Chapitre 3

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Fubuki

A Mikazuki, on n'acceptait pas grand monde. Les handicapés, les non-croyants, les homosexuels, les femmes et bien sûr : les Colorés. Dont la majeure partie était composée de noirs descendants d'esclaves d'Haumea, la petite ile de l'Ouest. J'avais ces connaissances non pas grâce à l'école, où on ne nous apprenait pas toute la vérité, mais grâce à quelques livres oubliés de la bibliothèque, pour Mikazukis, de Kisaki.

L'histoire de notre pays, notre ile en croissant de lune, était intéressante. Seulement peu de personnes croyaient à cette histoire qui disait qu'auparavant Haumea et Mikazuki ne formaient qu'un, avec Gaya, un autre pays. Certains disent que la dérive des continents a conduit à former ces trois pays distincts. Personne n'y croyait parce que ça insinuait qu'on venait tous du même endroit, avec les Colorés. Même moi je n'y croyais pas, mais pas pour ça, je veux dire, comment quelque chose de ce genre aurait pu arriver ?

Notre drapeau ancestral, un croissant de lune blanc sur un fond bleu nuit, avait été changé il y a maintenant trois ans. Le nouvel Empereur voulait montrer la puissance du clan Ma à tout le monde, le nouveau drapeau, que ses artistes personnels avaient pondu, était un soleil orangé, signe du clan Ma, sur un fond rouge.

J'appartenais à l'une des seules familles, peut-être la seule, de la capitale, qui n'était pas raciste ni ségrégationniste. Ma grand-mère, Mugetsu avait toujours appris à ma mère et mon oncle à respecter tout le monde, peu importe leur couleur de peau, âge, sexe, appartenance religieuse. Oui, ma grand-mère était sûrement la personne la plus tolérante de toute la ville ! Mon grand-père, Tadao, était aussi bon, mais il n'était pas souvent là pour s'occuper de ses enfants. Il était samurai, la police, dans tout le pays les samurais veillaient à la sécurité de tous. Et mon grand-père lui, veillait à la sécurité des habitants de Kisaki.

Mais il devait aussi veiller au respect des règles ségrégationnistes. Si un Coloré refusait de céder sa place à un Mikazuki dans la calèche, si un Coloré allait boire à la fontaine des Mikazukis, si un Coloré allait dans un restaurant pour Mikazukis, même par erreur, c'était son devoir de lui donner une amende. Même si mon grand-père n'était pas forcément d'accord avec tout ça, il devait faire mine de l'être devant ses collègues et supérieurs.

Ma mère avait eu la chance de tomber sur un homme qui lui aussi trouvait ces lois stupides. C'était toujours un sujet difficile à aborder, ma mère avait eu peur de compromettre leur mariage en lui avouant qu'elle était pour l'intégration. Mais heureusement, après avoir attendu des années dans l'anxiété, pour que la confiance soit à son maximum, elle lui expliqua ce qu'elle pensait de la ségrégation. Cela la libéra d'un poids. Être intégrationniste, pour beaucoup, était pareil, voire pire, que d'être de couleur. Mon père lui admit qu'il pensait pareil. Ma mère pleura de soulagement.

Mon oncle Gaku vivait avec nous, il était sinistre, mais il avait constamment été gentil avec moi. Le lendemain de ma naissance, toute ma famille était venu me voir, il faisait très froid, la tempête de neige avait duré toute la nuit. Je fis le tour de tous les bras, ma grand-mère, mon grand-père, mon père, mais mon oncle avait préféré ne pas me porter, ce n'était pas trop sa tasse de thé, les bébés.

Je fis vite la connaissance de Hinaiti Lanakila, notre bonne. Elle s'occupait de moi, ma mère était en vérité souvent là, mais quand j'eus quatre ans elle retrouva un travail, elle réintégra la police. Comme mon grand-père avant elle. Ma grand-mère n'avait jamais travaillé, de son temps les femmes ne faisaient pas grand-chose. Depuis cela avait légèrement changé, elle en était tout de même contente mais à son âge elle ne travaillerait pas, et puis, elle préférait largement rester avec moi.

RakuenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant