Chapitre 18

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Je baisse les yeux vers lui, surprise, et il s'empresse de détourner le regard, serrant ma main plus fort. Je ne m'y attendais pas, ni à ça ni au fait que cela me rende si heureuse. Je sens une bouffée d'affection et de fierté monter en moi, et je lui ébouriffe tendrement les cheveux de ma main libre.


Je l'entraîne vers la cuisine, où il me suit timidement, se cachant derrière moi, mais sans lâcher ma main, me tordant presque le bras. Je grimace légèrement, et Marine, qui jusque là assistait au spectacle en souriant franchement, éclate de rire.


Je sens Léo se crisper derrière moi. Je reste immobile, lui servant de cachette jusqu'à ce qu'il se décide à me lâcher. Il accorde même un regard à Marine avant de se réfugier auprès de Schrödinger, qui se laisse volontiers caresser. Je jurerais presque que ce dernier me lance un regard narquois... foutu chat.


Le reste de la soirée se passe relativement bien. Après quelques vaines tentatives de Marine pour faire parler Léo, cette dernière renonce et le laisse tranquille pour me raconter en détail son stage, ponctuant son récit d'anecdotes assez drôles pour me déclencher quelques crises de fous rires. Le gamin nous regarde avec une expression indéchiffrable, puis commence à se détendre quand il finit par comprendre qu'il n'est plus au centre de l'attention.


La soirée passe à toute vitesse, et Marine finit par devoir rentrer chez elle. Elle récupère son sac, et surtout Schrödinger, qui se met à ronronner dans les bras de sa maîtresse. Léo, lui, semble dévasté : son regard implorant alterne entre le chat et mon visage, et il tire sur ma manche avec insistance. Je manque de sourire en le voyant aussi expressif, mais je me retiens, redoutant déjà le moment où je devrais lui annoncer que, maintenant que Marine est revenue, je n'ai plus de raison de garder son chat. Elle m'évite cette confrontation, s'accroupissant devant Léo, à la fois pour le laisser caresser encore une fois Schrödinger et pour lui parler :


— Désolée mon grand, mais je peux pas embêter plus longtemps Linda avec mon chat, déjà qu'elle a été sympa de me le garder aussi longtemps ! Tu sais, c'est quand même du boulot de s'occuper d'un animal, et puis elle doit s'occuper de toi aussi maintenant. T'as pas envie qu'elle ait plus de temps pour toi ? En plus, il m'a manqué Shosho... Et tu peux venir le voir quand tu veux, vu que j'habite juste à côté !


Par je ne sais quel miracle, Léo semble convaincu. Il fait un dernier câlin au chat et suit Marine des yeux quelques instants, avant de se réfugier dans la chambre. Notre petite routine se poursuit, mais à la différence des autres jours, il se rapproche un peu de moi pour dormir.Attendrie, je remonte délicatement la couverture sur ses épaules, et lui caresse doucement les cheveux tandis qu'il s'endort.


Je suis brusquement réveillée en plein milieu de la nuit : Léo, en plein cauchemar, couvert de sueur, se débat de toutes ses forces contre un ennemi invisible. Paniquée, je tente de le réveiller, le secouant et l'appelant par son prénom de plus en plus fort. Il finit par ouvrir des yeux épouvantés, et met un moment avant de me reconnaître et de cesser de se débattre. Sa respiration saccadée est vite ponctuée de hoquets et de sanglots. Essayant de ne pas penser à ce qui peut lui causer de tels cauchemars, je le prends dans mes bras, caressant son dos tremblant en de grands mouvements circulaires.


Le temps qu'il se calme, mon haut est trempé de larmes. Je continue de le bercer doucement, jusqu'à ce qu'il relève son visage et que je croise son regard. Je déteste immédiatement ce que j'y lis, un mélange d'angoisse, de désespoir et d'infinie tristesse. Un regard qu'aucun enfant ne devrait avoir, même après un cauchemar d'une telle intensité. Presque mal à l'aise, je me dégage doucement, bafouillant un faible « Je vais te chercher un verre d'eau ». Je me lève, mais suis stoppée dans mon mouvement par un cri derrière moi :


— T'EN VA PAS !

Quitte à tout sacrifierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant