Chapitre 26

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Léo me regarde fixement. Je prends une grande inspiration, essayant de résumer des années de souvenirs en quelques mots maladroits :

— Ce n'est pas que je n'aime pas Thomas... Au contraire, je l'adore, mais je ne peux pas être sa... son amoureuse. Son travail est dangereux, et si j'étais son amoureuse, j'aurais tout le temps peur qu'il lui arrive quelque chose. Tu comprends ?

Étonnamment, le petit semble s'en satisfaire. Il hoche la tête lentement, comme s'il pesait les pour et les contre. Il finit par conclure cette discussion d'un :

— C'est vrai que c'est compliqué.

Je souris devant son air sérieux. Plus le temps passe, plus j'arrive à le comprendre et plus je m'attache. Il ressemble progressivement à un petit garçon « normal », et ça me rassure.


* *


Les jours qui suivent passent tranquillement, sans que Léo ne me balance à nouveau une bombe du même genre. Mais, histoire de me faire la totale, il tombe soudainement malade, juste avant le week-end. J'avais bien remarqué qu'il paraissait plus fatigué ces derniers temps mais, préoccupée par les cours, je l'avais un peu délaissé. Le comble, c'est que je m'étais plongée dans mes études justement pour avoir plus de temps à lui consacrer le week-end.

Toute la nuit, il ne fait que vomir et trembler. Le visage crispé de douleur, il se tient le ventre des deux mains, tentant de calmer ses spasmes, en vain. La fièvre n'arrange rien : entre ses mains glacées et son front brûlant, je ne sais pas quoi faire. Et plus j'essaie de prendre sur moi pour ne pas lui communiquer mon stress, plus j'angoisse. Je veille sur lui toute la nuit, essuyant son front, parfois son dos quand je change son t-shirt trempé de sueur. Je crois que c'est la pire nuit de ma vie : impossible de dormir, la peur au ventre que ce soit grave. Je ne peux pas l'emmener à l'hôpital, sans aucun papier et sans connaître son identité.

Thomas me l'a confié avec tous ses secrets, et mon instinct me dit qu'il vaut mieux que sa présence reste secrète. De toute façon, dès que je propose au petit d'aller voir le médecin, pendant mes lamentables tentatives de réconfort, il met tout ce qui lui reste de force pour m'exprimer clairement son refus.

J'écume les sites internet, notant les symptômes dans la barre de recherche, mais je ne réussis qu'à me faire encore plus peur.

Je laisse tomber Internet pour fouiller dans ma trousse à pharmacie ; j'aurais dû commencer par ça. Je fouille fébrilement, jusqu'à trouver de quoi faire baisser la fièvre et calmer ses vomissements. Je n'avais jamais ouvert une notice de ma vie, mais, de peur de me tromper dans les doses, je m'impose de lire les posologies, plissant les yeux sur les caractères minuscules.

Laissant en vrac les notices — impossible de replier correctement ces trucs — je fonce dans la cuisine et reviens avec un verre d'eau. Je le lui tends, avec les comprimés. Léo n'a pas l'air rassuré face à la taille du médicament, mais il ne s'en plaint pas, et les avale courageusement. 

Le médicament finit par faire effet : ses tremblements se calment, et il parvient enfin à dormir un peu, quelques heures, le temps que le traitement cesse d'agir. Après avoir bien vérifié les durées conseillées entre les prises, je lui redonne un médicament. Il se rendort comme une masse, et j'en profite pour enfin me reposer un peu.

Quitte à tout sacrifierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant