▬ Petit ... Chantonna Nekor en sifflant. Où es-tu ?
Je forçais sur mes mains, les appuyant contre mon visage et m'efforçant de ne produire aucun son distinctif. Même expirer par le nez me semblait fatal. Il allait me trouver, je le sentais. Par un petit trou, dans la porte de mon placard, je jetai un oeil à ce qu'il fabriquait. Il s'agenouilla au sol et jeta un oeil sous mon lit, tachant la moquette de gouttes de sang : celles de mon père. Je n'avais pas eu le temps de m'enfuir dans ma chambre et de me cacher dans ma fameuse planque mais si je le faisais maintenant, il allait m'entendre et me tuer avant même d'avoir eu le temps de bouger. Mais à l'inverse, si je restais caché derrière les vêtements, il finirait forcément par me trouver.
Il se redressa tout en faisant tourner sa machette tranchante autour de ses doigts et jeta un oeil à ma table de chevet où était postée une photo de moi et de ma mère, juste après l'accouchement. Il la scruta attentivement et la prit en main, tout en riant.
▬ T'étais vraiment un laid bébé. A-t-il ricané, presqu'aux larmes. Seigneur ...
Il la laissa tomber par terre, tentant de calmer sa folie, et vint face au placard. Je crus pendant une seconde qu'il me regardait droit dans les yeux, à travers le petit trou, et qu'à tout moment, il allait l'ouvrir pour me massacrer et me décapiter. Mais au lieu de ça, il se contenta de soupirer, en posant son sac à dos au sol, et se mit à farfouiller à l'intérieur.
Pourquoi est-ce que l'ange que j'avais tant imploré me faisait-il cela ? Je n'avais que treize ans, que pouvais-je faire ?
▬ Très bien. A-t-il soufflé, le ton amer et agacé. Si tu ne veux pas sortir de ta cachette, je vais m'en charger moi-même.
Je sentais mon coeur battre dans ma gorge. Il sortit de son sac une bouteille blanche remplie d'un liquide transparent et il en dispersa abondamment sur les portes de mon placard, ainsi que sur la moquette. Une odeur atroce me parvint alors. Seigneur, non ... C'était de l'essence. Je l'entendis gratter quelque chose, comme un ongle sur une surface rugueuse, et en regardant de plus près, je le vis tenir une allumette enflammée. Il observa un instant la flamme danser au sommet du bout de bois, comme émerveillé, et chuchota un « Boum », avant de la laisser retomber au sol.
Au contact de l'essence, le minuscule feu se répandit d'un seul coup, telle une explosion, sur mes portes et la moquette. La chaleur n'allait pas tarder à devenir insoutenable de là où je me tenais.
Pourquoi ... Pourquoi ...
Je l'entendis rire, à l'autre bout de la pièce, et lorsque les flammes furent suffisamment nombreuses et hautes, il s'éclipsa de ma chambre, tout en chantonnant.
Je n'avais plus qu'à jouer ma dernière carte. J'attrapai la plaque blanche, derrière mon placard, et me glissai dans le conduit de fer qui commençait déjà à devenir chaud. Je n'étais même pas sûr de pouvoir sortir par la grille d'aération, de l'autre côté, mais je n'avais pas d'autres choix que d'essayer. Une image macabre me vint alors : celle de mon corps d'enfant ensanglanté, entièrement recouvert de brûlures et encore fumant, retrouvé dans un conduit d'aération par les pompiers arrivés sur place. Je secouai la tête. Ce n'était pas le moment pour ce genre de pensée.
J'atteins enfin la grille, qui me donnait une vue sur le couloir de ma maison, où Nekor se tenait toujours, parlant à voix haute, grâce à la puce qui était implantée dans son oreille.
▬ James Okun est éliminé. Et son fils ne tardera pas à l'être vu l'état de sa chambre.
Il éclata d'un rire rempli de folie et vérifia les flammes qui se répandaient, donnant un ton orangé à son visage. Il fallait qu'il dégage rapidement de là avant que je ne meurs asphyxié : j'avais beau être au ras du sol, la fumée m'atteignait déjà sans trop de difficulté. J'avais très envie de tousser mais je dus me retenir, les mains appuyées contre ma bouche.
▬ Oui, je l'ai.
Il scruta un petit objet, coincé entre ses doigts, ravi de sa découverte. J'étais trop loin pour savoir de quoi il s'agissait mais ça avait tout l'air d'avoir la forme d'une clef USB. Il l'enfouit dans sa poche de pantalon.
▬ Finalement, je crois que je pourrais m'y faire à l'arme blanche. Je n'étais pas fan mais il faut avouer que ça a de la gueule !
Un toussotement m'échappa, alors que la fumée noire rentrait abondamment dans mes poumons et que les plaques métalliques sur lesquels je me tenais commençaient à devenir brûlantes, faisant rougir ma peau. Les pieds de Nekor s'arrêtèrent juste en face de ma grille, et lorsque je crus qu'il m'avait déniché suite à mon bruit, il poursuivit tranquillement son chemin, le pas sautillant. Je l'entendis ouvrir la porte d'entrée et la claquer derrière lui.
Ce fût le feu vert.
Je poussai la grille à l'aide de mes mains mais malheureusement, rien ne bougea. Je n'avais pas assez de force pour arracher les vis qui la maintenait. Je me mis à paniquer, continuant de frapper de toutes mes forces avec mes poings, mais finis par me résoudre à rebrousser chemin. Je suis revenu dans mon placard, me couvrant la bouche et le nez et tentant de ne pas trop me redresser, là où la fumée était bien plus abondante, et suis rentré à nouveau dans le conduit, mais cette fois-ci, avec les pieds en avant.
Je me suis tortillé comme j'ai pu, sur le dos, et, arrivé à hauteur de la grille, je me bouchai le nez et m'empêchai de respirer. Je me mis à cogner de toutes mes forces avec mon pied, levant la jambe le plus haut possible. Au bout de longues secondes, elle finit enfin par céder sous mes coups et s'entrouvrit. Je m'y glissai, les pieds en premier, et débouchai enfin dans le couloir qui était déjà envahi de fumée épaisse. J'avais de plus en plus de mal à respirer et le feu de ma chambre avait déjà gagné du terrain, atteignant déjà une grosse partie du couloir. J'entendais le plafond craquer au-dessus de moi, fragilisé par la chaleur, et après m'être rendu compte que me tenir debout m'empêchait de respirer, je me mis à quatre pattes. J'ai rampé de toutes mes forces restantes jusqu'à la porte d'entrée et au moment de baisser la clinche, elle me brûla la paume.
Je tressaillis et m'empressai d'étirer mes manches de pyjama sur ma peau, afin de la protéger un maximum de la chaleur bouillonnante. J'avais l'impression d'être à l'intérieur d'un four. Ma tête tournait et mes forces semblaient me manquer dangereusement. Je tendis une main tremblante vers la clinche, alors que des fracas assourdissants se faisaient entendre dans mon dos, dans le coeur de la maison. Tout était en train de s'effondrer.
Je parvins finalement à baisser la clinche et à ouvrir grand la porte, envahissant mon visage de la fraîcheur et de l'humidité de la nuit. Je pris une énorme inspiration, tentant de récupérer un maximum d'air pur pour mes pauvres poumons douloureux, et j'ai rampé jusqu'à l'allée de ma maison.
En m'allongeant sur le dos, je pus voir le ciel sombre et étoilé, en partie caché par la fumée noire et les braises encore rougeoyantes qui virevoltaient.
J'avais survécu.
Et je ne voulais déjà qu'une seule et unique chose : le retrouver.
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Nekor
Romance◣ Lorsque son père se fait assassiner sous ses propres yeux par un mafieux, Hiro développe en lui une forme d'obsession envers le tueur, lui qui avait toujours profondément détesté son unique parent. Il tentera par tous les moyens de retrouver l'ass...