Chapitre 18

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Orzan avait fouillé le camp de la guilde des voleurs sans trouver trace de Leïmy. Soit Leïje avait menti, mais Orzan doutait que le voleur ait pu tenter une telle folie, soit Leïmy s'était échappé avant son arrivée.
Kuil vint vers le chef de sa guilde et lui annonça :

« Nous n'avons pas découvert la piste de Leïmy ou celle de Leïje.

Orzan frappa rageusement un arbre du poing. Il était à deux doigts d'obtenir la tête de cette garce mais encore une fois, elle avait été plus rapide et cela le faisait terriblement enrager.
Il se força à se calmer le temps de réfléchir mais il n'y avait rien à faire. Leïmy était déjà loin.
Orzan déclara :

- Il ne nous reste plus qu'à rentrer à Elkbo. Réunis les hommes. »

Kuil acquiesça avec le salut des mercenaires puis partit.
Orzan s'éloigna entre les arbres puis s'écroula, soudainement vidé de ses forces. Sa vue se troubla et il eut la sensation que le sol tanguait sous son corps. Il sentit le froid de vieilles pierres contre sa joue alors qu'il s'étalait de tout son long. Il se releva à quatre pattes et répandit le contenu de son estomac à terre.
Il reconnut sans trop de peine le laboratoire de Rilin. C'était certainement ce dernier qui l'avait faut venir. C'était la première fois qu'Orzan expérimentait le voyage magique et, il l'espérait, la dernière fois.
Le chef des mercenaires releva le visage vers Rilin se tenant là.

« Pourquoi m'avez-vous fait venir ici ? Demanda Orzan.
- Ce serait plutôt à moi de vous questionner, répliqua Rilin sans aucune véhémence. Pourquoi ne m'avez-vous rien dit ?
- Comment ça ?
- Pourquoi ne m'avez-vous pas prévenu que vous aviez retrouvé Leïmy ?

Il n'y avait pas de colère dans les propos de Rilin, seulement une sincère incompréhension.
Orzan se releva et cracha la bile qu'il avait encore dans la gorge avant de répondre :

- Parce que vous l'auriez protégée alors que moi je veux l'écorcher vive !
- Nous avions pourtant un accord.
- Qui stipulait que vous deviez retrouver Leïmy si ma guilde vous offrait ses services !
- Je l'ai localisée alors où est le problème ?
- Le problème est que l'avez engagée !
- Il n'est pas question que vous tuiez quiconque tant que vous serez à mon service !
- Il est un peu tard pour cela.
- Dans ce cas, je préfère mettre fin à notre contrat.
- Parfait.

Orzan saisit Rilin à la gorge, le soulevant de terre, et serra. Rilin sentit les doigts courtauds du mercenaire s'enfoncer dans sa peau. Il hésita un instant à le laisser l'étrangler puis se ravisa.
Il avait une chose à accomplir. Si cela échouait, il pourrait songer à la mort.
Il allait se défendre.
Orzan sentit une brusque chaleur émaner de la peau de Rilin. Cela s'intensifia à tel point qu'il finit par lâcher sa victime dans un cri de douleur.
Leur contact n'avait duré que quelques secondes à partir du moment où la chaleur était apparue mais cela avait suffi. La paume d'Orzan était couverte de cloques.

- Cela me navre d'avoir dû en arriver là mais vous m'y avez obligé. À présent que nous ne travaillons plus ensemble, chacun retourne à ses affaires et je propose que nous nous ignorions mutuellement. »

Orzan ne répondit pas.
Il tenait sa main blessée en contractant les mâchoires. Sans dire un mot ni desserrer les dents, il quitta la ruine en prenant la direction du repaire des mercenaires.
Rilin attendit que le chef de la guilde soit parti puis il s'empressa de réunir ses affaires se composant de son vieux grimoire, de quelques vêtements, plusieurs objets servant aux rituels magiques et les trois pierres. Il rangea tout cela soigneusement dans un grand sac de voyage en toile grise.
Même si Orzan n'avait pas manifesté d'opposition à leur séparation, Rilin savait que le mercenaire reviendrait avec ses hommes. Le magicien souhaitait donc changer de refuge le plus rapidement possible.
Il laissa la vieille bâtisse qui l'avait hébergé dans son dos et s'éloigna de ce quartier. Il resterait à Elkbo mais hors de porté de la haine d'Orzan.
Lorsqu'il était arrivé dans l'ancienne cité, Rilin avait eu la présence d'esprit de repérer une deuxième cachette au cas où celle qu'il occupait aurait été découverte. Aujourd'hui, il se félicitait d'avoir été prévoyant.
Il sauta au-dessus du muret aux pierres démises entourant ce qui avait été autrefois le jardin d'une luxueuse demeure dont il ne restait plus que des pans de murs et une tour au dernier étage manquant.
Les broussailles, composées essentiellement de ronces, s'accrochèrent au pantalon de Rilin comme si elles voulaient l'empêcher d'aller plus loin. Le magicien soupira. C'était un peu l'histoire de sa vie. Il tira sur son vêtement pour se dégager et pénétra dans ce qu'il restait de la résidence.
Il n'avait pas confiance en l'escalier qu'il jugea trop vétuste pour être sûr mais il n'avait pas d'autre moyen d'accéder à l'étage supérieur. Il s'engagea donc avec prudence sur les vieilles marches qui émièrent un craquement peu rassurant. Le magicien se pressa de gravir les escaliers. Il n'était plus qu'à quelques marches du palier du premier étage lorsqu'il sentit la structure de bois trembler sous ses pieds. Rilin bondit et atterrit durement sur le carrelage alors que les escaliers s'écroulaient avec fracas et soulevant un épais nuages de poussière qui fit tousser le magicien.
Ce dernier se releva puis regarda la pièce en se débarrassant des échardes. Il aurait besoin de procéder à quelques aménagements mais pas dans l'immédiat. Il avait quelque chose de plus important à faire.
Il s'assit à terre, n'ayant rien d'autre pour le faire, et sortit les trois pierres de son sac avant de les aligner devant lui. La pierre ronde couleur sable du temps, celle bleue aux arrêtes acérées contrôlant l'eau et le vent et le cristal aux extrémités pointues d'un violet brumeux influençant le psychisme.
Rilin avait une théorie. Il pensait qu'une pierre de magie pouvait en appeler une autre et qu'il pourrait localiser celles qui lui manquaient. Sans Leïmy et ses intuitions, il avait dû trouver un nouveau moyen de mettre la main sur ce qu'il cherchait.

Chroniques d'une Mercenaire - Tome 2 : Amnésie [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant