- Il faut se remettre en route.
À peine Leo a-t-il donné sa conclusion qu'Ekleandre s'accroupit devant nous pour nous demander de poursuivre notre chemin : l'aube s'est levée.
Je n'ai pas le temps de réagir. Je regarde mon petit ami, un peu sonnée. Il a les larmes aux yeux mais se les essuie vite et se relève. Je le suis.
À défaut de pouvoir le réconforter avec des mots, je lui prends la main. Sa séparation avec sa famille le pèse encore bien plus qu'à moi. Je me fais la promesse de les réunir à nouveau. Si je suis vraiment aussi importante qu'on le prétend, ça ne devrait pas être trop compliqué. J'attendrai que notre situation se stabilise puis je ramènerai Leo auprès des siens, au moins pour qu'il les serre encore une fois dans ses bras et leur dise correctement au revoir.
Je maudis l'Ombre ! Peu importe ce que c'est ! Peu importe si c'est plus fort que moi ! C'est une destructrice de vie. Je n'y tiens plus et fonds en larmes.
Leo me rattrape dans ses bras et me serre fort - presque trop. C'est à lui de pleurer, pas à moi ! Je culpabilise mais je n'arrive pas à supporter l'idée qu'il souffre. Je l'aime et sa douleur résonne en moi. Mais je devrais être forte pour lui. J'en suis incapable, je suis la pire âme soeur qui soit...
Ombre est bien cruelle de l'avoir brisé. Moi, je peux comprendre. Mais lui ? Il mérite de vivre dans la lumière. Comment ce monde peut-il être injuste à ce point ?
Je pleure notre impuissance.
Lui aussi.
La tête calée sous son menton, je ne le vois pas verser ses larmes. Mais je sens sa respiration se hacher et des gouttes d'eau tomber sur le sommet de mon crâne.
Ekleandre nous regarde, le même chagrin au fond des yeux. Nous nous épanchons un moment sur notre destin malheureux car aucun de nous n'a choisi cette voie.
Lorsque nous sommes enfin prêts, nous repartons.
Nous traversons la forêt en silence. Au bout d'une demi-heure, je commence à percevoir le mur qui dissimule la ville aux yeux des humains. Un sort d'illusion très, très puissant... Mes yeux transformés par l'Ombre voient l'impénétrable palissade titanesque et la force qui s'en dégage me fais sentir minuscule.
Nous longeons l'extérieur, sans doute vers le passage secret. Notre guide nous assure que nous ne sommes plus très loin.
Soudain des individus encapuchonnés surgissent de nulle part.
C'est une blague ?! En plus de les rendre imperceptibles, leur cape leur permettent de survivre sous le soleil ! (C'est de l'abus ! Comment des habits peuvent être aussi puissant ? Je connais le pouvoir immense que le style vestimentaire peut avoir, mais là, c'est quand même de l'abus !)
Un vampire que je n'ai encore jamais vu s'avance. Je comprends tout de suite au vu de l'attitude des autres que c'est lui : le Comte.
- Iris, mon enfant... Je te rencontre enfin.
Je me mets en position défensive. Je ne sais pas trop comment je m'y suis prise la dernière fois mais je devrais pouvoir reproduire mon attaque, non ?
L'instinct, l'instinct, l'instinct... Il faut que je me fie à mon instinct. En bonne créature de l'Ombre, l'instinct devrait me débloquer le je-ne-sais-trop-quoi qui nous a sauvé la mise la dernière fois.
- Il semblerait que tu ais donné du fil à retordre aux autres petits mais ne t'en fais pas, tu n'as pas à t'en vouloir. Tu es un peu égarée mais au manoir nous te remettrons sur le droit chemin. Viens.
Il se prend pour qui ?
C'est mon caractère à l'état pur qui ressort alors immédiatement. Je cesse de réfléchir, me redresse en prenant une posture de meneuse.
- Non.
Mon ton est sans appel. Jamais je ne deviendrais son esclave.
- JE SUIS TON COMTE ! LE CHEF DE TA VOLÉE ! OBÉIS !
Bah dis donc c'est qu'il aime pas qu'on conteste son autorité le vieux. Un sourire vicieux étire mes lèvres. Tant que je ne lui ai pas offert mon sang de mon plein gré, mon allégeance envers lui ne sera pas scellée. Oh, évidemment puisqu'il est le chef de la volée qui m'a transformée, les ondes qu'il dégage m'attirent. Mais elles ne sont pas irrésistibles. Surtout pour moi qui ai en horreur d'être soumise à une quelconque autorité.
Je m'avance en plein soleil et je déploie mes ailes ainsi que mes canines allongées. Ils n'ont pas l'air si étonné de ne pas me voir brûler, mais je vois un éclair de crainte passer dans le regard des plus jeunes. Oui, craignez-moi. Craignez-moi de tout votre être, misérables créatures.
Je perds pied une nouvelle fois. Ce n'est plus vraiment moi aux commandes mais je m'amuse comme une folle. Je sais que je vais les battre. Je ne sais pas comment. Mais je sais que je suis infiniment plus forte.
Je déploie une aura qui a pour seul but de les soumettre. Ils s'échouent tous à genoux, les uns après les autres. Le Compe résiste un temps car il a sous son règne une volée puissante. Mais d'une pulsion, je le force à se jeter face contre terre.
- Je suis votre Reine. Vous me devez obéissance. Jamais vous n'exercerez le moindre pouvoir sur moi.
Ils se tordent de douleur dans l'herbe. Je m'approche du Comte et soulève délicatement sa capuche. Il hurle de douleur quand le soleil lui brûle la joue. Je laisse retomber le tissu après m'être assurée qu'il en gardera une cicatrice.
- FOUTTEZ-MOI LE CAMP !
Je fais disparaître mon aura et les laisse s'enfuir. Ils s'envolent tous précipitamment et s'éloignent à une vitesse record.
Puis tout devient noir. Je sens mes genoux heurter le sol puis deux bras forts qui me retiennent.
- Iris ! Putain Iris nous refait pas le coup !
J'essaie de m'accrocher à cette voix. L'énergie fabuleuse qui m'a habitée semble refluer, mais ne disparait pas complètement. Elle ne veut pas laisser vide le poste de commande. Elle me pousse en avant, me sortant de ma place d'observatrice. Tout est confus. Je ne sais plus trop qui je suis, où s'arrête mon « moi ». Je suis poussée en avant, poussée vers la prise de pouvoir de mon corps, poussée vers cette voix.
J'inspire soudainement une grande bouffée d'air, même pas consciente que j'avais arrêté de respirer. Ma respiration se calme rapidement pour se faire à nouveau imperceptible (je n'ai pas besoin d'absorber de l'oxygène comme une humaine).
Je ressers ma prise sur les poignets de la voix. Sur les poignets de Leo. Oui, Leo est là. Je puise ma force dans ce contact avec mon âme soeur. L'énergie ténébreuse qui me donne autant de force disparait complètement de ma zone de perception dans mon esprit. Mais je pourrais jurer qu'elle est toujours là, quelque part, en moi.
Ma vue est toujours brouillée mais revient peu à peu. J'aperçois du coin de l'oeil Ekleandre. Ou plutôt ses pieds et la pointe de ses neufs queues parfaitement immobiles, signe qu'il est sur le qui-vive.
Je relève doucement la tête :
- Bordel mais qu'est-ce qu'il s'est encore passé ?
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Moi, Ombre
ParanormalLe monde de l'Ombre. Toute une civilisation cachée sur la même planète que les humains. Les créatures surnaturelles que l'on croit imaginaires ont leur propre société. Un lieu où règne cruellement la loi du plus fort. Iris n'a que 17 ans. Elle vient...