Chapitre 40

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Léo finit par ouvrir les yeux, pile quand nous arrivons devant l'étendue d'eau. Un grand sourire éclaire son visage, et il saute du dos de Thomas pour gambader maladroitement jusqu'à la rive, où il effleure l'eau du bout du pied.

Quand il se retourne vers nous, il reçoit de plein fouet une boule de neige parfaitement formée, le faisant basculer en arrière.

Catastrophée, je me tourne vers Thomas, qui rit aux larmes. Je lève les yeux au ciel et me précipite vers un Léo trempé et un peu sonné, pour l'aider à se relever. Après m'être assurée qu'il n'a rien, je me retourne à nouveau vers Thomas, un sermon bien senti aux lèvres... et le schéma se répète : je me mange une énorme boule de neige en pleine figure. Et j'explose.

— MAIS T'ES CON OU QUOI ? ÇA VA PAS BIEN ?

Thomas tombe à genoux en se tenant les côtes, mort de rire. Bouillante de rage, je me tourne vers Léo, qui me fait un petit signe de tête. Aussi vite que ses petites mains le lui permettent, il m'aide à assembler des munitions, et nous bombardons allègrement l'autre abruti. Qui ne tarde pas à riposter, hilare. Il rit tant qu'il peine à viser correctement, et je ne me gêne pas pour le lui faire remarquer :

— Alors c'est comme ça qu'on vous apprend à viser, à l'armée !? Bah mon pauvre c'est pas gagn-

J'aurais mieux fait de me taire, prenant de nouveau une boule de neige en pleine tête. Même Léo émet un petit rire, avant de s'arrêter brusquement face au regard courroucé que je lui lance. Il est adorable, avec sa petite tête coupable... J'aime bien le voir comme ça, à montrer un peu ce qu'il ressent. Je me radoucis, lui adresse un petit sourire pour le rassurer et reprends la bataille face à Thomas, qui fanfaronne au loin :

— Alors tu disais quoi ? Qui sait pas viser ?

— OH, LA FERME !

Je le rate de peu, ce qui le fait rire de plus belle. Bien que son comportement de gamin attardé m'agace profondément, je dois bien avouer que je m'amuse comme une folle, relâchant enfin la pression de ces dernières semaines.

Il m'inquiète un peu quand même. Vu son état de fatigue, je suis étonnée qu'il réussisse à mobiliser tant de forces, et je m'attends à ce qu'il s'écroule d'un instant à l'autre. Mais même si son regain d'énergie est feint, son sourire éclatant et son rire retentissant ne le sont pas, eux.

Soudain, Thomas rompt les lignes ennemies en se précipitant droit sur nous. Sans prévenir, il nous saute dessus, nous faisant basculer, Léo et moi, sur le dos. Son grand corps, secoué d'un fou rire, nous écrase dans la neige fraîche. Le premier moment de stupeur passé, Léo éclate de rire, et je ne tarde pas à l'imiter joyeusement.

On a l'air fins, tous les trois, tordus de rire dans la neige. Mais pour la première fois depuis longtemps, je me sens bien. Malgré le froid mordant de la neige, malgré le corps chaud de Thomas qui m'écrase de tout son poids, malgré mon épuisement d'avoir tant ri et bougé, je me sens bien.

J'inspire profondément, mobilisant chaque cellule de mon corps pour profiter de ce moment d'insouciance, qui sera de courte durée, je m'en doute bien.

Quitte à tout sacrifierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant