philippine : La seconde étant le fait que ce type d'entretien n'est pas à reproduire ? lançais-je.

       Merde pourquoi j'ai dit ça ? Elle était enfin calme et apaisée. Mais qu'elle conne je fais putain ! Pourtant à mon grand étonnement, ce sont des rires qui sont sortis de sa bouche, plutôt que des réflexions.

Manon : Je n'allais pas le formuler comme ça, mais je préfère cette version !

        Pfiou, j'ai bien cru que c'était la fin. Madame Lebeau est à la suite de cela, allé payer pour nous trois, et nous sommes retournées au siège, tout en discutant joyeusement. Enfin, Chloé et moi parlions plus qu'autre chose. Elle est bien plus bavarde que sa supérieure

Piccola ForzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant