Chapitre 31

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Point de vue de Philippine :

          La réponse de Manon m'a fait sourire. Si j'interprète littéralement ces émojis, je dirais qu'elle a beaucoup trop bu et qu'elle est sur le point de vomir. Mais je sais bien que ce n'est pas ce qu'elle voulait signifier. Elle voulait juste me rappeler qu'elle m'avait vu vomir.

           Elle veut toujours avoir le dernier mot, c'est marrant. Il est 1h30, je pars juste de chez mes amis. Je n'ai pas bu une goutte d'alcool, c'était une soirée bien sympa, mais je suis fatiguée. Rentrer chez moi me semble la chose la plus évidente à faire.

            Dire que Manon passe une magnifique soirée avec sa famille. Une famille, bien que la sienne soit compliquée, elle semble proche de sa sœur. Je me demande si elle a d'autres frères et sœurs. Il faudra que je lui pose la question un jour.

             Concernant mes sentiments à son égard, ils ne se tarissent pas. Je ne sais pas trop ce que je veux comme style de relation, c'est tout nouveau pour moi, mais ce qui est sûr, c'est que je veux que ça soit avec elle. Je sais qu'elle semble inaccessible, mais je sens qu'il y a quelque chose entre nous...

             J'arrive enfin devant la porte de mon appartement. Il est plus de 2h du matin. Je suis crevée, j'enfile un short de course, qui me sert plus de pyjama que de réelle tenue de sport. Un débardeur, et je saisie mon téléphone avant de m'allonger dans mes draps. Je pose la tête sur mon oreiller, j'ai du mal a trouver le sommeil.

              Au moment où je sens que mon esprit part, mon téléphone se met à sonner. Merde j'ai oublié de couper la sonnerie. Mais quel est le con qui m'appelle à cette heure-là aussi ?! Je saisie mon téléphone et remarque que le destinataire n'est pas inconnu. Inquiète, je décroche.


*Philippine : Allô ?! Tout va bien ?

Manon : Oui tout va suuuper bien !


Ouf, me voilà rassurée, je préfère qu'elle m'appelle bourrée plutôt qu'elle ait un problème.


Manon : Tout va super bien, même si toute ma famille m'a reniée. Mon père ne veut plus que je sois sa fille, ma mère non plus d'ailleurs, et mes frères et sœurs n'en parlons pas ! j'entends comme un bruit de gorgées au bout du fil. Je suis seule, fière de l'être, tout va bien quand je suis seule ! Aha, elle a un rire compulsif.

Philippine : Mais Manon, tu te rends compte de ce que tu dis, ça n'a pas l'air d'aller du tout ! m'écriais-je.

Manon : Pas de cris Madame Proust ! J'en ai déjà trop entendu ce soir, mes oreilles bourdonnent...

Philippine : Je pense que je vais passer chez toi, tu n'as pas l'air bien...

Manon : Mais si !! Tout va bien je vous ai dit ! Mais je trouve plus de bouteilles de whisky... Tu penses que tu peux aller m'en acheter ? s'empresse-t-elle de me demander pleine d'espoir.

Philippine : Il est plus de 3h du matin, là...

Manon : Merde. Bah tant pis, bonne nuit ! s'exclame-t-elle en raccrochant. *


          Putain mais il s'est passé quoi au juste pour qu'elle soit chez elle dans cet état ?! J'ai bien comprit qu'elle s'était engueulée avec sa famille, mais ça ne peut pas être aussi grave qu'elle ne le dit...

          Je prends mes clés de voiture et m'empresse de conduire jusqu'à son appartement, heureusement que j'y suis déjà allé, sinon je me serais bien trouvé dans l'embarra... Je me gare et monte les étages aussi vite que possible. Je toque à sa porte. Lorsque la porte s'ouvre, j'ai presque les larmes qui me montent aux yeux.

           Manon a encore sa robe, mais elle ne semble plus aussi sexy qu'à l'accoutumé. Sa coiffure est en désordre, et son maquillage a tellement coulé que de grandes traînées noires font comme une route sous ses yeux. En parlant de ses yeux ils sont si rouges qu'elle doit bien avoir pleuré des verres d'eau entiers...

           Je jette un rapide coup d'œil à la table basse, deux bouteilles de whisky vides s'y trouvent. D'où l'état. Elle me fixe et me lance.


Manon : Oh, c'est vous...


            Elle lâche la porte et retourne s'assoir par terre, le canapé lui servant de dossier. Elle reprend son verre où il reste un fond de liquide jaunâtre et l'avale d'une traite. Je ferme la porte et me rapproche vite d'elle. Je m'empresse de saisir son verre et le reposer sur la table basse. Je m'assoie ensuite dans la même position qu'elle, à ses côtés.


Philippine : Qu'est ce qu'il s'est passé exactement ? demandais-je sur un ton doux.

Manon : Rien de bien grave ne t'inquiète pas, tente-t-elle de me rassurer.

Philippine : Tu es sure ? Parce qu'honnêtement, on dirait pas... dis-je en la montrant du doigt.

Manon : Mouais, ça n'empêche pas que je ne vais pas me confier à mon employée...

Philippine : Pourquoi ça, m'indignais-je presque.

Manon : Parce que vous ne devez pas me voir faible, me confie-t-elle sans me regarder.

Philippine : Regarde-moi, je lui attrape le menton. Il faut que tu m'en parles, je ne dirais rien au boulot, mais là tu as besoin de quelqu'un.


             Je la vois réfléchir, hésiter. Elle se penche soudain vers moi et pose ses lèvres sur les miennes. Même si ce baisé allume des millions de terminaisons nerveuses en moi, je dois résister. Ce baisé n'est pas sincère, il est fait pour les mauvaises raisons. C'est sa façon de fuir, elle veut me faire taire pour ne pas avoir à parler. Je la repousse.


Philippine : Ce n'est pas comme ça que tu vas t'en sortir Manon, dis-je en essayant de cacher le fait que je suis vexée.

Manon : Pardon, elle me regarde tristement. Je ne sais pas ce que je fais. Tu sais, ça se passais si bien. La fête, l'alcool, la réconciliation avec mon père, avec ma sœur... Il m'a dit qu'il était fier de moi, tu te rends compte ? des larmes remplissent ses yeux. Et ce soir, j'ai été forcé de leur dire que je suis lesbienne, sa voix se casse. Mes frères et sœurs n'ont rien dit. Ils ont suivi ce que mon père a dit. Que je suis contre nature, une vieille merde qui fait honte à la famille. Qu'il ne voulait plus me voir, que je n'étais plus sa fille...


            Elle explose, des sanglots transcendent son corps. N'y tenant plus, j'agrippe sa tête dans mes bras et la pose sur ma poitrine. Même si son discours était décousu, j'ai réussi à comprendre l'essentiel. Nous restons dans cette position pendant 10 bonnes minutes pour qu'elle se calme. Elle se détache de moi ensuite et me lance.


Manon : Je ne vaux rien Philippine. Je serais seule toute ma vie.

Philippine : Mais ça va pas ! Tu n'es pas seule Manon. Je suis là ! 

Piccola ForzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant