Chapitre 41

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Thomas finit par se relever, nous libérant enfin. Son souffle, encore saccadé, crée des petites volutes blanches dans l'air glacial. Malgré ses oreilles et son nez rougis par le froid, il continue de sourire de toutes ses dents. Et c'est contagieux, de toute évidence.

Léo éternue soudainement, mettant fin à ce moment hors du temps, un peu bizarre, durant lequel nous nous fixions en souriant béatement. C'est le signal de départ de notre petite troupe. Léo se précipite vers nous, saisissant d'un côté la main de Thomas, et de l'autre la mienne.

Je reste un instant interdite face à ce témoignage d'affection, avant de serrer fort sa main glacée par le froid. Thomas me lance un regard en coin, certainement amusé de la situation. Je l'ignore comme je peux, tentant d'oublier les battements de mon cœur qui s'accélèrent dangereusement. Car l'image que nous renvoyons, celle d'une petite famille épanouie, me met dans tous mes états.

Pourquoi mon cerveau ne peut-il pas tout simplement se mettre en veille, pour une fois ? Pourquoi je me mets à regretter cette décision prise des années plus tôt, au barrage ? Pourquoi j'imagine notre vie quotidienne, tous les trois ensemble ? L'intérieur de mon crâne est une zone de tempête, d'ouragan, de cyclone. Je perds complètement les pédales, rien qu'avec le contact de la main miniature de Léo.

Jusqu'à il y a quelques semaines, c'était simple pourtant : les enfants sont démoniaques, ne pas les approcher. Thomas se met en danger, ne pas se rapprocher. Voilà. J'avais construit une belle palissade autour de mon cœur, solide, sécurisante. Je l'avais ouverte une fois et, vu le résultat, je l'avais refermée aussi sec, y ajoutant une bonne couche de béton armé. Mettant mon cœur tout cassé bien à l'abri. Pas d'attente, pas de déception. Pas de douleur. Plus de douleur.

Mais là, les petites mains de Léo commencent à dangereusement ébranler la construction, retirant patiemment les briques, l'une après l'autre. Et Thomas, juste derrière, lui file un coup de main, n'attendant que de pouvoir s'engouffrer dans la moindre faille.

Quitte à tout sacrifierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant