29.

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Le jeudi soir, Marc et Dany arrivent toujours les premiers au stade municipal. Officiellement, c'est parce que Marc est le capitaine de l'équipe d'athlétisme et qu'il faut donc qu'il demande la clé des vestiaires à l'accueil pour que tout soit en place. Les deux garçons se changent tranquillement et c'est durant la phase finale que l'on comprend pourquoi ils viennent avant les autres. Marc s'agenouille et lace les baskets de Dany.

– Je suis vraiment nul.

– Ne dis pas des choses comme ça.

– Tu devrais me laisser porter des chaussures à velcro.

– C'était bien dans les années 80, aujourd'hui tu aurais l'air ridicule.

Marc a déjà essayé d'apprendre à Dany comment lacer ses chaussures seul. Pourtant, il a quelques difficultés motrices, presque imperceptibles, mais qui l'empêchent par exemple de faire un geste aussi simple, que la grande majorité réalise au quotidien sans même y penser.

– Tu ne parles pas beaucoup depuis...

– Je n'ai pas toujours envie de parler !

– Tu regrettes ce qu'on a fait ?

– Non. Enfin, je pense qu'on est allé un peu trop loin dans le partage d'intimité.

– Mais tu trouves ça bon quand on fait des trucs ensemble.

– Evidemment, sur le moment j'adore. Peut-être qu'on devrait se fixer des limites, il y a des trucs qu'on ne fait pas entre hommes.

– Je ne comprends pas.

– On verra ça plus tard.

Les autres membres de l'équipe commencent à arriver.


Pour l'échauffement, les garçons font cinq tours de piste à petite allure. Dany, lui, fait ce qu'il veut pendant l'entraînement. Romain se met à la hauteur de Marc, pour discuter :

– Je ne comprends pas pourquoi tu continues à l'amener.

– Il faut qu'il s'habitue à faire partie d'un groupe, à être entouré de monde. Même s'il ne suit pas, au moins il est avec nous.

– Tout se passe bien ? On dirait qu'il y a un froid entre vous.

– J'ai l'habitude d'être seul à la maison, maintenant il y a toujours quelqu'un.

– Tu regrettes de l'avoir pris chez toi ?

– Non, mais ce n'est pas toujours facile. Il veut tout le temps être avec moi, j'ai plus un instant de solitude.

– Sauf quand il vient s'entraîner chez moi.

– Tu vas mieux au fait ?

– Ouais, il a failli me casser une côte mais c'est ma faute. J'ai brûlé les étapes.

– Tu ne l'emmèneras plus à la salle de boxe ?

– Peut-être pas tout de suite sur le ring, mais il va continuer à venir, les autres aussi ont vu son potentiel. Tout ça c'est si tu acceptes.

– Ce n'est pas mon gamin, tu peux lui parler directement.

– Sauf que tu dois être présent. Tu sais mieux le gérer et quand il est à l'extérieur il continue à être bizarre.

– Il t'apprécie aussi, tout devrait bien se passer.

– Avec toi il est rassuré, en confiance.

– Ok, arrête, je viendrai.


L'entraînement se poursuit, sous la conduite de Marc. Il garde toujours un œil sur Dany qui, de son côté, continue à courir autour de la piste, sans jamais s'arrêter. En fait, il attend l'ordre de stopper. Marc n'apprécie pas que Nathan vienne à la hauteur de son petit protégé, visiblement pour lui parler. Nathan est le premier qui a désobéi aux ordres en essayant de piquer le repas de Dany, assez violemment.

– N'aie pas peur, je ne vais pas te frapper.

Dany lance un regard plein d'inquiétude à Marc.

– Je ne me suis jamais excusé pour tout le mal que je t'ai fait. Je regrette vraiment, j'ai été con.

– C'est cool.

– J'ai appris que tu aimes aller au McDo. Quand tu en as envie tu m'appelles et je t'invite, je te dois pas mal de repas.

– Pas la peine.

– J'aimerais me faire pardonner.

– Pourquoi ?

Voilà une question que l'on ne pose pas souvent à quelqu'un qui cherche à s'excuser. Et il n'est pas si facile d'y répondre.

– Je sais pas, pour avoir bonne conscience je suppose.

– Pourquoi tu me volais mes goûters ?

– Parce qu'ils étaient bons.

– Et j'étais faible.

Finalement, Nathan regrette d'avoir entamé la discussion. Il est mis face à sa responsabilité et surtout sa méchanceté gratuite.

– On pourrait repartir sur des bonnes bases.

– D'accord.


À la fin de l'entraînement, tous les garçons se retrouvent sous la douche. Et comme à son habitude, les réactions de Dany sont imprévisibles. Il observe fixement l'un des mecs.

– Qu'est-ce que tu regardes ?

– T'as pas de peau au zizi.

Les autres hésitent à rire. Personne n'est préparé à ce genre de remarque sous les douches collectives.

– Je suis circoncis.

– C'est quoi ?

– Quand on coupe le prépuce.

– Pourquoi ?

– Euh, pour moi c'est la religion, on l'a fait peu après ma naissance.

– C'est bizarre.

– Non, y en a beaucoup qui le font.

– Ça fait mal ?

– Pas du tout. Enfin la circoncision sans doute mais je ne m'en souviens pas. On peut parler d'autre chose ?


Marc et Dany retournent lentement à l'appartement.

– J'ai dit une bêtise ?

– Non, mais on ne parle pas de ce genre de chose normalement.

– Trop de règles.

– Si tu as des questions, tu me les poses d'abord.

– Mais tu boudes.

– Qu'est-ce qu'il voulait, Nathan ?

– M'inviter au McDo, pour se faire pardonner.

– Et qu'est-ce que tu lui as dit ?

– Bah, c'est le McDo.

Marc éclate de rire.

– Tu boudes plus ?

– C'est dur de rester fâché avec toi !

Tu me manquaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant