▬ Réveille-toi, ma belle au bois dormant. Me susurra une voix à mon oreille.
J'entrouvris un oeil, les paupières encore lourdes et mes tempes douloureuses de la veille. J'étais allongé sur la banquette arrière d'un espèce de 4x4 américain, le véhicule typique du FBI, la tête posée contre les genoux d'un homme. Son visage apparut au-dessus de moi, enfin éclairé par la lumière du soleil levant, et, en remarquant mon réveil, il m'afficha un grand sourire que je commençais à connaître par coeur. Je voulus me redresser et m'asseoir mais une force m'en empêcha instantanément, me plaquant contre le cuir noir. Je tressaillis en me rendant compte qu'il avait posé la face plate et glacial de sa machette contre ma gorge, laissant au passage de légères traces brunâtres de sang séché sur ma peau. Je le regardai d'un oeil interrogateur, sans comprendre.
▬ Ne te lève pas trop vite. Ou tu risques d'avoir mal.
Je crus pendant un instant qu'il était inquiet pour moi mais son expression victorieuse m'affirma le contraire.
▬ Les sédatifs ont bien fonctionné ; tu n'as pas bronché une seule fois. Et tu viens seulement de te réveiller quatre heures plus tard.
▬ Que ... m'avez-vous fait ? Balbutiai-je, la gorge sèche et la bouche pâteuse.
Son regard se dirigea machinalement vers mon ventre et en vérifiant dans la direction, j'aperçus le bas de mon T-shirt ensanglanté, couvert de larges taches rouges. Ma respiration s'accéléra, étant suffisamment conscient de la situation, et je soulevai lentement mon vêtement. Un bandage blanc et propre était collé contre mon abdomen, d'une précision chirurgicale.
▬ C'est ... Qu'est-ce que ...
▬ Je t'ai signé. Avec mon nom : enfin, plutôt le nom que la plupart des gens me donnent, pour que cela reste anonyme. Ce sera une belle cicatrice.
Une signature ? Mais enfin, pourquoi m'avoir charcuté la peau pour me signer ? La voiture ralentit progressivement jusqu'à s'arrêter net, provoquant ainsi la sortie subite de tous les occupants. Je dus me relever lentement, afin de dégager les genoux du jeune mafieux, et ne pus retenir un léger cri, affrontant la douleur qui me remontait le long de la colonne vertébrale. Il sortit précipitamment du véhicule et lorsqu'il referma la portière, un silence pesant s'installa dans l'habitacle, me laissant perplexe. Il fit rapidement le tour et apparut derrière la vitre tintée de mon côté. Il m'aida à sortir de là, en m'étreignant de ses bras musclés, après avoir rangé sa machette dans son dos.
Le 4x4 s'était garé juste devant une grande villa, semblable à une maison blanche mais en bien plus moderne. Un vieil homme entrouvrit les grandes portes d'entrée et en reconnaissant le jeune homme vêtu de son complet, il s'écria, les bras levés pour signaler un câlin imminent :
▬ Mon fils ! Heureux de te revoir parmi nous.
▬ Père, je le suis tout autant. S'enquit le jeune homme, le corps enroulé par les bras frêles de son géniteur.
Je peinais à marcher jusqu'à eux, une main posée sur mes abdos et le pas titubant. Un garde vint derrière moi et enroula mon bras autour de sa nuque, m'aidant à avancer.
▬ Merci ... Ai-je soufflé.
▬ Je ne fais pas cela par courtoisie, jeune idiot. C'est seulement parce que tu es la propriété de notre patron.
Je restai muet. Quelle nouvelle vie venais-je de commencer ? Ils me firent entrer dans le bâtiment, juste derrière le père et le fils qui me jeta quelques coups d'oeil, comme si j'étais la huitième merveille du monde à ses yeux. Il souffla quelques mots à son géniteur, qui me furent évidemment imperceptibles, et nous nous séparâmes en deux groupes. Le jeune homme m'emmena à l'étage, toujours accompagné de son garde qui m'aidait à avancer, et nous débouchâmes dans un immense couloir orné d'un côté de portes et de l'autre d'une immense baie vitrée qui s'étendait sur tout le long.
Le jeune homme m'ouvrit l'accès à une chambre et se tint en retrait, afin de me laisser entrer le premier. Le garde, agacé par mon arrivée ici, me jeta à l'intérieur de la pièce et je m'affalai de tout mon poids contre le plancher. Je poussai un gémissement de douleur en me tenant le ventre et jetai un regard aux deux hommes qui se tenaient dans l'encadrement de la porte.
▬ Je m'excuse, patron. Ronchonna le garde. C'était peut-être un peu trop impulsif de ma part.
▬ Ne t'en fais pas. Il n'a rien, après tout.
Le jeune homme sourit, tandis que son garde prenait la direction opposée, retournant auprès de l'ancien. Il resta un instant appuyé contre le chambranle, m'observant attentivement, et lorsque l'homme atteint le début des escaliers, le jeune mafieux jeta sa machette à travers le couloir, d'une telle vitesse que j'eus peine à le voir faire. Son arme heurta quelque chose au bout de deux longues secondes et un cri retentit. Un corps s'affala bruyamment sur le sol et le jeune homme entra finalement dans la pièce où j'étais encore allongé par terre, le visage terrorisé.
▬ As-tu mal quelque part ? M'a-t-il demandé, l'expression impassible, comme s'il était blasé d'avance de ma réponse.
Je baissai les yeux vers mon bandage, enroulé autour de ma taille, et il acquiesça, comprenant immédiatement. Il passa ses mains sous mes aisselles afin de m'aider à me relever du sol et me plaça face à un grand miroir, accroché au mur à droite du lit. Il vint se coller dans mon dos et son souffle me caressa la nuque, me faisant atrocement frissonner.
C'était lui. Je n'en revenais pas.
Je pris une grande inspiration et fermai les yeux, me laissant aller dans ses bras chauds. Ses mains se dirigèrent vers ma ceinture et je tressaillis, comprenant ses intentions. Je rouvris grand les paupières, le coeur battant, et il souleva lentement mon T-shirt, me dévoilant mon ventre marqué par les muscles dans la glace. Il ne dit rien, tout en maintenant d'une main mon vêtement vers le haut et d'une autre, arrachant délicatement mon large pansement. Il me laissa entrevoir une cicatrice encore à vif, toujours saignante à certains endroits et ma peau rougie par la douleur.
Malgré le fait qu'il m'ait charcuté, je devais avouer que c'était très précis et très propre comme signature. Je pouvais facilement y lire le nom qu'il avait entrepris d'écrire et qui me couvrait maintenant une bonne partie du ventre, évitant de justesse mon nombril .
▬ Nekor ... Ai-je lu, la voix vibrante de nervosité.
▬ Mh mh. A-t-il soufflé, à mon oreille.
Il replaça méticuleusement le bandage, recollant les bords sur ma peau et dissimulant ma blessure. C'était comme signer un pacte. Un pacte avec le diable. Mais qu'avais-je d'autres dans ma vie ? Plus de famille, très peu d'amis, un boulot pourri et un appartement minuscule. Je ne laissais rien de concret derrière moi. Depuis tout petit, j'étais peut-être uniquement né pour cela, pour servir plus puissant que moi. Ses bras s'enroulèrent autour de ma taille et il cala son menton dans le creux de mon épaule, les yeux débordant de folie.
Qu'avait-il derrière la tête ? Qu'est-ce qui l'excitait autant dans le fait de me posséder ?
▬ Ainsi, avec cette marque sur la peau, tu es officiellement devenu intouchable. A-t-il souri, avant de se mordre la lèvre inférieure. Plus personne n'osera te toucher ou te faire du mal, tu peux me croire. Désormais, la seule menace pour toi, au monde, ... C'est moi.
Sur ces mots, il éclata d'un rire tonitruant.
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Nekor
Romantizm◣ Lorsque son père se fait assassiner sous ses propres yeux par un mafieux, Hiro développe en lui une forme d'obsession envers le tueur, lui qui avait toujours profondément détesté son unique parent. Il tentera par tous les moyens de retrouver l'ass...