Chapitre 36

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Fubuki

Le bras droit de Bingwen, Jun Watanabe et l'homme court sur pattes, Noburu Watanabe, finirent derrière les barreaux avec leur cher maitre. Beaucoup pensaient que ces trois hommes devaient mourir mais Gang Ma partait du principe que si elle était croyante elle n'avait aucun droit de vie ou de mort sur autrui. Que ce n'était pas son rôle. La stratégie de Gang Ma était d'être la plus proche du peuple, la plus humaine, plus familière. Pour contraster de Bingwen.

Noburu le nabot, comme l'appelait Vanira, aurait le temps d'allonger sa barbe en croupissant en prison. Lui et Jun avaient eu une grande influence dans le meurtre de la famille Impériale. Bien sûr c'était sans prévoir que l'ainée et le benjamin s'enfuiraient. La nouvelle Impératrice les envoyait là-bas pour toujours. Pour qu'ils tombent dans les oubliettes et que la seule façon dont on se souvienne d'eux soit comme les assassins de Wen Ma. Après tout, les vainqueurs raconteraient l'histoire et on ne saurait que les mauvaises choses qu'ils ont faites. En omettant qu'avant cela Jun Watanabe avait aidé Wen Ma et son mari Yong Liang a géré l'économie du pays alors que le ministre fut renvoyé quand le chômage augmenta. Une ruée vers l'or avait eu lieu quand des pépites d'or avaient été trouvées dans des montagnes enneigées. Les mines étaient une source de travail surtout pour les Colorés. Les conditions étaient tant déplorables que les Mikazukis refilaient la pénible besogne aux autres. Mais la ressource du pays se tarit. Quant à Noburu Watanabe il avait toujours été le général de l'armée. Il avait été renvoyé suite à une dispute, dont personne ne connaissait l'origine, avec l'Impératrice.

Justement, Gang Ma n'était pas encore Impératrice, elle invita tous ceux qui souhaitaient venir à son couronnement. Taina, Najwa et moi y allions. Tous les Pikake étaient en deuil. Mes parents s'occupaient de mes grands-parents, ceux de Taina et Ursa nous accompagnait, Xiao Wai*dans les bras. Lai et Poekura n'étaient pas venus. Les parents de Najwa s'occupaient du cabinet, plein à craquer après les événements et les séquelles laissés à certains. J'étais déçue de ne pas pouvoir passer ce moment historique avec ma famille.

L'Impératrice était dans un costume traditionnel, le tissu brodé du kamon des Ma, de carpes, de dragons et de nénuphars glissait à terre. Des parures en or ornaient ses cheveux montés en un chignon raffiné. Les longues manches du kimono trainaient au sol alors qu'elle avançait vers son trône. Elle battait son bel éventail plein de décorations devant son visage maquillé, ce qui cachait le bas de son visage, mais elle regardait avec les yeux de quelqu'un qui sourit aux gens s'étant déplacés pour elle. Son éventail était si beau, j'aurais aimé l'ajouté à ma collection. Deux gardes en tenues traditionnelles, un portant une bande argenté dans son dos et l'autre une bande dorée, marchaient à ses cotés, ainsi que cinq servantes vêtues d'habits traditionnels couvrant leur bras d'un tissu blanc jusqu'aux poignets et un large tissu orange parsemé de cercles drapé de leur poitrine jusqu'à leurs pieds. Son petit frère Hai, vêtu d'un costume traditionnel arborant un dragon brodé dans son dos, avançait avec une démarche enfantine, petits pas rapprochés et rapides. Tous les invités présents furent attendris par le jeune garçon de douze ans, suivant sa sœur en lui tenant la main.

Quand l'Impératrice s'assit sur le trône, nous nous agenouillons tous. D'un coup de poignet elle déploya son éventail devant sa bouche, elle lança un regard malicieux vers ses sujets, et haussa les sourcils face à celui qui la couronnerait.

Youria Kishi répondant maintenant à son vrai nom, Yasuo Soga, s'approcha d'elle. Une cicatrice marquait son visage. Il eut le privilège de poser le diadème et attacher une tiare, orné d'un jade, autour de son front.

« Longue vie à l'Impératrice ! »

Tout le monde se redressa et applaudit. Certains sifflaient et Hai-hiko souriait de toutes ses dents. Un musicien joua l'hymne à l'ocarina, puis un groupe de musiciens joua une musique moins traditionnelle. En écoutant le jazz nous participions à la cérémonie en dansant et mangeant les mets proposés, tous délicieux. Le cuisinier du palais avait dû passer des nuits blanches avec sa brigade de cuisine à préparer ces kilos de nourriture.

Après la réception, Gang Ma était officiellement l'Impératrice de Mikazuki. Yasuo Soga devint son premier ministre. Hai Ma était désigné comme futur ministre des affaires étrangères. Elle abolit les lois de ségrégation, d'anti-métissage comme son conseiller le voulait. Elle supprima également les lois interdisant aux samurais d'avoir un autre maitre que le chef de leur clan, celle interdisant de se marier hors de son clan. Le clan Ma était matrilinéaire, quand Gang Ma épousera un homme et aura des enfants son héritage sera le plus important des deux.

La reddition des troupes de Bingwen, toute la Résistance, l'abolition de ces lois, cette cérémonie à laquelle nous avions assisté. Il était sûr que nous aurions beaucoup d'anecdotes à raconter à nos enfants. Pour leur expliquer leurs racines. Comme nous nous sommes battus pour nos convictions, pour nos droits, leurs droits.

La décadence de notre Empire ne continuerait plus sous le règne de Gang Ma. En tout cas on l'espérait.

Mes grands-parents étaient rentrés à la maison avec des béquilles pour ma grand-mère et un bras dans le plâtre pour mon grand-père. Certains avaient succombés à des attaques au poison qui leur avait été inoculé par incisions faites avec des sabres spéciaux. On en retrouva la trace dans le sang et l'urine de mon grand-père mais les médecins lui firent une purge à base de plantes médicinales. Ils avaient agi à temps et il s'en remit facilement. On pouvait presque dire qu'il était indemne, son bras guérirait vite. Cependant, ma grand-mère garderait les béquilles jusqu'à la fin de ses jours. Elle me disait que de toute façon quand on a son âge, pour la plupart des gens, des béquilles ou une canne ce n'est pas du luxe.

Elle était débrouillarde, elle s'en accommodait facilement. Elle me faisait penser à Taina, comme elle, elle avait été une idéaliste depuis des années. Cherchant une utopie. Elles avaient des points communs, à mes yeux elles se ressemblaient. Taina avait son fauteuil roulant à gérer et, comme elle était aussi futée, en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire elle avait trouvé des astuces pour se simplifier la vie. Au début elle avait eu du mal à accepter, qui l'accepterait volontiers ?

Elle détestait compter sur les autres et attendre, mais ces pires ennemis étaient réunis. Elle n'était pas dépendante de ses parents pour tout, mais si quelque chose était trop haut ou qu'elle voulait se laver c'était une autre histoire. Elle avait dû apprendre comment aller aux toilettes sans encombre.

Mamoru fut enterré, ma famille et moi allions nous recueillir sur sa tombe. Je posais des fleurs, peu après que Yasuo Soga ait prononcé ses mots en mémoire de mon défunt maitre. Comme il le faisait avec chaque Résistant. Je regardais le petit portrait posé près de sa pierre tombale. Je lui rendrai hommage.

Un des piliers, Gelsomina, était décédée peu de temps après la fin de la guerre civile. Une cérémonie spéciale eut lieu, un portrait de la femme, une Gayan au teint halé, possédant sur le bas de la joue droite un grain de beauté caractéristique. Sur sa tombe était gravée une phrase, qui selon la « légende », était une phrase qu'elle avait demandé à Yasuo de faire écrire sur sa tombe. Alors qu'elle poussait son dernier souffle, sur son lit d'hôpital. On lisait : « Il y aura toujours quelqu'un pour faire mieux que vous, donnez simplement du fil à retordre à ce quelqu'un. »

Yasuo Soga annonça durant la cérémonie qu'un monument allait être érigé en l'honneur des Résistants morts. Il allait être financé par les impôts mais cette fois-ci peu de personnes s'en plaignirent.

Mon oncle refit son apparition, il annonça à ma famille qu'il allait faire seppuku. Il disait se sentir humilié, déshonoré. Rongé par la honte, il affirmait que suite à sa défaite face à Vanira, sa seule façon de se repentir était la mort. Il refusait de vivre avec cet échec personnel, il voulait s'en laver au plus vite. Ce fut un choc pour ses parents. Le rituel de suicide eut lieu dans un ancien temple « Mikazuki ». Je vous épargnerais les détails de son éventration...

*en chinois xiao peut signifier « petit », ici Fubuki l'utilise comme un surnom : « Petit Wai » 

RakuenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant