Chapitre 85

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« Je sais où il est ». 

Cinq petits mots, c'est tout ce qu'il faut pour que mon cœur manque de prendre le large. Léo s'accroche à moi, fort.

En écho aux mots d'Isham, une dizaine d'hommes entrent dans l'auberge et nous rejoignent. Rien qu'à leur façon de se déplacer, il est évident qu'ils savent se battre, eux aussi. J'ai un instant peur qu'ils soient là avec de mauvaises intentions, mais Isham semble les connaître. D'un signe de tête, il leur indique de l'attendre dehors. Les chambres sont trop petites pour accueillir tant de monde, alors nous allons dehors. Là, Isham fait rapidement les présentations, si vite que j'ai à peine le temps de retenir quelques noms. Le plus important vient après : les détails de l'opération « Récupérer Thomas ». J'ai du mal à suivre, même avec la carte d'Isham étalée au centre du groupe. Mais comme tout le monde semble comprendre ses explications, je me tais et je reste en retrait. De toute façon, il ne semble pas vouloir m'inclure au plan. Ce qui, au fond, me soulage. Bien sûr, je suis un peu déçue, mais j'aurais trop peur de tout faire foirer.

— Linda, tu m'écoutes ?

— Hein ?

Une douzaine de paires d'yeux me dévisagent. Je me ratatine, ne sachant plus où me mettre. Isham soupire pour la millième fois depuis que je le connais.

— Je disais donc : nous, on s'occupe du bâtiment. Nassira et toi, vous vous occupez de ça.

Il désigne la carte. Son doigt pointe vers un autre bâtiment, à l'écart des autres. Enfin, plutôt qu'un bâtiment, une pièce unique, minuscule. Je lève un sourcil d'incompréhension. Puis le deuxième quand je comprends où il veut en venir.

— Thomas ?

— Ouais. Je suis quasi sûr qu'il est là-dedans. Vous vous occuperez de le récupérer. Les gars et moi, on devrait attirer toute l'attention, mais il y restera peut-être un garde ou deux. C'est pour ça que Nassira t'accompagne. Avec l'effet de surprise, il ne devrait pas y avoir de problème. Une fois Thomas récupéré, vous tirez cette fusée pour nous prévenir. À ce moment-là, repli général. Tout est clair ?

Sans un mot, tout le monde hoche la tête avec motivation. Sauf Léo, qui tire sur mon débardeur, manquant au passage de l'abaisser sous mon soutien-gorge. Je retiens un cri et m'apprête à le sermonner, mais son regard tout triste me dissuade. Pourtant, il devrait être content... Ah !

— Et Léo ?

Isham se fige un instant. On l'avait tous oublié.

— Il peut pas participer, évidemment. Mais tant qu'on ne sait pas quel lien il a avec cette histoire et Thomas, je préfère éviter de le laisser seul.

Je retiens mon souffle, cherchant à toute vitesse une solution. Isham se décide avant que je la trouve.

— Tant pis, on l'emmène, mais il restera dans la voiture, à l'écart. Hors de question d'en sortir, c'est compris ?

Il s'adresse directement à Léo, ce qui arrive rarement. Le petit lève les yeux vers moi, comme pour me demander mon avis. Je roule des yeux, inquiète à l'idée qu'il envisage sérieusement de sortir un orteil du véhicule. Résigné, il se retourne vers Isham et hoche la tête.

— Bien. C'est réglé alors. On lance l'opération ce soir, dès qu'il fait assez nuit. Équipez-vous, reposez-vous, et soyez à l'heure. C'est tout !

Les heures qui me séparent de Thomas sont interminables. Je passe par tous les états : angoisse, excitation, doute, joie, détermination, et à nouveau angoisse, excitation... Je réitère le cycle, encore et encore. Je ne tiens pas en place. Je fais les cent pas, m'assieds, me relève comme un ressort, fais les cent pas, m'allonge, me redresse, fais les cent pas... C'est épuisant. Léo, assis en tailleur sur le lit, ne perd pas une miette de mes déplacements. Je crois que je commence à l'inquiéter. Il ne le montre pas, mais j'ai appris à déceler ses émotions au fil des semaines. Et là, il passe par à peu près les mêmes états que moi. Quand je le réalise enfin, je m'assieds à côté de lui pour le prendre dans mes bras.

— Je te ramènerai Thomas, c'est promis.

Ces quelques mots suffisent. Il renifle bruyamment, et se serre plus fort contre moi.

— Reviens aussi.

Là, c'est moi qui manque de me mettre à pleurer.

Quitte à tout sacrifierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant