Chapitre 66

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Honteuse, j'avais tenté de me dégager, mais son emprise s'était raffermie, et je n'avais plus osé bouger, à peine respirer. Un lourd silence s'était installé, avant que des sifflements retentissent.

— Bien joué patron !

— Bah voilà, quand tu veux !

— Ouais mais il s'est pas excusé...

— On s'en fout, regarde-le comme il est rouge !

— Ahahah pas faux, attends j'dois avoir mon appareil photo...

Ne pouvant en supporter davantage, Léo m'avait relâchée. En effet, il était écarlate. Baissant son bonnet sur son visage, il avait grommelé de façon à ce que je sois la seule à l'entendre :

— C'est bon, pour le carnet, c'est rien. J'aime pas qu'on touche à mes affaires, c'est tout.

Rassurée, j'avais soupiré de soulagement. Léo avait commencé à s'éloigner, la tête rentrée dans les épaules, et je m'apprêtais à le suivre quand une main avait soudain agrippé mon bras.

Je m'étais retournée avec appréhension, craintive, mais c'étaient de grands sourires qui m'étaient adressés. Des sourires chaleureux et sincères, sans une once de cruauté ou de malveillance. Tout le contraire de ce à quoi je m'attendais. J'avais supplié mon cerveau de trouver un truc à dire, n'importe quoi, pour que j'arrête de passer pour une muette pleurnicharde, mais rien à faire, le niveau Linda-la-hardie n'était pas encore débloqué. Heureusement, je n'avais même pas eu le temps de paniquer qu'ils enchaînaient déjà :

— Hé, reste un peu avec nous ! Tu veux boire une bière ?

— C'est quoi ton nom ? Moi c'est Kyle !

— Ta gueule Raph', te prends pas pour un américain cool alors que t'as un nom pourri !

— Non mais je t'emmerde ! Tu crois que le tien est mieux ?

— PARDON ? C'est ma mère qui a choisi mon nom alors tu respectes, merci !

— Fermez-la, bande de crétins, on s'entend plus ! Moi c'est Anthony, enchanté !

— Hé, Tony, drague pas la minette de Léo !

— Mais je la drague pas, j'me présente !

— Avec toi c'est pareil !

— Ta gueule !

— Toi, la ferme !

— Tu veux t'battre ?

— Quand tu veux, je t'attends, Ducon !

Je restais abasourdie face à pareil bordel, avant d'éclater de rire. Ils allaient me prendre pour une folle, mais je m'en foutais. Dire que j'étais terrifiée par ces types... Quelle blague ! Mon image d'un groupe de mafieux sans foi ni loi, volant et violant à tout va, s'était effritée à la vitesse de la lumière. Ce bazar ambiant, plein d'insultes affectueuses, avait quelque chose de convivial, de rassurant. Me prenant au jeu, j'avais accepté leur invitation, pour leur plus grand plaisir.

Léo, surpris, s'était retourné, et avait choisi de rester aussi, malgré les remarques moqueuses qui lui pleuvaient dessus à nouveau. Alors que, plus tôt, je les trouvais blessantes, j'avais réalisé que c'était tout le contraire, que c'était plus comme des boutades que des grands frères balanceraient à leur cadet. Séchant définitivement mes dernières larmes, j'avais retrouvé le sourire, et passé la soirée à écouter le brouhaha incessant, à boire et à m'empiffrer. Je m'étais sentie détendue comme jamais parmi ce drôle de groupe, à l'opposé de mes préjugés. Même Léo, pourtant sur la réserve, fidèle à lui-même, semblait s'amuser.

Quitte à tout sacrifierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant