Chapitre 33

40 17 0
                                    

Vargo avait laissé l'immense ville dans son dos, décidant que la magie s'y trouvant n'était pas suffisamment digne d'intérêt, surtout comparée à celle qu'il pourchassait, mais il reviendrait lorsqu'il se serait occupé de cette puissance.
Il avait préféré délaisser la route. Premièrement, car elle ne le conduisait pas là où il le souhaitait mais aussi car il n'avait aucune envie de fréquenter les gens voyageant dessus, qui étaient pourtant rares. Ils sentaient mauvais la normalité et Vargo détestait cela. Il aimait la bonne odeur de la magie et, si certains la possédait, ce n'était pas assez.
La créature progressait à travers la campagne dans une herbe grasse irriguée par un cours d'eau scintillant non loin.
Ses narines se dilatèrent dans un bruit humide de mucus alors qu'il humait l'air avec attention, démêlant les parfums et les senteurs parvenant à ses cellules olfactives sensibles. Il y avait l'odeur de la terre, de l'eau, de la vase stagnante au fond du canal, celle des vêtements qu'il portait ainsi qu'une dizaine d'autres et, au milieu de tout cela, il reconnut la douce fragrance de la magie. Vargo sortit sa langue comme si il voulait goûter cette odeur.
Il inspira à nouveau pour gonfler ses poumons de cet air et analyser ce parfum qu'il découvrit légèrement différent de celui qu'il avait respiré dans la ville peu de temps auparavant mais elle était tout de même proche et suffisamment forte pour lui donner faim.
Une expression qui se voulait être un sourire déforma son hideux faciès.
Il continua son chemin en se délectant de ces effluves délicieuses.
On aurait eu du mal à le croire en voyant son étrange démarche entre la danse et le boitillement mais il progressait rapidement et de nouveaux bâtiments se profilèrent à quelques kilomètres. Ils étaient bien moins nombreux que dans la ville mais la magie en imprégnait chaque pierre.
Vargo se mit à sauter sur place, victorieux et impatient, puis, pensant d'avance au festin qu'il allait faire, il pénétra dans le bourg.
Il ne pouvait plus renifler aussi avidement. La puanteur des villageois l'en empêchait et blessait ses narines sensibles mais il humait l'odeur de cette puissance qui serpentait à travers les senteurs nauséabondes.
Encore plus courbé qu'à l'accoutumée, se déplaçant presque à quatre pattes, il avança à travers les rues, s'attirant les regards surpris ou outrés des badauds qu'il bousculait dans son empressement mais il ne s'en souciait pas. La puissance était tout proche et c'était l'unique chose qui comptait, occultant tout le reste.
À présent, l'odeur était si forte qu'elle en faisait frémir les narines de Vargo.
Ce dernier releva son regard injecté de sang vers la façade d'une luxueuse demeure. Du bout de ses longs ongles ébréchés, il caressa la poignée ornementée en chantonnant à voix basse :

« Jolie, jolie maison de roi mais tout changera après moi.

Un rire silencieux agita son corps déformé.
Vargo voulut ouvrir la porte mais elle résista.
La créature pencha la tête sur le côté en questionnant :

- Fermée ? »

Une grimace déconfite vint le défigurer encore davantage mais ce n'était pas un simple battant de bois qui allait le stopper.
Il regarda autour de lui. Il savait suffisamment de choses malgré sa récente venue au monde pour se douter que les passants tenteraient de l'empêcher d'entrer par effraction. Avec dépit, il constata qu'il y avait bien trop de monde pour qu'il puisse pénétrer par une fenêtre qu'il aurait brisé en toute impunité.
Il réfléchit malgré la difficulté qu'il avait à se concentrer sur autre chose que sur la magie qui flottait ici.
Ne sachant que faire d'autre, il frappa contre la porte.
Plusieurs secondes s'écoulèrent puis Emmid ouvrit. Il baissa les yeux sur la silhouette bossue et courbée se tenant devant lui. Certainement un pauvre hère venant mendier un morceau de pain.
L'indigent sifflota ses paroles :

« Toc, toc, toc. J'ai frappé donc tu dois laisser Vargo entrer.
- Quoi, mais...
- Juste quelques instants. Je veux seulement manger ensuite je m'en irai, loin, là où on m'attend.

Chroniques d'une Mercenaire - Tome 2 : Amnésie [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant