Chapitre 72

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Je prends Léo par la main, serrant fort. Après un dernier regard à mon appartement dévasté, le cœur serré, je l'entraîne avec moi. J'ouvre la porte, puis, me ravisant, je fais demi-tour. Je griffonne à la hâte un mot pour Marine, la rassurant et lui disant de ne pas s'inquiéter de mon absence les prochains jours. Je glisse le mot sous sa porte et descends les marches pour rejoindre Isham, qui m'attend dans sa voiture. Je monte à l'arrière, manœuvrant pour ne pas cogner mon attelle ou ma béquille contre l'armature du véhicule. Isham ne dit rien, se contentant de mettre le moteur en marche alors que je reprends enfin ma respiration.

Je ne m'étais pas rendu compte que je retenais mon souffle, mais c'est bien la première grande inspiration que je prends depuis mon retour à l'appart. Mon rythme cardiaque déraille à nouveau quand je remarque la jeune femme assise à l'avant, à côté d'Isham. Elle est belle. C'est la première chose qui me marque, avant que mon regard ne tombe sur l'éclat métallique dépassant de l'endroit où devrait se trouver sa main, en partie camouflé par un épais gant en cuir.

Je cherche le regard d'Isham dans le rétroviseur, mais il ne m'accorde pas la moindre attention. J'aimerais bien savoir qui est cette femme  qui regarde froidement droit devant elle. Soudain, elle se retourne et nos regards se croisent. Automatiquement, je tente un sourire timide, mais son visage fermé me dissuade de lancer la conversation, et je me ratatine sur mon siège. Après m'avoir scrutée de la tête au pied, elle retourne à sa position initiale sans plus m'accorder d'attention.

Finalement, même en m'éloignant de l'appart, je ne me sens pas plus rassurée. Au contraire. Mon stress augmente au fil des kilomètres à peine ponctués par les bruits de respiration. Léo doit aussi sentir la pression qui règne dans le véhicule, puisqu'il se colle davantage contre moi.

Distraitement, je lui caresse les cheveux et j'essaie de me détendre, en vain. Je n'ai aucune idée d'où nous allons, mais je n'ose même pas demander. Ni faire le moindre geste, d'ailleurs. Le traumatisme subi plus tôt a refoulé Dark Linda loin, très loin, et elle ne risque pas de revenir de sitôt.

Et puis, ils sont désormais les seuls sur qui je peux compter, donc je ne suis pas vraiment en position d'exiger grand-chose. J'essaie de ne pas paniquer. Avec un peu de chance, Isham a eu des nouvelles de Thomas. Avec un peu de chance, nous allons le rejoindre. L'espoir que fait germer cette idée me permet de me ressaisir, et je m'enfonce plus confortablement dans mon siège. Je meurs d'envie de demander, mais je ne pense pas pouvoir supporter qu'on brise le petit espoir que je m'accorde avant d'être arrivée, peu importe où nous allons.

Je m'autorise à fermer les yeux, tout en restant consciente. Au bout d'un moment, je sens la voiture ralentir. Je rouvre les yeux, pour remarquer la façade d'un vieil hôtel, en bordure du centre ville.

La jeune femme à l'avant sort et se dirige vers l'accueil, toujours sans un mot. Je profite de l'occasion pour me pencher vers Isham :

— Euh... On s'arrête là ?

— Ça me paraît évident.

Ah. Pas coopératif.

— Et on fait quoi ici ?

Silence. Je la sens mal, cette histoire, je la sens mal...

— On passe la nuit ici. Tu vas m'expliquer ce qu'il s'est passé en détail, mais, d'après ce que je sais déjà, celui qui a forcé ton appartement ne va pas se contenter de ça. Il y a de fortes chances pour qu'il nous suive. Donc, on fait profil bas.

Mon cœur se serre, me coupant la respiration. C'était donc bien un acte ciblé contre moi, ou contre Léo. Ça me fout une peur bleue. La jeune femme revient avant que j'aie le temps de me calmer et de demander à Isham qui elle est, ou encore s'il a des nouvelles de Thomas.

Elle tend à Isham deux clés. Il me donne celle de la 207.

— Tu montes avec Nassira. Dans 5 minutes, on vous rejoint, le gosse et moi.

Léo s'agrippe de toutes ses forces à mes vêtements, secouant violemment la tête de droite à gauche.

— On a pas le temps pour les caprices !

Le ton de sa voix ne laisse place à aucune négociation. À contrecœur, je décroche les mains de Léo, qui me regarde sortir de la voiture, les larmes aux yeux.

Je prends sur moi et me force à ne pas me retourner, me mordant l'intérieur des joues. La jeune femme, Nassira donc, ne ménage pas ma jambe encore prisonnière de l'attelle. Elle marche vite, ne montrant pas le moindre signe d'inquiétude de savoir si je la suis ou non.

Quitte à tout sacrifierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant