Tu me manquais

64.

Dany entre dans le bureau où travaillent les responsables informatiques de l'entreprise présidée par le père de Marc. Il doit y passer deux mois, un job d'été plutôt sympa mais pas sans obstacle.

– Ah, voilà le fils du patron.

– Euh, je suis un ami de son fils.

– De mieux en mieux. Bon, tu sais allumer un ordinateur ?

Apparemment, ces collègues ne vont pas être des tendres. Dany voudrait déjà partir, mais ce serait faire honte à la famille de Saint Alban. Alors, il prend place au bureau qu'on lui assigne.

– Voilà, débrouille-toi.

Dany reste figé devant l'écran. Il ne sait rien de ce qu'il doit faire et évidemment, si personne ne lui explique, les choses risquent d'être difficiles.

– Ne fais pas attention à lui, c'est l'ancien du groupe, il vit dans la peur.

Un charmant jeune homme s'est approché de Dany. Sa présence et sa voix le rassurent immédiatement.

– Il a peur de quoi ?

– Il a connu les ordinateurs avec des écrans à deux pixels. Maintenant il voit arriver uniquement des jeunes qui ont grandi avec un smartphone dans les mains et il se sent dépassé.

– Je dois faire quoi ?

– Pour l'instant, tu t'occupes de donner des mots de passe à tous ces abrutis qui oublient ce qu'ils ont saisi.

Après une matinée passée au téléphone et à répondre à des mails d'utilisateurs bloqués par leur mot de passe, Dany rejoint Marc pour le déjeuner.

– Tout se passe bien ? Je voulais venir te voir mais on ne m'a pas laissé seul une minute.

– Y a un mec qui est sympa.

– Ah, c'est tout ce que tu retiens ?

– Le travail est nul.

– Mais il est bien payé et on a la clim. C'est vraiment pas si mal par rapport à d'autres jobs d'été.

– Je ne sais plus si j'ai envie de travailler dans l'informatique.

– Ce que tu fais là ce n'est pas de l'informatique. T'inquiète, ils vont vite comprendre tes compétences et te donner des tâches plus intéressantes. C'est quoi ce bruit ?

– Le bipeur qu'on m'a donné.

– Et tu ne réagis pas ?

– Je sais pas à quoi il sert, on m'explique rien.

– J'imagine que si ça bipe c'est qu'il y a une urgence, tu devrais y aller.

– On n'a pas fini de manger.

– C'est pour ça qu'on parle d'une urgence, ce n'est pas prévu à l'avance.

Dany retourne vers son bureau sans trop se presser. Lorsqu'il entre dans la pièce c'est l'effervescence.

– Qu'est-ce qui se passe ?

– Heureusement que tu travailles pas aux urgences toi, tu mets des plombes à arriver. Un virus est en train d'infecter le système.

– Y a pas des protections automatiques ?

– Si, petit génie, mais parfois les attaques sont trop sophistiquées.

Certains courent d'un bureau à l'autre, impossible de comprendre en quoi cela aide à bloquer un virus informatique. D'autres pianotent frénétiquement sur leur clavier, comme lorsqu'on veut faire semblant de travailler. Dans l'indifférence générale, Dany s'installe devant son ordinateur, calmement et fixe l'écran. Soudain, la pression retombe.

– Qui a réussi à contrer le virus ?

– Je crois que c'est le nouveau.

– Comment il a fait ?

Tous regardent leur écran, pour consulter l'historique et voir en détail comment Dany a réussi. C'est de l'informatique, chaque action est enregistrée.

– Pas croyable !

– Il est doué le mec.

– Et il a fait ça en moins de cinq minutes.

« L'ancien » s'approche de Dany et pose un téléphone portable sur son bureau.

– Normalement les jobs d'été n'y ont pas droit.

– C'est quoi ?

– Un téléphone professionnel. Si on t'appelle là-dessus, tu décroches.

– Pourquoi ?

– Parce que ça veut dire qu'il y a une urgence et que t'as l'air de bien maîtriser.

Celui qui avait été sympa avec Dany vient s'asseoir à côté de lui.

– Eh bien, tu as déjà amadoué l'ancien.

– Je n'ai pas fait grand-chose.

– A part réussir en quelques clics là où on aurait passé des heures. Où t'as appris ça ?

– Je sais pas.

– Euh, ta réponse est bizarre. On va boire un verre après le boulot, tu viens avec nous ?

– Oui.

Dany a répondu sans vraiment réfléchir. Quand vient l'heure de suivre ses collègues, il a une hésitation. Boire un verre veut forcément dire se retrouver dans un bar, avec du monde. Il fait face quand même, il a bien progressé depuis un an, il peut supporter une heure au milieu de la foule.

– C'était bien ?

Quand il rentre à l'appartement, il est légèrement ivre.

– Ouais, sympa.

– Tu t'es fait draguer ?

– Bah non.

– Mouais, allez, viens là, j'ai envie de toi.

Dany se laisse faire. Enfin au début, une fois que l'excitation monte il participe pleinement à l'action.

– Alors, tu trouves ton travail toujours aussi nul ?

Nus l'un contre l'autre, essoufflés, les deux garçons essaient de faire baisser leur rythme cardiaque.

– Je dois laisser ce téléphone allumé, en cas d'urgence.

– T'as été impressionnant, j'ai vite entendu parler de tes exploits. Les ragots vont plus rapidement que la fibre.

– Ça, c'était de l'informatique.

– Et ça te plaît ?

– Oui.