Chapitre 64

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J'étais donc restée à l'attendre, trouvant bien plus intéressant d'explorer la pièce. Une minuscule armoire avec quelques vêtements, un peu de nourriture, un nécessaire de toilette et un de pharmacie... Le tour était vite fait. Rien de bien intéressant à se mettre sous la dent, jusqu'à ce que je découvre un petit carnet, bien scotché au dos de l'armoire. Une fois sûre que personne n'approchait, je l'avais décroché, avec d'infinies précautions vu son état de dégradation. Écorné, déchiré, taché, il semblait avoir bien vécu. À l'intérieur, des notes, des notes et encore des notes, écrites maladroitement, pleines de fautes et quasiment illisibles, illustrées de photos, d'articles, de documents indéchiffrables. J'avais immédiatement compris que je n'aurais jamais dû ouvrir ce genre de chose.

Paniquée à l'idée que Léo me voit le carnet à la main, je m'étais empressée de le remettre à sa place, vérifiant par trois fois qu'il était bien scotché, de la même façon et au même endroit.

Respirant de nouveau, j'avais tout juste eu le temps de calmer mon rythme cardiaque avant que Léo ne réapparaisse, visiblement préoccupé.

Ses traits s'étaient durcis, à tel point que je n'osais même pas lui demander ce qui le préoccupait autant. Je m'étais raidie, pensant que j'avais affaire à son expression la plus effrayante.

J'avais tort.

Il s'était soudainement crispé, serrant tellement les poings que ses ongles s'enfonçaient dans sa peau. En suivant son regard glacial, j'avais réussi à déterminer la raison de son comportement : au sol, dans un coin du bric-à-brac, se trouvait une photo abîmée, floue, en noir et blanc. Juste une vieille photo quoi. Le problème était que je me souvenais parfaitement l'avoir déjà vue, alors que je n'aurais jamais dû la voir : à l'intérieur du petit carnet.

Elle avait dû glisser sans que je m'en aperçoive. Clairement dans la merde, j'avais dégluti bruyamment. Avec une lenteur insupportable, Léo s'était tourné vers moi, me transperçant du regard. Puis, sans dire un mot, avec raideur, il s'était dirigé vers l'armoire. Manquant de l'envoyer valser avec la force qu'il y mettait, il l'avait déplacée, pour remarquer que le carnet était toujours à sa place. Il s'était de nouveau tourné vers moi, toujours sans un mot. Malgré mon recollage impeccable, il savait que je savais. Il s'attendait visiblement à une explication, mais je devinais aux veines sur son cou que s'il ouvrait la bouche pour me le demander, rien de bon n'en sortirait. Avalant ma salive, j'avais tenté de me justifier en bégayant :

— Je... D-d-désolée, je... Je vou-voulais pas fouiller, mais t-t-tu parles pas beaucoup de toi, alors... Ça m'a intriguée et j'ai regardé... dans le carnet... Mais j'ai rien compris du tout, je te jure ! J'arrivais même pas à déchiffrer l'écriture, j'y comprenais vraiment rien ! J'en parlerai à personne, promis ! Excuse-moi !

Il semblait tellement furax que je voyais déjà ma vie défiler devant mes yeux. Le film de ma courte vie insignifiante avait accéléré d'un coup quand il s'était rapproché. Par peur et réflexe, je m'étais protégé le visage avec mes avant-bras, ce qui l'avait complètement stoppé dans son élan.

J'avais risqué un regard, et le voir déstabilisé par mon geste m'avait surprise. Sans que j'aie pu dire quoi que ce soit, Léo avait brusquement fait demi-tour, claquant la porte assez fort pour faire trembler les murs. Alors que je m'apprêtais à soupirer de soulagement, il avait rouvert la porte avec autant tout autant de force et, rouge de colère ou de gêne, il avait arraché le petit carnet de l'armoire avant de sortir à nouveau avec la même brutalité. J'avais réussi à retenir ma respiration, pétrifiée, jusqu'à ce que le bruit de ses pas dans l'escalier diminue, puis disparaisse.

Quitte à tout sacrifierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant