Chapitre 1

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Taina

Je faisais partie de cette catégorie que tout le monde nommait "colorée" ou plus précisément, en mon cas, "noire" ou même "nègre".

Dans mon pays, les Colorés et les autres ne pouvaient pas se soulager dans les mêmes toilettes, ne pouvaient pas faire leurs courses dans le même magasin et ne pouvaient pas apprendre dans les mêmes écoles. Tout cela depuis toujours, ou presque...pour faire un peu d'Histoire, avant ça, les noirs avaient été des esclaves. Nous avions des ancêtres de l'ile voisine d'Haumea, qui avaient été emmenés sur l'ile en croissant de lune : Mikazuki.

Une fois que cet esclavage fut aboli, nous ne nous retrouvâmes pas pour autant à égalité avec les Mikazukis, la ségrégation fut aussitôt mise en place.

Nous vivions dans la capitale de ce pays, Kisaki. Là où les gens étaient des plus racistes, des gosses de riches, sortis tout droit de clans fortunés et importants, à perte de vue. Pourtant ma mère se lia d'amitié avec sa patronne. C'était bien la première fois qu'une Mikazuki traitait aussi bien une noire. Raito, elle s'appelait Raito Watanabe. Elle considéra bien vite Mama comme une amie, même si celle-ci eu du mal à se faire à cette soudaine proximité et amitié. Au début, elle y vit du vice, puis au fil du temps elle la considéra comme une amie elle aussi.

Moi, je suis née en plein été, le dix août mille huit cent quarante-et-un. Mes parents me nommèrent Taina, fleur de gardénia dans notre langue d'origine, la floraison de ces fleurs se faisant à cette période.

Raito quant à elle, était aussi enceinte, sa fille naquit en pleine tempête de neige, le vingt-cinq novembre de la même année. Ils la nommèrent Fubuki, blizzard en Mikazuki.

Elle et moi étions de grandes copines. Bien sûr dès que l'on eu l'âge de comprendre, nos parents nous expliquèrent qu'en aucun cas on devait dire qu'on était amies ou le montrer devant d'autres personnes. Une amitié entre deux personnes de couleur différentes était inconcevable pour la société.

Ma nounou était des plus gentilles, elle est même devenue une amie de la famille. Ursa Lanakila, elle était du même clan que nous. Elle me gardait tous les jours, Mama était chez Raito et Pa sur un chantier, il était ouvrier. Ursa s'occupait très bien de moi ou de n'importe quel enfant auquel elle ait pu avoir affaire. Mais, elle, elle n'avait pas d'enfant, pourtant ce n'était pas faute d'en vouloir un. Son mari aussi, Ele'i, était quelqu'un que j'appréciais, il n'était pas souvent avec Ursa et moi, lui travaillait à l'usine. Mais quand il était là, je m'amusais bien avec lui.

Fubuki et moi nous voyons de temps en temps, mais le jour où nous sommes entrées à l'école, nous fûmes séparées beaucoup plus souvent et plus longtemps. Je suis allée dans l'école pour Colorés de la ville et elle dans celle pour Mikazukis.

Chaque soir, mes parents n'étant pas encore rentrés, c'était Ursa qui venait me chercher à la grille de l'école.

Quelques années après, alors que j'avais neuf ans, mes petits frères, Farerau et Haku, naquirent. Des jumeaux, complètement identiques, impossible de les différencier, surtout à leur naissance. Eux aussi eurent droit à la même nounou que moi.

Mais l'été mille huit cent cinquante deux, un terrible incendie meurtrier ôta la vie à toute la famille impériale. À Mikazuki, la dynastie Ma est très appréciée et l'on raconte qu'elle a été choisie il y a des générations par le Créateur. Le pays tout entier fut endeuillé, cet événement me marqua tant le choc fut violent. De plus, l'Empereur et l'Impératrice avaient engendré cinq enfants et malgré cela, aucun n'avait survécu à cet accident.

L'héritier légitime restant alors était le cousin de l'Impératrice, Bingwen Ma. Il prit le pouvoir un mois après le drame.

Tout se déroulait comme avant, jusqu'au jour où Mama me dit de ne plus parler à Fubuki Watanabe. Elle me dit cela en me serrant dans ses bras et m'expliquant que c'était pour mon bien, qu'il fallait que j'écoute et que c'était dangereux. Elle en tremblait, elle me fixait de ses yeux gonflés et brillants. J'appris peu après qu'un jeune étudiant noir qui avait voulu entré dans une bibliothèque pour Mikazukis avait été abattu durant la nuit. Abattu comme un shisa. Il avait été lynché, les autorités l'avaient retrouvé mutilé, dans un fossé.

RakuenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant