Chapitre Trente

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Le tunnel est à présent assez haut pour que Leo se tienne debout sans se courber. En largeur, il  permettrait même à deux lycans de se croiser sans encombre !

Ekleandre a gardé les yeux écarquillés un moment, puis a grommelé que quand ça se saurait, le tunnel ne bénéficiera plus jamais de la même discrétion. Bientôt le secret de l'agrandissement du passage s'ébruiterait et il serait bien plus dangereux de l'emprunter. 

D'autres passages secrets menaient à l'intérieur de la ville mais il n'était pas toujours facile d'obtenir le droit de passage. Et celui-ci, qui lui était facilement accessible, était à présent condamné. Le côté étroit, impraticable, avait toujours découragé la plupart des gens de l'utiliser mais après mon intervention ce n'était plus vraiment un problème... 

Puis notre guide a éclaté de rire :

- Si seulement les nains voyaient ce que tu as fait de leur tunnel, Iris... Ah Votre Majesté j'espère que nos routes se recroiseront, la vie est tellement différente auprès de la Reine.

- En quoi est-ce différent ?

- Rien n'arrête la Reine. Tandis que nous autres, même les plus forts, nous sommes constamment en proie au danger. C'est agréable de ne plus avoir à se soucier de tout...

Avant que je puisse répondre il annonce :

- Nous sommes arrivés.

La seconde moitié du trajet a été beaucoup plus rapide que la première étant donné que nous n'avions plus à nous faire le plus petit possible. Leo a même couru un peu pour se dégourdir les muscles.

La sortie est en tout point semblable à l'entrée. Ekleandre use de ses pouvoirs de télékinésie pour soulever la trappe qui se trouve loin au dessus de nos têtes. Puis, d'un saut souple, il a rejoint la surface. Un seul bond vertical de plusieurs mètres. 

J'inspire profondément, avec la peur de ne pas réussir à en faire de même.

Notre guide nous annonce que la voie est libre et Leo m'encourage à m'élancer.

Je plie les jambes puis me propulse à l'aide de mes muscles dopés par l'Ombre. Je passe le conduit vers la surface à une vitesse hallucinante et atterris tant bien que mal sur un plancher usé. J'ignore comment j'ai su mettre exactement la puissance qu'il fallait pour parvenir à faire un saut de la bonne hauteur alors que j'ignore combien mesure cette sortie et que je ne suis pas habituée à utiliser cette force physique hors norme. 

Ekleandre me tire juste à temps pour que je laisse la place à Leo qui semble bien plus habitué à effectuer ce genre d'action. (Après tout, il a quelques années d'expérience d'avance...)

Il passe sa main autour de ma taille et lève légèrement la tête. Il est en train d'analyser notre nouvel environnement... Je sais qu'il utilise actuellement son odorat hyper développé pour se renseigner.

Nous nous trouvons dans une espèce de réserve. Le genre d'endroit où on entrepose les produits ménagers ou le bordel qu'on ne veut plus voir. Sauf que ces quelques mètres carrés sont complètement vides. 

Je n'ai pas le temps de demander à Leo ce qu'il perçoit que notre guide fait glisser un pan du mur et nous débouchons dans un couloir. Tout est sale, mal entretenu. Les planches du parquet sont déformés et grinces. C'est humide et il y a de la moisissure apparente sur la tapisserie. C'est vieillot et délabré. 

Lorsque j'aperçois de la lumière au bout du couloir, je réalise que nous étions jusqu'à présent totalement plongés dans le noir. Je me retourne brusquement, cherchant à comprendre : il devait forcément y avoir de la lumière dans le tunnel... Mais je repasse en boucle notre marche et je suis forcée d'admettre qu'il n'y avait pas la moindre lueur là dessous. Et pourtant, je voyais parfaitement. 

De quelle capacité l'Ombre dote-t-elle encore ses créatures ? 

Ekleandre continue d'avancer. Il n'hésite pas, il connait le chemin. Il traverse le rideau de fils ornés de perles suspendus à l'encadrement de porte au bout du couloir puis tourne à gauche. On voit bien qu'il connait les lieux. La lumière provient de là bas. Je jette un coup d'oeil derrière moi et j'aperçois, plongé dans l'obscurité, un escalier en bois menant à l'étage. Ce couloir semble relier les escaliers à l'endroit où Ekleandre est allé. Mais il sert également de sortie au passage secret... Je me demande si d'autres ouvertures sont ainsi dissimulés dans les murs car une fois que la paroi par laquelle nous sommes sortis à nouveau en place, il est impossible de deviner l'existence du cagibis où se trouve la trappe. D'autres portes sont-elles camouflées ? Ou ce couloir est-il (presque) aussi vide qu'il y parait ?

Un vent inexplicable et glacial, chargé d'une odeur nauséabonde, se lève. Il provient des escaliers que je fixe toujours... 

Cet endroit commence à m'effrayer. Je me retourne avec précipitation et attrape la main de Leo pour nous sortir le plus vite possible de ce couloir. 

Nous passons le rideau de perles et la lumière nous inonde. 

Moi, OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant