18. Le rejet

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          J'avais demandé tellement d'énergie à mon corps pendant la majorité de la nuit qu'au dernier round, je m'étais tout simplement endormi, tombant comme une masse. Ça avait été le trou noir complet. Et lorsque je m'étais réveillé le lendemain, mon corps entier était douloureux au moindre mouvement. J'entrouvris difficilement les yeux, la nuque et le bas du dos particulièrement plus à vifs que les autres. Je crus pendant un instant qu'il m'avait laissé dormir exceptionnellement avec lui cette nuit-ci, mais j'eus la surprise de découvrir son lit, sur ma droite. Il avait été entièrement dépouillé de ses draps et de ses housses de couverture, probablement bien trop salis par mon sang.

          Je baissai les yeux, tentant de comprendre où je me trouvais, et je me découvris allongé dans sa baignoire, une couverture jetée sur moi. J'étais encore entièrement nu et le marbre, en dessous de moi, était couvert de tache de sang séché. J'avais continué de saigner pendant le reste de la nuit, apparemment ...

          ▬ N-Nekor ? Ai-je appelé, me redressant douloureusement dans le bain.

          Aucune réponse.

          J'eus la mauvaise idée de me lever, mais évidemment, mes genoux étant bien trop faibles pour soutenir mon poids, je m'écroulai en avant, me rattrapant aux bords de la baignoire. Je remarquai également qu'on m'avait dénudé de mon bandage, dévoilant l'imposante signature, déjà presqu'entièrement guérie. Je pris quelques instants pour admirer le travail, frôlant la cicatrice du bout des doigts, tandis que des pas se rapprochaient de moi.

          ▬ Hiro, ne te lève pas. Me conseilla la voix de Nekor.

          Je ne pris même pas la peine de relever la tête pour le regarder, me contentant d'examiner l'état de mon ventre. Sa main chaude et pleine de micro cicatrices se posa délicatement contre ce dernier, comme pour m'empêcher de continuer à regarder.

          ▬ Tu ... J'ai dormi dans le bain ... Ai-je gémi. J'ai le dos en miette ...

          ▬ Tu étais bien trop lourd pour que je ne te descende jusqu'à ta chambre. Et tu continuais de saigner comme une ado en pleines menstruations. Je ne pouvais rien faire d'autres.

          Je posai mes mains sur ses épaules, tentant de tenir droit sur mes jambes, et il m'aida à sortir du bain, les genoux encore tremblants. Il ricana.

          ▬ On peut dire que je ne t'ai pas raté hier ! Je t'ai même carrément démonté.

          ▬ Pour une première fois, il y avait effectivement plus doux comme approche ...

          ▬ Félicitations !

          Il m'aida à m'asseoir sur un banc, posté devant le lit, et je m'y suis laissé tomber lourdement, à bout de forces. Il écarta mes cuisses et s'agenouilla au sol, tentant de voir mon visage, malgré ma tête baissée. Le fait que je sois encore complètement nu et lui, déjà vêtu de son costard, m'embarrassait fortement mais il n'avait pas l'air de penser la même chose.

          ▬ J'aimerais remettre ça cette nuit. A-t-il susurré, me crispant.

          ▬ C-cette nuit ? Mais ... Tu n'as pas déjà assez joui comme ça ?

          ▬ Tu as éjaculé autant de fois que moi.

          Je soupirai, avant de déglutir bruyamment, le visage déformé par une grimace amère. Il enlaça mon ventre de ses bras, plaquant son oreille contre ce dernier, en soufflant un léger « Je plaisante, crétin ... » qui me rassura instantanément. Je passai ma main dans ses cheveux étonnamment doux, alors que mon pouls s'accélérait.

          Non ... Je ne pensais pas que Nekor, décrit comme téméraire, ignoble et sans âme par ses ennemis, n'était doté que de mauvais côtés. Avec moi, il pouvait être délicat et inquiet à propos de mon état, de ma présence constamment. J'avais l'impression de compter pour lui. Mais Teresa disait bien le contraire : elle m'avait bel et bien averti qu'il changerait de visage du jour au lendemain et qu'à tout moment, il serait capable de me trancher la tête sans aucun remord, ni émotion. Mais jusqu'ici, certains moments à deux comme ceux-ci ressemblaient fortement à ceux que pourrait entretenir un jeune couple tout à fait normal. L'attention, l'inquiétude, la jalousie, le sexe, les câlins et les ... baisers ... 

          Il ne m'avait jamais embrassé, maintenant que j'y pensais.

          Je pris son visage entre mes deux mains, le décollant de mon ventre, et je l'attirai doucement vers le mien, prêt à poser mes lèvres sur les siennes. Mais au moment fatidique, il éclata d'un rire qui me brisa le coeur, tout en s'écartant de moi.

          ▬ Je n'embrasse pas n'importe qui.

          ▬ N... N'importe qui ?

          Ma voix vibrait de douleur. Il me sourit, en fronçant les sourcils, sans comprendre la raison de cette tristesse si soudaine.

          ▬ Mais ... Ne sortons-nous pas ensemble ? Ai-je demandé, le visage meurtri.

          Son rire s'intensifia et il me libéra de son étreinte, autour de ma taille.

          ▬ Sortir ensemble ? Nous ?

          Je voulus répondre que oui, mais soudain, je m'arrêtai dans mon élan. Il avait raison. A aucun moment il n'avait parlé de relation amoureuse avec moi. Cela n'avait toujours été que ma dette envers lui, l'appartenance avec sa signature, ma protection et le sexe. Que m'étais-je imaginé ? J'aurais dû m'en rendre compte bien plus tôt ! C'était idiot de penser sortir avec un tel homme. Je n'étais que son servant, rien de plus. Des larmes m'échappèrent et je les chassai immédiatement d'un geste du bras, en priant pour qu'il n'ait rien vu.

          ▬ Attends, tu pleures, là ?

          Merde.

          ▬ J... Non.

          Il se releva telle une furie et je relevai la tête, surpris par son geste. Son regard dégoûté et confus, dirigé dans ma direction, me brisa le coeur une nouvelle fois. Qu'étais-je en train de faire ? Cela se voyait sur son visage que c'était exactement une situation qu'il n'aurait jamais voulu voir paraître entre lui et moi. Il semblait détester le fait que je m'attache désespérément à lui. Il serra les dents, le regard plein de mépris, et il me tourna les talons, s'apprêtant à quitter la pièce. Je voulus l'arrêter et l'appeler pour m'excuser, mais je m'étais dit que cela n'aurait fait qu'empirer la situation. Alors, je suis resté de marbre, toujours nu, assis sur le banc et les cuisses serrées l'une contre l'autre.

          Je me suis rhabillé à la va-vite de mon unique caleçon et j'ai couru à travers les couloirs jusqu'à ma chambre, en priant pour ne croiser personne. Et heureusement, ce ne fût pas le cas. De là, je me suis jeté sur mon lit, du sang séché toujours entre les cuisses et des traces de larmes effacées sur mon visage.

NekorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant