Chapitre Vingt-et-Un

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L'ébène nuyteux absorbait l'éclat de la lune vampirisée alors que les branches cédaient sous la pression ambiante. Des rafales, à gauche, à droite. Des vents ascendant, la forêt s'élevait, puis se couchait sous la force des vents descendant. La météo griffait le paysage.

Xiev, suant de grosses gouttes, gémissait.

Une immense île, torturée de monts et de récifs, lui apparaissait. L'obscurité la disloquait, modulant sa forme originale, elle finit par ressembler à un rectangle, fin et allongé verticalement et blanc. Du néant de la nuit, le monolithe de pierre blanche dressé au centre des cascades de sang transparaissait, seul.

- Je suis le Crépuscule. Entend à nouveau, mais pour la dernière fois, ma voie. Touchant l'été du Soleil et la nuit du Don, sert d'éclipse aux continents. Ainsi, l'ellipse de ton passage sera aveuglant.

Successivement : pluie; monolithe; pierres; eau rouge; bruit de cascades; rayon lumineux. Sous ce rayon éclatant rétines et obscurité, un sac et une chaise.

Emergeant de son ambigu sommeil, Xiev se redressa d'un coup, ses paumes moites contre son matelas de paille humide. Personne n'était dans la tente, seul la lumière énergisante d'une jeune matinée accompagna son retour dans le monde réel.

- Bon sang... Qu'est-ce que c'était ?

///

Les réfugiés étaient tous au centre du vieux village transformé en campement. Sur la place pavé, des couvertures faisaient offices de tables de fortunes où des centaines de personnes mangeaient toutes ensemble. Xiev repéra Nulthag et les autres éclairés, il se dépêcha de prendre un bol de soupe – et quelle soupe ! – avant de s'asseoir près d'eux. La journée, fraîche, humide et douce décrivait Crépuscule comme l'île le méritait. La nature, toute autour d'eux; des plaines de prairies vertes aux bois; des bois aux bosquets; des bosquets aux jungles caressant les montagnes protectrice de l'île, toute la nature vivait comme rien sur Divinia ne vivait. Les parfums s'alliaient à la verdoyante effluve de saveur. Que ces saveurs soient émise par la nature ou la soupe, elles n'étaient en aucun cas en opposition, au contraire, c'est dans un alliage de joie et de sons qu'elles fusionnaient et se sublimaient chacune.

-Tout comme chez Arän, j'ai pu remarquer que tu as un sommeil suprêmement lourd. Rien ne te dérange donc?, taquina R'ren.

-Il y a des raisons bien précises à ce sommeil lourd. Des raisons que je ne peux pas partager pour le moment, mais, vous les saurez assez tôt.

Nulthag acquiesçait la réponse de Xiev, il approuvait le ton réservé du garçon, prouvant le doute mais surtout la réflexion du jeune homme.

-Si tu dois te taire, moi, je dois te parler. Retrouve-moi près du cerisier mauve après manger.

Nulthag parti, les laissant seuls. Xiev appréciait de plus en plus cet homme qu'il avait tant haïs par le passé. Tout n'est pas de la faute de ceux qui font des erreurs. Il n'a pas eu confiance en Orion, mais cela ne change pas qu'il est juste. Alors qu'il pensait à Nulthag, Xiev finit sa soupe et salua ses amis.

-Vas où tu veux jusqu'à la tombée du Soleil mais sois ici pour la soirée.

-Pas de problème, Aurore. J'y serais même avant toi !, Répondit-il d'un clin d'œil, s'en allant à reculons.

A l'ouest du campement, un chemin de terre montait une petite colline, et au bout de cette colline, un cerisier au tronc épais et aux feuilles mauves. Au niveau des racines noueuses de l'arbre, un rocher, plat et taillé comme un vaste siège au dessus du vide culminé par la colline, amena Xiev jusqu'à Nulthag. S'approchant, dégourdi de sa longue nuit par les pétales violettes pâle gorgées de rosée, il vit un éveillé qu'il ne connaissait pas encore au côté de son ami. Celui-ci se leva prestement et s'inclina devant Xiev.

-Je suis Ire, c'est un honneur d'enfin te rencontrer. Tu n'imagines pas à quel point j'ai pu attendre et redouter ce moment !

Ire ? Le frère de Tobius ..? Que me veut-il ..!

-Tuer tes frères n'a jamais été ce que je recherchais. Ire, je ne suis à aucun moment désolé d'avoir tué ta famille pour protéger les miens de leur injustice. Mais, derrière cette honnêteté, je souhaite que tu me pardonnes.

Son visage s'assombri mais n'exprima rien, il se tourna vers les plaines et tendit sa main à Xiev.

-Il est trop tard pour pleurer ceux qui sont déjà mort. L'important est de ne pas tuer ceux qui ne le méritent pas, il sourit. Viens, assis-toi.

-Tu es ici pour que je te parle de qui tu es, amorça Nulthag. Pour que je te dise ce qu'a voulu dire Orion à sa mort. Ses derniers mots.

-...

-Deux amis à moi, Sius et Mnémé. Le premier était un éveillé et la seconde une éclairée. Alors que Mnémé conduisait une expédition d'élite sur Crépuscule pour prendre Veritas, l'expédition rencontra un obstacle de taille : une embuscade dirigée par Sius. Pour les éveillés, Sius était un Parfumeur exceptionnel. Sa façon de donner et d'imaginer de nouvelles senteurs et idées aux nôtres était unique. En tant que tel, il aborda l'expédition non pas par une attaque, mais par un fabuleux dialogue. C'est par le verbe qu'il s'avança au milieu des ennemis et toisa leur cheffe. Cette conversation, de par ses faits et son importance, est à jamais ineffable ! Personne ne pourra oser défier leurs paroles, puisqu'elles sont, elles seules, à l'origine d'une prophétie ancestrâle. Ce qu'il en ressorti, c'est que, contrairement à ce que Kurios disait, nous n'étions pas ces monstres de sangores mystifiés. L'expédition passa un long séjour sur Crépuscule, de par des dissensions interne, un grand nombre d'entre eux se sont entretué. Trois quart d'année après leur arrivé, ils étaient de vrais alliés, de vrais amis. Et lorsque Mnémé accoucha du fils de Sius, chacun su qu'une nouvelle ère s'annonçait. Mi-eveillé mi-éclairé, il aurait dû être entouré des siens. En réalité, personne ne voulait que cette parenthèse enchantée ne s'abîmât. Malheureusement, un groupe dissident adhérant à Kurios fît une attaque meurtrière. Des alliés moururent, des familles brûlèrent, je... Et nous fuîmes en Divinia, derrière le Bois, zone trop sinistre pour le Soleil. Nous avons tous beaucoup perdu à ce moment là. Beaucoup...

-Que sont devenu ceux qui n'ont pu fuir ? Sius et Mnémé ? Plus personne n'a habité Crépuscule depuis?

-La totalité de notre peuple eu fui, sauf quelques membres têtu ne voulant abandonner nos ancêtre. Ce sont eux qui ont entretenu ce cercle pavé et ses quelques chaumière utiles pour les blessés. Les retrouvailles sont plus que tu n'imagines. Cette nouvelle migration de notre peuple va être décisive. Sius et Mnémé ont protégé l'enfant comme ils le purent. Cependant, il fallut les séparer. Sius et Mnémé commençaient à se faire un nom à travers les autres groupe d'expédition éclairés que nous avions laissé à l'écart jusqu'à ce moment. Ils étaient devenu la nouvelle cible, plus même que Veritas. Les alliés savaient qu'ils devraient retourner à Divinia, ils ne pouvaient plus rester avec nous. Cependant, si Nirvanium apprenait qu'ils eurent des rapports tels que ceux qu'ils ont eux avec notre peuple, il les tuerait sans hésiter. Nous mirent en scène de quoi tromper les autres groupes, et chacun pût, une fois Veritas inatteignable et l'expédition à son terme, rentrer chez lui. Certains éveillés décidèrent de suivre les alliés dans leur retour, et de devenir des espions au service de notre cause : la libération des peuples du joug de Kurios. Arän et moi avions la tâche la plus grande, celle d'accompagner l'enfant en Divinia et de le laisser à la bonne place. C'est nous qui, il y a vingt-trois ans, t'avons déposé aux portes de Forgécaille.

L'Ordre de la Pénombre : Eclipse ou L'HorizonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant