Chapitre 97

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Une semaine plus tard


La lumière qui filtre à travers les rideaux me tire lentement du sommeil. Je me lève laborieusement, essayant de ne pas me cogner dans le moindre recoin de ce nouvel appartement que je connais mal.

Tout ensommeillée, je me dirige vers la cuisine. Il me faut du café. Mais avant que j'aie le temps de m'en préparer une tasse... On sonne à la porte.


Je sursaute. Et je prends la ferme décision de ne pas bouger de la cuisine. Je n'irai pas ouvrir. Hors de question. À chaque fois, un truc de dingue me tombe dessus.

— Linda ?

À peine ai-je entendu la voix hésitante de Thomas que je suis devant la porte. Ça fait une semaine que je ne l'ai pas vu. Ni lui ni Isham. Une histoire de conseil de discipline. Mais il est là, maintenant.

J'ouvre la porte à la volée, avant de me jeter à son cou. Surpris et déstabilisé, il me serre dans ses bras tandis que nous tombons à la renverse sur le palier. Je le sens trembler sous moi, et j'ai soudain peur d'avoir appuyé sur ses blessures. Je n'ai pas réfléchi. Effarée, je me redresse pour scruter le moindre signe de douleur sur son visage. Mais quand je vois qu'en réalité, il se retient simplement de rire, un énorme poids quitte mes épaules. De soulagement, je suis prise d'un fou rire, et il ne tarde pas à m'imiter, ne tenant plus. On a l'air fins, tous les deux, tordus de rire au milieu du couloir.

Nous finissons par nous relever tant bien que mal. Je finis par me calmer, et je me rappelle que Léo dort encore dans ma chambre.

— Je vais aller réveiller Léo, il va être tellement content de te voi-

Alors que je m'apprêtais à rentrer, Thomas m'attrape doucement le bras pour me forcer à me retourner vers lui. Je m'apprête à riposter, mais l'intensité de son regard me coupe net. Je reste figée tandis qu'il se rapproche encore. Je reste figée quand il pose sa main sur ma joue, puis la fait glisser dans mes cheveux, jusque dans ma nuque. Son autre bras vient m'enlacer la taille, et il approche son visage du mien, si près que je sens son souffle sur mes lèvres.

Je sais qu'il ne fera rien de plus. Il me l'a promis. Il me laisse le choix.

Comme si je l'avais, le choix ! Le sentir si proche me fait tourner la tête, et je n'arrive plus à réfléchir rationnellement. Tout ce qui me vient à l'esprit, c'est combien j'ai eu peur de le perdre, combien il m'a manqué. Combien ma vie serait vide sans lui. Une petite voix me chuchote malgré tout combien ce sera douloureux, d'aimer encore quelqu'un. Sauf que c'est trop tard. Je comble la distance qui nous sépare et je pose mes lèvres sur les siennes.

Je le sens sourire, avant qu'il n'approfondisse le baiser. Il me serre plus fort, et j'en profite pour passer mes mains dans son dos et m'agripper à son t-shirt.

C'est le bruit de petits pas se précipitant vers nous qui réussit à nous séparer. Léo, en larmes, nous saute dessus. J'en avais oublié de le réveiller. Tout heureux de retrouver Thomas, il se blottit contre lui. Attendrie, je mets un moment à remarquer qu'un de mes voisins vient d'apparaître en haut de l'escalier, et nous dévisage bizarrement. Thomas le voit à son tour, et se fige. Léo aussi. Un malaise s'installe, brisé par le voisin qui s'enferme chez lui à double tour. Il n'en faut pas plus pour nous faire éclater de rire, encore.

Nous rentrons finalement dans l'appartement. Je me prépare enfin mon café, ainsi que deux chocolats chauds pour Thomas et Léo. Je glisse un regard vers Thomas. Il va mieux. Il est encore un peu maigre, encore un peu faible, encore un peu écorché, mais il va mieux. Ses yeux ont retrouvé leur éclat. Surtout quand il me regarde, mais j'essaie de l'ignorer avant de finir rouge écrevisse.

J'essaie de mettre de côté ce qu'il vient de se passer. Je ne sais pas encore quoi en penser, et il va me falloir un peu de temps. Un regard à Thomas suffit pour lui faire comprendre mes sentiments contradictoires. Il me sourit d'un air entendu, et s'efforce d'avoir une attitude aussi naturelle que d'habitude.

Une fois que nous sommes confortablement installés à la table de la cuisine, je pose la question qui me brûle les lèvres depuis un moment :

— Alors ? Ils ont dit quoi, à ton conseil de discipline ?

Thomas se fige. Il devait s'y attendre, non ? Je me suis inquiétée, moi. Et je m'inquiète encore. Je suis terrifiée, même. À l'idée d'avoir aggravé son cas, à l'idée qu'il ne puisse plus faire ce qu'il aime. Je suis terrifiée à l'idée qu'il soit puni pour avoir protégé un enfant. Ce serait absurde. 

Il pousse un long soupir avant d'enfin me regarder dans les yeux. Les siens brillent. De joie.

— Tout va bien. J'ai seulement pris une semaine de suspension et un blâme, avec sursis de six mois. Si je ne fais rien de stupide d'ici là, ça n'apparaîtra pas dans mon dossier. J'ai eu vachement de chance, ça aurait pu être bien pire. Le fait que tout ce soit bien fini a dû aider. Et puis, jusque là, je me suis toujours bien conduit, ils ont peut-être été indulgents.

Je ne pensais pas être si soulagée. Mais...

— Et Isham ??

— Rien de grave pour lui non plus : un blâme avec sursis de trois mois, et vingt jours d'arrêt. C'està-dire qu'il effectue son service normalement, mais est interdit de sortie. Je lui en dois une, pour ce coup-là. Oh, et Nassira est réintégrée : malgré l'offre du colonel de ne pas l'impliquer, Isham a plaidé en sa faveur, et après un test de performances physiques, ils ont choisi de la faire revenir. C'était la première fois que je la voyais sourire autant...

Bon sang, ce que je me sens mieux. J'ai l'impression d'enfin respirer. Ne reste qu'une ombre au tableau, et pas des moindres :

— Et... Pour Léo ?

Thomas perd son sourire, et Léo s'immobilise, attendant tout autant que moi de savoir ce qu'il va advenir de lui. Après une attente interminable, Thomas reprend :

— Je n'en sais rien. Mais le colonel veut nous voir dès que possible.

— Alors on y va. Maintenant.

Quitte à tout sacrifierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant