Lorsque je m'étais levé le lendemain matin, le pas las et les yeux plissés, j'eus la surprise de découvrir une maison entièrement vide et silencieuse. Ils semblaient tous être partis dans la précipitation à en juger par le désordre dont étaient victimes la cuisine et le salon. La télévision était allumée mais le son avait été coupé, ne laissant paraître que des pantins articulés entièrement muets. Je découvris tout de même la cousine de Nekor, affalée dans le divan, avec un sachet de bonbons dans les mains. Elle avait les cheveux en bataille et noués et elle s'était complètement démaquillée, affichant sa vraie peau pleine de rougeurs dues à l'adolescence. Je me suis posté devant la télévision, le visage plein d'interrogation, la faisant soupirer d'agacement.
▬ Où est-il ? Ai-je demandé.
Elle se pencha sur le côté, tentant de voir l'écran qui diffusait de vieux dessins-animés Disney, encore en noir et blanc.
▬ Tu n'es pas parti, toi ? A-t-elle soupiré en croquant dans un bonbon. Tu dois avoir un cerveau de la taille d'un pois chiche, ma parole ...
▬ Où est-il ?
Son regard se plongea enfin dans le mien.
▬ Ton âme sœur ? Il est parti il y a quelques instants. Tu l'as raté de peu, c'est triste. Il avait une nouvelle cible importante à éliminer. Il est payé pour ça.
▬ Où ça ? On peut m'y emmener ?
Elle fronça les sourcils, sans comprendre, et grimaça amèrement, me scrutant de la tête aux pieds, comme si je la dégoûtais. On ne pouvait dire cela de moi : certes, j'avais beaucoup de défauts, mais j'étais loin d'être laid, à en juger par le nombre de femmes que j'attirais involontairement. J'avais toujours dû les éloigner un maximum afin de rester concentré sur ma vie professionnelle et quotidienne. Cela expliquait ma virginité à presque vingt ans d'existence. Elle se redressa vivement dans le canapé, s'asseyant en tailleur, et je me rendis soudainement compte de la présence d'un écouteur sans fil dans son oreille droite.
▬ Je te demande pardon ?
▬ Il faut que tu m'y emmènes. Je ne sers à rien ici, sans lui.
▬ Ah oui et je peux savoir à quoi tu servirais là-bas avec lui, petit génie ? A part foutre la merde dans sa mission ou le déconcentrer avec tes petites fesses ? (J'affichai un visage surpris) Ouais, il en parlait ce matin, c'est pour ça que je dis ça.
▬ De ... mes ... ? Ce n'est pas le sujet ! Il faut que je reste près de lui.
▬ Pourquoi ? T'es son porte-bonheur ?
Je levai les yeux au ciel et regardai autour de moi, cherchant une manière de le retrouver. Mon regard s'arrêta involontairement sur un katana blanc, présenté sur un support en bois. Je m'en suis prudemment approché, sous les yeux désapprobateurs de la petite fille. Je le pris dans mes mains et fus même surpris du poids assez lourd de l'objet. Il était si tranchant et si bien aiguisé que mon index se mit immédiatement à saigner, gouttant sur le plancher.
▬ Ne touche pas ce que tu ne sais pas maitriser, hum ...
▬ Hiro. Et je le trouve seulement magnifique. Tu crois que ça pourrait devenir mon arme ?
▬ Tu vivras pas assez longtemps pour t'entraîner à ça. A-t-elle ri. Bon, ok, Hiro. J'accepte de te conduire jusqu'à Nekor. Mais c'est uniquement parce que tu es sympa et que tu l'as bouclée sur le fait que je sois rentrée très tard. J'ai une superbe bécane, tu vas voir !
Je me retournai vers elle, surpris, après avoir reposé méticuleusement le katana.
▬ J'ai pas mon permis moto. S'enquis-je, un peu gêné.
▬ Moi, je l'ai.
▬ Mais t'as pas quatorze ans ?
Elle se leva du canapé telle une furie, le visage déformé par la colère et les muscles crispés dans son pyjama en pilous. Elle me pointa du doigt, tout en s'écriant :
▬ J'ai dix-sept ans, pauvre tache ! Quatorze ans, non mais ! Tu crois que tu les fais, toi, tes vingt ans ?
Je ne pus m'empêcher de pouffer malgré moi, tandis qu'elle passait à côté de moi, une aura de rage tournoyant autour d'elle. Elle m'emmena jusqu'au garage où étaient garée toute une ribambelle de magnifiques voitures flambant-neuves, qui furent une à une éclairées par les néons plus retardataires que les autres. Elle me jeta sans prévenir un casque de moto rouge dans les mains, testant mes réflexes, et fus même étonnée de voir que j'avais réussi à le rattraper. Remarquant qu'elle chevauchait une énorme bécane métallique et surpuissante, je m'arrêtai net.
▬ Tu comptes conduire avec ton pyjama en pilous, là ?
▬ Quoi, je te fous la honte ? Entre nous deux, c'est de toi que je devrais avoir honte d'aller promener. T'as beau être canon, tu t'habilles trop mal.
Je levai les yeux au ciel et glissai mon crâne dans le casque de moto, dissimulant mon visage derrière une visière noire. Elle posa ses mains sur les poignées de gaz et fit rugir le moteur. Je m'assis derrière elle, serrant mes cuisses contre la carrosserie, et posai mes mains sur ses hanches.
▬ Faut que tu me serres plus fort. A-t-elle soufflé, la voix étouffée par son casque.
▬ J- ... Non !
▬ Ok, comme tu veux.
Elle démarra d'un seul coup, me prenant de court, et mon corps entier fut projeté en arrière, frappé par la puissance de l'engin. Avant de voler hors du véhicule, je m'agrippai autour de sa taille, enroulant mes bras autour d'elle, et je l'entendis rire comme une hystérique. Elle qui craignait fortement son cousin et le fait qu'il soit atteint de démence, elle n'était pas beaucoup mieux. Elle sortit du garage telle une furie, mettant les gaz, et la lumière aveuglante du soleil chaud nous atteint rapidement, m'obligeant à baisser la tête pour ne pas trop me cramer les yeux. Elle dévala à toute vitesse l'allée, nous approchant dangereusement du portail fermé, orné de pics, à l'autre bout du jardin. Pourtant, cela ne sembla pas la freiner ou l'inquiéter, la faisant même accélérer.
Ne me dites pas que j'allais mourir aussi bêtement ... Me suis-je dit.
A quelques mètres de la barrière, j'enfouis mon visage dans le dos de la jeune fille, dont les cheveux dépassaient du casque, ne souhaitant pas voir la mort en face. Au moment où nous devions heurter le portail, elle continua miraculeusement sa route, provoquant en elle un rire hystérique. Je me suis redressé, stupéfait d'être sur la grande route, et me suis retourné pour observer que la grille était en train de se refermer silencieusement et assez rapidement. Apparemment, elle avait tout prévu au millimètre près. Je poussai un long soupir de soulagement, brusquement plus détendu.
Décidément, la folie devait être une question de famille.
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Nekor
Romance◣ Lorsque son père se fait assassiner sous ses propres yeux par un mafieux, Hiro développe en lui une forme d'obsession envers le tueur, lui qui avait toujours profondément détesté son unique parent. Il tentera par tous les moyens de retrouver l'ass...