20. La noyade

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          ▬ Tu n'es pas obligé de faire ça ... S'enquit Teresa, lorsque nous sortîmes tous les deux du bureau.

          Nekor leva la main en l'air, lui faisant signe de la fermer, tout en me tenant fermement le bras, si fort qu'une trace rouge commençait à s'y former. Il m'emmena à travers le salon, sous les yeux dubitatifs et surpris du groupe d'hommes qui se tenait toujours dans la pièce, avant de me faire sortir par la porte arrière qui menait au grand jardin. Dehors, pour la première fois depuis mon arrivée, le ciel était gris et froid. Il me tira jusqu'à la piscine et, me rendant compte de ses intentions, je tentai de freiner son élan en poussant mes pieds contre le gazon, mais rien à faire : il était bien trop puissant.

          Il s'agenouilla sur le bord de la piscine, m'obligeant à m'asseoir à ses côtés, et il m'attrapa violemment la nuque. De sa force démesurée, il me força à plonger mon visage dans les flots, tout me maintenant fermement à sa droite. Je pris une grande inspiration et me mis à me débattre, comprenant qu'il voulait en finir avec moi. J'enfonçai mes ongles dans sa main qui me maintenait dans l'eau, tout en prenant soin de garder un maximum de mon oxygène, et je tentai de m'accrocher aux bords de la piscine pour me faire remonter.

          Plus mes forces me quittaient, et plus je sentais son emprise autour de ma nuque se mettre à trembler étrangement. C'était comme si cet acte lui demandait toute l'énergie dont son corps disposait. 

          ▬ Nekor, tu vas le tuer ! Intervint une voix féminine et étouffée à la surface.

          Je commençais à entendre mon coeur battre à l'intérieur de moi, tandis que mes poumons semblaient vouloir exploser dans ma poitrine.

          ▬ Tu fourres toujours ton nez dans mes affaires ! S'est écriée la voix déchirée de Nekor, qui s'adressait à moi ou à Teresa. Tu fous toujours la merde ! Pourquoi t'ai-je gardé ? Tu ...

          Une dernière bulle d'oxygène m'échappa, tandis que mes bras pendaient mollement vers le fond de la piscine, les yeux entrouverts, prêts à se fermer. La voix de Nekor s'était interrompue, comme s'il réfléchissait à ses mots, remettant en question quelque chose que j'ignorais complètement. Je l'entendis souffler un « Tu crois vraiment que je t'aime ... ? » chargé de tristesse et d'une forme de peur, comme s'il se parlait à lui-même. Il me lâcha enfin la nuque, me libérant enfin, mais il s'avéra que j'étais bien trop affaibli que pour pouvoir me remonter moi-même à la surface. Ma vision devint floue et mes yeux se fermèrent doucement, à bout de forces. 

          Alors, c'était ça de mourir ? Je me sentais à la fois si seul et si apaisé d'en finir maintenant avec mon existence pitoyable.

          Alors que je me laissais aller dans les flots, une force assez faible vint me tirer hors de l'eau. Mon visage émergea enfin de l'eau et je sentis l'air frais me caresser la peau. J'entendis la voix de Teresa souffler un « Bon sang, qu'est-ce que t'es lourd ! », le ton étouffé par les flots logés dans mes oreilles. Je me décidai enfin à inspirer mais l'eau présente dans mes narines me fit brusquement tousser et cracher, le souffle court. Je me penchai en avant, les coudes dans la pelouse, et je tentai d'aspirer le plus d'air possible, le corps pris de soubresauts. Mes yeux me piquaient douloureusement mais je parvins à apercevoir le visage de Teresa penché au-dessus de moi, s'assurant que je retrouvais mes marques. Je vis également, au loin, les pas d'un homme s'éloigner vers la villa.

          Il avait tenté de me tuer ... Et s'était ravisé au dernier moment. Teresa n'aurait jamais osé me sortir de l'eau sans son autorisation, alors sûrement qu'il lui avait demandé de me remonter avant de s'éloigner.

          ▬ Mon dieu, Hiro, dis quelque chose ! S'écria la voix de la jeune fille qui m'interpelait depuis tout à l'heure.

          J'étais tellement perdu dans mes pensées et tellement affaibli que je n'avais même pas entendu sa voix affolée appeler mon prénom.

          ▬ Teresa ... Ai-je marmonné, le corps tremblant.

          Elle poussa un soupir de soulagement.

          ▬ Je croyais qu'il allait te tuer ! S'est-elle écriée. Je m'étais dit que comme tu te démarquais des autres marqués, il serait plus clément avec toi et te laisserait en vie mais quand j'ai vu qu'il allait presqu'aussi loin qu'avec les précédents, je suis sortie ...

          ▬ I-il m'a épargné, c'est le principal ...

          Je me redressai, posant mes fesses sur mes talons, et j'observai le ciel gris au-dessus de nos têtes, tandis que les gouttes froides dégoulinaient de mes cheveux sur mes joues.

          ▬ Je ne l'ai jamais vu épargner quelqu'un, Hiro ... A-t-elle chuchoté, comme s'il pouvait nous entendre d'où il était. Et encore moins dans un état pareil ... Je crois que même son père ne l'a jamais vu pleurer.

          Je baissai subitement les yeux vers elle qui me scrutait gravement, une main sur mon épaule. Quoi ? Avais-je bien entendu ?

          ▬ Il ... pleurait ?

          Elle acquiesça.

          ▬ Au moment où il a dit qu'il ne t'aimera jamais, j'ai vu des larmes. Tu dois être extrêmement différent des autres marqués pour qu'il s'énerve sur ton comportement au point d'en pleurer.

          Je plaquai mes cheveux vers l'arrière, regardant dans le vague. Comment avais-je bien pu faire pour le marquer à ce point-là ? Je n'avais été que moi-même, sans réelle peur de le blesser ou de l'énerver. Rares étaient les personnes qui m'aimaient véritablement pour qui j'étais. Tout le monde m'avait toujours trouvé bizarre, en retrait des autres, comme si je vivais dans une autre dimension et que nulle ne pouvait me comprendre. J'avais fini par être ami avec Erik pour une seule raison : car il s'était entêté, il n'avait jamais lâché. Il avait toujours voulu savoir qui j'étais et il me poussait sans cesse à lui parler de moi. Sinon, je ne me serais jamais attaché à lui.

          Je me levai maladroitement mais mes genoux manquaient à nouveau d'équilibre et avant de m'écrouler sur le sol, Teresa me retint le torse de ses bras frêles. Elle poussa un gémissement plaintif et me repoussa en arrière pour me redresser. Je dus forcer sur mes jambes pour tenir en place, tandis qu'elle se glissait sous mon bras pour m'aider à marcher.

          ▬ T'as de la chance que je t'apprécie beaucoup, Hiro. Parce que là, j'ai une envie folle de te voir manger le sol.

          Je ris, amusé par sa réflexion et elle me rendit aussitôt mon sourire, avant de se rendre compte qu'elle me fixait. Elle détourna immédiatement le regard, les joues rougissantes, et elle m'accompagna jusqu'à la maison.

          Désolé, Teresa, mais j'étais toujours fou amoureux de Nekor ... Je lui appartenais.

NekorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant