Chroniques d'une Mercenaire - Tome 2 : Amnésie [Terminé]

Chapitre 31

A l'embouchure du canal, là où il rejoignait à nouveau le fleuve nord, le lit du cours d'eau s'élargissait en ce qui ressemblait à un petit lac bordé d'une grève caillouteuse.
Lorsque sa main saisit les galets pour se hisser sur la berge, Gammon sut qu'il était sauvé même si il s'extirpa de l'eau seulement par instinct. Il s'étendit de tout son long sur la petite plage en se demandant comment il avait survécu.
Il avait rapidement perdu connaissance sous les coups des créatures qui l'avaient attaqué. À croire qu'elles veillaient sur Leïmy.
Il n'était revenu à lui que lorsqu'il avait senti l'eau pénétrer dans sa gorge mais il avait été incapable de nager et s'était simplement laissé porter par le courant.
Sa poitrine se soulevait et s'abaissait à un rythme frénétique en une tentative pour reprendre son souffle. Son corps couvert de contusions était trop douloureux pour qu'il puisse bouger n'aurait-ce été qu'un muscle.
Orzan voulait les têtes de Leïmy et Negg et Gammon avait essayer de les lui rapporter pour plaire à son chef mais, à présent, cela avait changé. Entre ses rivaux et lui, c'était devenu personnel encore plus que ça ne l'était déjà.

***

La périphérie d'Elkbo était un lieu où les ruines se mêlaient à la végétation. Les pavés de l'ancienne rue étaient recouverts de racines et d'arbustes poussant sans se soucier des constructions abandonnées.
Soudain, les pavés se mirent à bouger, se soulevant avant de retomber dans la continuité de la route et de remonter.
Cela dura plusieurs minutes pendant lesquelles une bosse se forma et grossit. L'un des pavés se délogea et glissa, suivi d'un autre puis la terre en-dessous apparut en se craquelant.
Une main terreuse sortit de la crevasse. La terre humide roula du dos émergeant lentement du sol. Plusieurs asticots et insectes souterrains se tortillèrent sur le corps difforme qui se secoua pour les chasser. La chose remua ses articulations. La douleur le fit grimacer mais ce ne fut que passager.
Une fois qu'il fut sûr de ses muscles, il se leva avec précaution. Ses os craquèrent en se mettant en place.
Il prit une position courbée qui lui vint instinctivement puis regarda autour de lui. Tout ce qu'il observait de ce monde qui venait de le voir naître était de grands arbres centenaires entre lesquels apparaissaient des pierres polies par le temps.
Il ne s'attarda pas dans ce lieu vide de vie, non pas qu'il recherche la présence d'autrui mais bien parce qu'il était attiré vers le nord-est. Là-bas, il y avait ce qu'il voulait.
D'une démarche mi-dansante mi-claudicante, il se mit en route.
Les constructions s'espacèrent peu à peu pour céder toute la place à la forêt.
La créature regardait tout autour d'elle pour ne pas perdre un détail de son environnement. Il n'existait pas il y avait encore un quart d'heure mais il connaissait le nom de chaque chose l'entourant.
Il marcha durant encore quelques instants puis quelqu'un l'interpela :

« Eh ! Qui êtes-vous ? Que faîtes-vous là ? Vous vous trouvez sur le territoire de la guilde des mercenaires !

Il se tourna vers la voix qui l'apostrophait. Elle appartenait à un homme grand et large d'épaules.
Une expression de pure terreur se traça sur le visage du colosse, contrastant avec sa carrure de lutteur lorsqu'il vit l'être qui avait franchi le périmètre.
Ce dernier répéta d'une voix sifflante possédant un timbre étrangement juvénile sur ton interrogatif :

- Mercenaires ?

Il fit un pas vers l'homme qui recula, épouvanté, en ordonnant :

- Ne vous approchez pas de moi !

Le mercenaire s'élança entre les arbres en courant comme si sa vie en dépendait, ce qui était effectivement le cas.
La créature battit des mains joyeusement en s'exclamant :

- Un jeu ! Un jeu ! Alors je serai le chasseur et toi la proie.

La chose posa ses mains au sol et s'en servit pour se propulser.
En quatre bonds impossibles à réaliser pour un être humain, il fut sur le mercenaire qu'il plaqua à terre. L'homme se débattit en hurlant. Il sentit son cou se tordre puis plus rien.
Le monstre pencha la tête sur le côté à la manière d'un oiseau curieux.