J'avais passé toute la journée à l'hôtel à me morfondre, la tête sous les draps, à ne rien avaler malgré ma faim. Ce ne fût que lors des alentours de dix-huit heures que je me suis finalement décidé à attraper le combiné du téléphone de la chambre pour appeler Erik. Je savais qu'il me répondrait, même s'il ne connaissait pas le numéro en question. La sonnerie retentit trois fois avant qu'il ne décroche.
▬ Allô ?
Sa voix calme et si détendue me fit tout de même du bien.
▬ S-salut, Erik ... Ai-je balbutié, le coeur au bord des lèvres.
Je crus que j'allais vomir à chacune de mes paroles, alors que la douleur dans ma poitrine ne s'était toujours pas apaisée.
▬ Hum ... oui ? Qui est-ce ?
▬ C'est Hiro.
Il y eut un long silence.
▬ H-Hiro ? Seigneur, c'est bien toi ? S'est-il écrié. Mon dieu, tu n'imagines pas comme j'ai eu peur, cela faisait plusieurs jours que je n'avais plus de nouvelles de toi, j'ai eu si peur ! Je commençais à croire qu'on te retrouverait un jour dans un fossé. J'ai tenté de contacter la police à maintes reprises mais comme tu étais majeur, ils ne voulaient pas commencer des recherches tout de suite et sans preuve, du coup ...
▬ Erik ... Calme-toi. L'ai-je interrompu. Je suis à l'hôtel, ici. Je prendrai sûrement l'avion demain matin pour Tokyo ...
▬ Non, non, hors de question ! Je t'accompagne. Dis-moi où tu es et je prends l'avion dès ce soir pour te rejoindre. On le prendra tous les deux demain matin, je veux m'assurer que tu vas bien.
▬ Je vais bien, Erik ...
▬ À entendre ta voix, on dirait que tu as été séquestré de longues années. Alors, je pars dès ce soir. Donne-moi ton adresse.
Je la lui ai donnée sans broncher, après avoir vérifié ma localisation sur le téléphone portable qui avait été prévu dans la valise. Je l'entendis noter toutes les informations et taper sur son clavier pour vérifier les prochains vols.
▬ Tu vas pas me dire ce qu'il t'est arrivé pendant tout ce temps, alors, Hiro ?
▬ Je t'expliquerai tout demain ... On aura tout le temps pour ça.
▬ Tu as raison. Ici, je vais quitter de chez moi pour prendre le premier vol. Je serai là, demain à six heures. Prends le temps de te reposer et de reprendre des forces.
Je l'ai remercié et nous avons raccroché en même temps. Pourtant, je ne me sentais pas mieux d'avoir prévenu Erik. Je n'avais nullement envie de partir d'ici car je gardais encore espoir avec Nekor. Je n'étais vraiment qu'un imbécile entêté, je le savais bien ... Mais c'était plus fort que moi. L'amour surmontait tout en moi et je me haïssais rien que pour ça.
J'avais attendu l'arrivée d'Erik de longues minutes devant l'hôtel, dans la fraîcheur de la matinée, la main fermement agrippée autour de ma valise, avant qu'un taxi ne se gare juste devant moi. Les vitres étaient tintées mais j'avais directement reconnu la silhouette de mon ami, à l'intérieur, qui sortit immédiatement du véhicule pour me serrer contre lui. Je restai de marbre, les bras le longs du corps, comme si j'étais complètement vide, et il s'écarta de moi pour vérifier que je n'étais pas blessé ou quoi que ce soit dans le genre.
▬ Ça fait trop plaisir de te revoir, je pensais que je t'avais perdu pour de bon ...
Il me fit monter à l'arrière du taxi, tandis que ce dernier faisait toujours tourner son moteur, créant de la buée dans l'air. Erik mit ma valise dans le coffre et grimpa à bord du véhicule, à mes côtés. Il paraissait tout excité de me revoir, comme si c'était mon anniversaire et qu'il m'avait préparé une surprise, alors que moi, j'étais indifférent, le regard perdu dans la contemplation du vide. Je n'avais qu'une seule envie : qu'il la boucle. Si j'avais été Nekor, je l'aurais déjà égorgé depuis longtemps. Je jetai un coup d'oeil par la fenêtre, admirant le paysage qui défilait.
▬ Allez, Hiro. Explique-moi.
Je soupirai longuement, haussant les sourcils, et finis par tourner la tête vers lui.
▬ J'ai ... comme qui dirait ... retrouvé le tueur de mon père.
Erik s'exclama bruyamment, m'empêchant de poursuivre. Il me mitrailla de centaines de questions auxquelles je n'avais même pas le temps de répondre, alors je me contentai de juste lâcher :
▬ Et j'en suis tombé fou amoureux.
Il s'immobilisa soudainement, la bouche grande ouverte et le regard horrifié, comme s'il avait vu un fantôme. Au moins, ça l'avait fait fermer sa gueule.
▬ Mais ... il faut qu'on appelle la police, Hiro !
▬ La police ne pourrait rien y faire. C'est un mafieux, un des plus grands du pays, d'ailleurs. Ils sont bien trop puissants. Il s'appelle Nekor et il m'a marqué pour que je sois le sien. (Je soulevai mon T-shirt pour lui montrer la signature et il hurla de surprise) Je l'aimais et j'étais prêt à tout pour lui. Mais je n'étais qu'un jouet. Il m'a brisé le coeur ... Parce que je ne suis qu'un imbécile.
▬ Au-au moins, tu es en vie ... A soufflé Erik, rationalisant la situation.
Je haussai les épaules. Après tout, j'étais comme mort au fond de moi, alors à quoi bon ? Je jetai un coup d'oeil par la fenêtre et je me rendis compte que je connaissais très bien ce paysage urbain. C'était une des routes que j'avais empruntées avec Teresa lors de notre balade à moto. La villa n'était pas très loin d'ici, juste derrière les bâtiments de droi... J'interrompis ma pensée en voyant de la fumée noire s'échapper dans le ciel, au-dessus des toits.
▬ T-tournez à droite ! Me suis-je écrié, à l'attention du chauffeur qui s'exécuta.
Erik me scruta d'un regard interrogateur tandis que le taxi passait à côté de l'immense villa. Mon coeur s'arrêta en découvrant ce paysage d'horreur.
▬ Arrêtez-vous !
Le véhicule s'immobilisa net, d'une telle force qu'Erik fût projeté contre le dossier des sièges avant. La villa tenait encore debout mais à certains endroits, il lui manquait des murs qui s'étaient écroulés, tandis que les fenêtres étaient toutes brisées et laissaient passer de la fumée noire. Comme si une explosion avait eu lieu. Mon coeur s'accéléra davantage lorsque je vis, dans la pelouse du jardin, des corps emballés dans des bâches et extirpés du bâtiment par des urgentistes et des policiers vêtus d'uniforme particulier. J'ouvris précipitamment la portière et accourus hors du véhicule, malgré les appels d'Erik. J'ai traversé la rue si vite qu'une voiture avait même manqué de m'écraser, me frôlant les côtes.
Je me précipitai vers le grand portail noir et passai au travers des banderoles policières, sous les cris d'hommes qui tentèrent de m'arrêter dans ma course.
Non ... Non ! NON ! Pas ça, par pitié ...
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Nekor
Romance◣ Lorsque son père se fait assassiner sous ses propres yeux par un mafieux, Hiro développe en lui une forme d'obsession envers le tueur, lui qui avait toujours profondément détesté son unique parent. Il tentera par tous les moyens de retrouver l'ass...
