25. La rupture

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          Je me réveillai en sursaut, le corps entier recouvert de sueur et de douleur. Je pris quelques secondes à me repérer, observant la chambre d'hôtel depuis le lit, dans l'obscurité de la nuit, avant de pousser un soupir de soulagement. Tout allait bien ... Je m'assis sur le matelas, enfouissant mon visage dans mes mains, et me rendis compte du bras de Nekor enroulé autour de ma taille. Il semblait me maintenir en arrière, pour que je me recouche auprès de lui. Je m'exécutai immédiatement, trouvant du réconfort blotti contre son torse, alors que son étreinte se refermait automatiquement autour de moi. Il devait toujours être en train de dormir mais il avait le réflexe et l'instinct de me maintenir contre lui, empêchant quiconque de me faire du mal.

          Cette idée me fit sourire bêtement dans le vide, tout en l'observant dans l'obscurité.

          Il respirait paisiblement par le nez, me caressant le visage de son souffle. Mon regard se dirigea machinalement vers ses pansements sur son épaule droite et mon humeur chuta instantanément. Je frôlais les tissus épais du bout de mes doigts, le visage désolé. C'était de ma faute. S'il n'avait pas tant voulu me protéger ou s'il n'avait pas baissé les yeux vers moi, en me sentant trembler, il aurait été plus vif et plus rapide, et n'aurait donc jamais reçu de balle.

          Je soupirai et voulus me rendormir, collant mon front contre son visage, mais je sentis quelque chose d'humide sur sa joue. Je m'écartai subitement, comprenant ce que c'était, et je l'observai plus attentivement. Même dans l'obscurité de la pièce, je pouvais apercevoir les traces de larmes sur son visage, comme s'il avait beaucoup pleuré durant mon sommeil et qu'il s'était rendormi juste avant que je ne me réveille. Pourquoi n'arrivais-je jamais à te comprendre ? À comprendre ta peine ? J'aurais dû le voir venir qu'il allait souffrir toute la nuit.

          Mais pourtant, il avait l'air d'aller beaucoup mieux depuis son arrivée ici avec moi ...

          Je pris son visage entre mes mains, l'obligeant à s'immobiliser malgré son sommeil, et posai mes lèvres contre les siennes. S'il ne voulait impérativement pas que je l'embrasse, alors autant le faire lorsqu'il n'était pas conscient et qu'il était donc incapable de m'en vouloir. Le baiser, bien qu'il fût pratiquement inanimé, me parut doux et chaud. Il me mit du baume au coeur, cela me fit un bien fou de le sentir si proche ... et à la fois si loin.



          Lorsque je rouvris les yeux, le lendemain matin, ce fût avec une douleur vive et insoutenable dans le bas de mon ventre, comme si on me l'avait ouvert pour sortir mes tripes de mon corps. J'aperçus Nekor, assis sur le bord du lit, attachant les lacets de ses bottes de cuir. Je tendis la main vers lui pour lui caresser le dos, mais au contact de sa peau, il tressaillit, avant de se lever vivement. Il me scruta d'un regard froid qui me glaça le sang. Qu'arrivait-il ? Que lui avais-je fait ? Je voulus me redresser mais la douleur de mon ventre s'intensifia et je baissai le regard vers l'origine de la peine. 

          J'écarquillai les yeux, horrifié par la scène. J'avais l'abdomen ensanglanté et une longue coupure horizontale me parcourait le ventre, comme si elle barrait le prénom de Nekor. Mon souffle me manqua, tandis que mon maître me regardait toujours, le visage impassible.

          ▬ Que ... Qu'est-ce que ça veut dire ?

          ▬ Que c'est fini. A-t-il soufflé, comme si tout cela lui était indifférent. Tu n'es plus mon marqué et je ne suis plus ton maître. J'estime que tu as rempli ta dette envers moi. Tu ne m'es de plus d'aucune utilité, à vrai dire. 

          ▬ Que me chantes-tu ? Ai-je demandé, à moitié amusé.

          ▬ Ce n'est pas une blague. Tu es libre.

          ▬ M-mais ... Je ne veux pas être libre ! Je veux rester auprès de toi, moi !

          Je tentai de m'asseoir contre la tête du lit, en poussant un cri de douleur. Nekor m'observa attentivement, n'affichant aucun remord face à ce qu'il m'avait fait.

          ▬ Ne croyais-tu quand-même pas que tu allais rester mon marqué toute ta vie ? D'habitude je m'en débarrasse en les tuant, mais pour toi, j'ai décidé de faire une exception. T'as plus qu'à dégager. Dans ta valise, tu trouveras passeport, argent, vêtements, téléphone, ... Tout ce qu'il faut pour que tu puisses rentrer chez toi.

          ▬ Je ne suis pas sûr de comprendre ... Et hier, alors ?

          ▬ Quoi, hier ?

          ▬ Cela ne signifiait donc rien pour toi ?

          ▬ Tu crois que juste parce que tu m'as sucé, je vais te garder pour moi à jamais ? A-t-il ricané, me brisant le coeur en mille morceaux.

          Il rangea sa machette encore tachée de mon sang dans son dos, avant de rajuster son veston par-dessus pour la dissimuler. Je restai de marbre, les larmes roulant silencieusement sur mes joues. J'aurais dû m'y attendre. Je n'étais qu'un imbécile pur et simple. Pourquoi est-ce que j'avais continué d'espérer être dans une relation amoureuse avec un homme comme lui ? C'était bien trop parfait.

          ▬ Maintenant, en ce qui me concerne, je vais retourner à la villa. M'a-t-il informé. Pour combattre la Siera auprès de mes hommes. C'est ma décision. Je te laisse la chambre pour encore une nuit avant que tu ne puisses t'en aller. Appelle qui tu veux pour leur dire que tu vas bien et que tu reviens.

          ▬ Mais je ne vais pas bien ! M'écriais-je, en sanglotant, le faisant froncer les sourcils. Je voulais rester ton marqué encore et encore ... Ne me quitte pas comme ça, je t'en supplie ... Je venais seulement de te retrouver !

          Je tombai en avant, enfouissant mon visage dans mes bras, le corps pris de soubresauts incontrôlés. Je me mis à pleurer bruyamment, en gémissant de douleur. J'avais mal, tellement mal ... J'étais grièvement blessé au coeur. Un long silence s'installa, comme si Nekor réfléchissait, et je l'entendis déglutir. Sans comprendre, je relevai la tête pour le regarder, mais il détourna le regard. Il s'éloigna à grands pas et sortit de la chambre d'hôtel, en claquant la porte derrière lui.

          Avant de sortir, il m'avait tout de même lancé un « Adieu, Hiro » qui me déchira encore plus le coeur.

          Qu'avais-je fait de mal ? Pour qu'il se lasse de moi si vite ? Qu'aurais-je dû faire ? Je n'avais toujours été qu'un jouet, quelqu'un avec qui il pouvait baiser sauvagement et sans retenue. C'était pour cela qu'il ne supportait pas ceux qui s'en prenaient sexuellement à moi. Je n'étais que son partenaire de sexe, comme il l'avait si bien dit. Déjà qu'il avait refusé de m'embrasser car à ses yeux, je n'étais que « n'importe qui ». J'aurais dû me détacher de lui depuis bien plus longtemps ... Je n'aurais jamais dû le chercher pendant sept ans, ou même aller vers lui dans cette boîte de nuit.

          Cela m'aurait évité tant de douleur.

NekorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant