Chapitre 32

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              Le regard de Manon s'attendrit. Elle me fixe et un sourire arrive enfin sur ses lèvres. Certes c'est un faible sourire, qui s'efface aussitôt, mais un sourire quand même. Je lui souris sincèrement en retour.


Philippine : Maintenant que tu es plus calme, raconte-moi ce qu'il s'est passé dans le détail. On pourra rationaliser tout ça, et essayer de trouver des solutions, ok ?!


            Manon hoche la tête et commence son récit. Elle m'explique comment sa journée avait démarré, l'entente qu'elle avait avec sa sœur Camille, et ses autres frères et sœurs. Je n'ai pas compris combien elle en avait, ses explications étaient un peu rapides et floues.

             Puis, elle m'explique comment sa famille a insisté par rapport à Arthur et elle qui essayait de les contredire sans pour autant dévoiler son homosexualité. Elle me raconte à quel point elle est en colère contre elle-même de ne pas les avoir laissés dire et s'être emportée. C'est parce qu'elle a été poussée à bout qu'elle a fait son coming out. Elle n'était pas prête, et clairement sa famille non plus...

             Son père l'a renié devant tous le monde et personne n'a bronché, à part ses plus jeunes frères si j'ai bien compris. Les propos qu'a utilisé son père sont révoltants... Je comprends pourquoi elle ne leur avait pas dit avant. Ca a du être difficile de vivre dans ce genre de famille, et se cacher d'eux. Elle termine son récit et déclare calmement.


Manon : Tu vois, j'ai vécu un sacré ascenseur émotionnel. Vendredi soir, je croyais que toutes les distances et retenues que je ressentais venant de mon père étaient infondées. Je pensais que je m'étais montée la tête toute seul. Mais la réalité c'est que mon père était rassuré en croyant que j'étais avec Arthur. Le pire, c'est que c'est lui qui dirige toute l'opinion de ma famille, preuve en est, mes aînés ne m'ont pas appelé ou soutenus. C'est comme s'ils avaient fait une croix sur moi au moment où mon père m'a renié.

Philippine : Ils vont peut-être s'en rendre compte, c'est le temps qu'ils digèrent l'information. Regarde tes petits frères t'ont plus ou moins soutenus, essayais-je de la rassurer.

Manon : Je connais ma famille, tant que mon père est en vie, ils n'iront pas à son encontre, et n'essaieront pas de me recontacter, elle se met debout. Ce sont ses enfants modèles après tout...


             Je me lève à mon tour et suis ma boss. Elle se dirige tout droit vers sa chambre et ôte sa robe. Elle se retrouve donc en sous-vêtements de dentelles devant moi. Par réflexe, je détourne le regard, gênée. J'entends un rire étouffé de la part de la personne qui se glisse dans ses draps. Je tourne les talons et m'apprête à partir.


Manon : Philippine ! s'écrit-elle. Tu peux rester ? me demande-t-elle timidement.

Philippine : Euh, oui bien-sûr... Je vais aller dans la chambre d'amis alors, bonne nuit.

Manon : Philippine, appelle-t-elle timide. Tu peux dormir avec moi ?


           Pardon ? Cette proposition soudaine et étrangement attirante me séduit. Mais je ne peux pas faire ça. J'ai peur qu'elle veuille se consoler en couchant avec une énième femme. Je ne suis pas sure de vouloir faire ça. Voyant que j'hésite, elle poursuit.


Manon : Ca m'a fait du bien de te parler. Je vais rien essayé je te jure, je veux juste être près de toi, car j'ai l'impression que ça me calme.


            Face à son air à la fois sincère et enfantin, je cède. J'enlève donc mon jogging que j'avais pris le temps d'enfiler avant de prendre la route. Je me trouve en T-shirt culotte dans le lit de ma patronne. Je m'allonge le plus loin possible d'elle et éteins la lumière.

            Je sens cependant le corps de Manon se rapprocher de moi. Elle se mets à chuchoter à mon oreille.


Manon : Je suis désolée Philippine... Je n'aurais pas du t'embrasser comme ça pour fuir mes responsabilités... La vérité c'est que j'ai gâché le premier baisé que tu as eu avec une femme, et je m'en veux.

Philippine : Ce n'est pas grave Manon, la rassurais-je.

Manon : Si c'est grave. C'est pas comme ça que tu devrais être traitée. C'est pour ça que je me bats pour que tu ne vois pas que j'ai des sentiments pour toi... J'ai peur, de moi et de toi. J'ai peur de te faire du mal, de mal te traiter. Je n'ai jamais eu envie d'être en couple, je traite mal les femmes et je ne sais pas si j'arriverais à te rendre heureuse. J'ai peur de toi... Parce que... elle fait une pause et continue. Parce que j'ai peur de ce que je ressens pour toi, c'est nouveau pour moi.


         Je ne sais pas du tout quoi répondre à cela. C'est une véritable déclaration qu'elle vient de me faire. Elle a peur, c'est pour cela qu'elle me repousse. Elle qui d'habitude ne laisse pas transparaître ses émotions, qui reste rationnelle et calme en (presque) toutes circonstances, elle vient de casser sa carapace pour m'avouer cela.

           Bien sûr, je sais que c'est surement l'alcool qui lui donne ce courage, mais ce que je sais aussi, c'est qu'elle pense vraiment ce qu'elle dit. Et ça me touche énormément. Pour seule réponse, je prends sa main dans la mienne, et la sers fort.


Philippine : Merci.


            Je sais que ça lui coûte de se confier comme cela, de se montrer faible comme elle dit. Personnellement je trouve qu'il faut un courage immense pour faire face à ses sentiments et les partager. J'éprouve bien plus de chose pour elle, la voir comme ça, ça me permet de la comprendre beaucoup mieux, de savoir pourquoi elle agit comme ça.


Philippine : Eh bien, l'alcool te donne vraiment beaucoup de courage n'est-ce pas, la taquinais-je.

Manon : Oui, elle rigole. Je vais peut-être regretter demain, mais au moins c'est dit.


           Sur ces paroles, je sens sa main quitter doucement la mienne, et quelques minutes plus tard je sens sa respiration régulière. Elle s'est endormie. J'espère que demain, elle continuera sur cette lancée, et qu'elle en sortira plus forte...

Piccola ForzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant