Chapitre Onze

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Nous restons là toute la nuit. Confortablement installée sur les genoux ce Leo, j'oublie tout. Nous regardons la lune, isolés du monde, assis sur ce haut plateau de pierre.

J'oublie vraiment tout. Au point que quand l'aube se lève, je ne fais pas le lien avec le fait que je suis censée être chez moi, dans mon lit, à cette heure-ci.

Mon téléphone sonne. C'est la sonnerie dédiée à mes parents. Je suis tentée de jeter mon téléphone dans la cascade qui dévale la falaise devant nous. Je ne veux pas quitter ce lieu magique.

Mais Leo est plus réaliste que moi. Il décroche et me colle le micro contre la joue.

- Iris ? Où es-tu ? Ton lit est vide !

Je ressens la panique de ma mère. Puis j'entends mon père crier derrière :

- Demande lui si elle est dans le lit d'un garçon. Si c'est le cas, chope moi l'adresse que je me charge de lui casser les dents.

- Papa... Je t'entends. Je suis dehors, je suis sortie me promener, je me suis réveillée trop tôt et je n'arrivais plus à dormir. Je ne suis pas loin. Je rentre tout de suite.

Je raccroche avant qu'ils ne répondent. Je suis à 30 minutes de chez moi à vol de chauve-souris géante. En me dépêchant, je pourrais peut-être réduire le temps de moitié. Mais cela resterait tout de même trop long. Je ne sais pas encore à quel point je peux pousser sur mes capacités... Un vampire, ça peut aller à quelle vitesse ?

Pourquoi existe-t-il un monde en dehors de notre bulle à nous ? J'aurais tant aimé rester ici... Au moins une éternité ou deux.

Je veux tout abandonner, tout laisser tomber. De toute manière, je suis morte. Qu'est-ce que cela changerait ? Mon destin est scellé. Je suis une vampire. À quoi bon prétendre le contraire et persévérer les apparences ?

Leo a probablement le pouvoir de lire mes pensées au vu du regard qu'il me jette. C'est un non sans appel. Lui ne veut pas abandonner. Il aime trop la vie pour ça.

Moi, je m'en fous. Ça n'a plus d'importance. Ma vie est finie. Je l'ai compris. Je ne crois pas qu'être une créature de l'Ombre s'apparente à une autre forme de vie. Je ne suis pas de ceux qui pensent que c'est une autre façon d'exister. Non. Moi, je suis de ceux qui sont convaincus que ce n'est qu'une malédiction. Et aujourd'hui, alors que j'ai pleinement accepté ma condition, la seule chose qui m'empêche de chercher - et de trouver - un moyen de mettre fin à mes jours, c'est Leo.

Je resterai. Pour lui.

- J'ai une idée, lance Léo.

Il change bien évidemment de sujet. Car il sait ce que j'ai en tête.

- Téléporte-toi ! Tu pourrais aller dans la fontaine de la rue des Lilas. Elle n'est qu'à quelques pas de chez toi. Tu n'auras qu'à te sécher avec tes pouvoirs pour parfaire l'illusion.

- Je ne sais pas me téléporter. Et puis quel est le rapport avec la fontaine ?

Je suis maussade. Je suis triste et ça le blesse. Décidément, il a vraiment choisi la mauvaise âme sœur. Je n'arrêterai pas de le peiner. Mais je suis incapable de me forcer à être heureuse.

- La téléportation fonctionne avec l'eau, explique-t-il, toujours en souriant malgré la lueur triste dans son regard. Tu sautes d'un point d'eau à un autre. Par exemple du bassin là en bas, à la fontaine de la rue des Lilas.

Je fronce les sourcils. Il a réussi à capter mon attention. Pourtant, je sens que cette histoire ne va pas me plaire...

- Et comment je fais, une fois dans l'eau ?

- Tu sais à quel point l'instinct est important pour les créatures de l'ombre ? Il te guidera.

- Qu'est-ce que...

- Ne m'en veux pas, me coupe-t-il.

Je veux lui demander pourquoi je devrai lui en vouloir.... Quand il me pousse du haut de la cascade. Sur le coup, je suis effrayée et je crie. (Vous feriez quoi à ma place ? Ok ça va, je sais, vous vous êtes humain et moi vampire : contrairement à vous, cette expérience n'est pas censée me tuer. Mais ça fait flipper quand même ! Et j'ai encore de vieux réflexes humains qui ne semblent pas vouloir s'en aller.)

Peu avant d'entrer dans l'eau, je comprends : les situations extrêmes mettent l'instinct en action plus facilement. Leo a essayé de m'aider à activer cet instinct... En me jetant de la cascade... Sympa.

Sans trop savoir comment, je me retrouve assise dans la fontaine de la rue des Lilas. Je me lève, me sèche en express, et cours vers ma maison.



Une demi-heure plus tard, je me dirige vers le lycée. Je rentre dans le bâtiment et vais à mon casier. Je commence à remplir mon sac avec des manuels en tout genre quand je sens deux bras fort enlacer ma taille.

- Comment va la reine ce matin ?

- Elle se remet de sa chute de dix mètres. Et le roi ?

- Comment pourrais-je aller mal ? Ça fait 8 ans que j'attends ces instants !

- Je n'arrive toujours pas à croire que tu te sois accroché à moi comme ça. Et moi qui n'ai rien vu !

- Je ne t'ai rien dit non plus : ne t'en veux pas.

Un silence agréable s'installe.

- Comment fais-tu ? Je lui demande soudainement.

- Comment je fais quoi ?

- Comment fais-tu pour être heureux ? Je précise.

Leo ne répond pas et je me retourne pour le regarder. Il a un air pensif qui lui va bien. Je passe distraitement mes doigts le long de sa mâchoire, l'admirant.

- C'est naturel pour moi, dit-il enfin. Je suis un éternel optimiste. Je veux voir la vie du bon côté. Certains diront que c'est de la naïveté. Peut-être qu'ils ont raison. Je suis devenu un lycan malgré moi, maintenant, je tire partie au maximum de cette condition. Je ne peux rien y changer de toute manière. Alors autant en profiter.

Sa réponse ne m'aide pas vraiment.

- Je sais que c'est compliqué pour toi, que tu as du mal à concevoir les choses sous cet angle. Mais je t'en prie, fais-moi confiance : tu as encore bien des choses à vivre. Pour le moment, on va rester ici, le temps que tu apprennes à maîtriser ta nouvelle nature. Ensuite, je te jure, on voyagera. Et je te redonnerai le sourire. Explorer le monde en étant une créature de l'Ombre, je t'assure que ça vaut le coup.

Je hoche la tête. Je ne suis pas convaincue par sa description de ce qui m'attend. Le bonheur... Mais je lui fais confiance.

Moi, OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant