Au domaine d'amour

rétrospective (16)

Des questions m'assaillent l'esprit depuis une heure. Pourtant je dois trouver le sommeil ! Demain c'est jeudi et je travaille. Est-ce que Loïs m'aime vraiment malgré la rumeur qui la poursuit ? Fais-je partie des personnes avec lesquelles elle s'amuse et prend du bon temps comme Barth et les autres ? Elle était triste cause de l'accident de son amie et cherchait donc du réconfort, mais c'est à ce moment là qu'elle m'a embrassé... Je veux bien admettre que dans les mauvaises passes on se sente dépassé par tout, et qu'on fasse parfois des choses qu'on regrette après... Regrette t-elle ? Il faut que je dorme. Je lui parlerai demain pour élucider tout ça.

10h15, vignes

Je n'ai pas pu voir Loïs ce matin. D'après sa mère, elle est auprès de son amie à l'hôpital. Résultat, je ne suis pas concentrée du tout. Je pense à ce que je dois dire et à ce qu'elle pourrait répondre. J'ai peur, car j'en suis arrivée à deux scénarios... Le premier suit sa rumeur, si ce n'est qu'une petite égoïste qui s'amuse avec les gens, elle va me mépriser pour lui avoir mis un coup à sa fierté. Mais si son acte traduit les sentiments de son cœur, elle va rester loin de moi car je l'ai blessée.

- On va au lac ce soir ? propose Aymée quand on arrive au bout de la rangée.

- Carrément ! s'exclame Diego.

- Euh moi je ne sais pas si je pourrai venir... interviens-je.

Aymée fait volte-face vers moi.

- Pourquoi donc ? demande t-elle.

- Je suis pas trop d'humeur... je me reposerai sûrement en rentrant. expliqué-je.

- Quel meilleur endroit qu'une plage pour se reposer ? tente Tom.

Je souris puis me remets au boulot. Vous savez ce qui est pire que de s'imaginer comment votre crush pourrait réagir en vous revoyant après que vous l'ayez repoussée ? Réponse : se prendre des toiles d'araignée dans la tête, puis se demander ou se trouve cette fichue araignée !!! Je vous explique. Entre les rangées de vigne, les araignées aiment bien faire leurs toiles. Et les malheureux comme nous, qui devons nous plier en deux pour effeuiller, on a la tête pile à la hauteur de leurs pièges. Comme notre attention se porte sur les raisins, on ne les voit pas, on les sent juste, une fois que c'est trop tard, dans nos cheveux et sur notre visage. Heureusement ça n'arrive pas si souvent... Et après on se demande où est passée la responsable alors on se débat et on se frotte comme des chiens recouverts de miel.

12h58, cour du domaine

Je jette des regards désespérés en direction de la villa tout en m'approchant du camion. Je n'ai toujours pas revu Loïs... Je monte dans l'engin qui m'emmène vers une après-midi encore remplie de questions et de scénarios qui font vibrer mon cœur et tourmentent mon esprit.

- Maelle, y'a un truc qui va pas ? m'interroge Aymée.

- Pourquoi tu dis ça ?

- Tu ne parles pas depuis ce matin...

Je ne peux pas vraiment lui confier ce qu'il se passe dans ma tête. Alors je dois mentir :

- La fac me fait stresser.

- Oh mais tu n'as pas à t'en faire poulette ! T'es brillante, tu vas y arriver ! Et puis ton pote sera avec toi nan ?

- Oui mais bon...

La sonnerie retentit. Alors on monte tous dans le camion. Je n'ai plus vraiment de douleurs dans le dos, je me suis bien habituée aux efforts de ce travail. Aymée me passe un myster freeze, que j'engloutis d'une traite. Une fois arrivés au domaine, je saute du camion et me réfugie dans ma chambre. Je prends une douche puis me prépare à la salle de bain. J'ai expliqué à la tribus que s'ils voulaient vraiment m'emmener au lac, il fallait qu'on parte vers 18h30. Je dois absolument voir Loïs et être fixée. Une fois que je suis prête, je vais toquer à la villa. Heureusement, personne n'est dans les parages. C'est Antoine qui m'ouvre.

- Je dois voir Loïs,elle est là ?

- Pourquoi ?

Je le considère un instant, me demandant s'il est con ou relou.

- Je dois la voir,répété-je.

- Elle est dans sa chambre. marmonne t-il.

Je me précipite de rentrer et commence à monter les marches. Mais Antoine m'attrape le bras.

- Ça te dit qu'on aille boire un verre dans le jardin quand tu redescendras ? me propose t-il avec un ton plus chaleureux.

La rumeur sur lui doit dire vrai...

- Je vais au lac avec les autres, désolée.

Ni une, ni deux, je fonce jusqu'à la chambre de Loïs. Je toque puis entre. A ce stade là,je n'ai pas la patience d'attendre qu'elle m'invite à entrer. Je la trouve assise sur le lit, dos à moi. Je me doute qu'elle sait que c'est moi qui viens d'entrer puisqu'elle ne bouge pas. Elle fixe le sol, attendant que je parle. Or je fais tout autre chose. Je monte sur son lit et marche à genou jusqu'à elle, puis je viens l'enlacer par derrière. Je la sens retenir sa respiration. Pendant quelques minutes aucune de nous deux ne bouge,on doit considérer chacune le pour et le contre de nos actes. Puis Loïs finit par se lever et me regarder. Ses yeux ne laissent paraître aucune émotion, ça m'embête...

- Je dois rejoindre despotes. dit-elle seulement.

- Comment va ton amie ?

- Elle est toujours dans le coma...

Je me mets debout et lui fais face. Je dois lui dire les milliers de mots qui se bousculaient dans ma tête depuis hier soir. Mais je ne sais pas comment formuler mes phrases. Loïs enlève le t-shirt adidas qu'elle portait pour mettre une chemise aux manches coupées.

- J'y vais. lance t-elle en attrapant un sac.

Loïs s'arrête devant moi. Ses iris se plantent dans mes yeux. Je l'admire : son nez est fin, ses lèvres roses claires ont l'air tellement douces, sa mâchoire est légèrement carrée, elle a deux trois tâches de rousseurs et petits boutons mais ça ne l'empêche pas d'être magnifique. Je la vois s'approcher de mon visage, puis elle dépose un bisou sur ma joue avant de partir. Je reste plantée dans sa chambre, avec un sentiment de remord dans les entrailles. Je ne suis toujours pas fixée ni rassasiée...