Deux mois. Ça fait deux mois que je suis une vampire.
Je fixe le verre que Leo me tend pour l'occasion. Il sourit, comme toujours, et essaie de me communiquer sa bonne humeur. Et comme toujours, je le blesse en esquissant une grimace.
Je n'arrive décidément pas à me réjouir d'un tel évènement. Je suis morte il y a deux mois ! J'ai perdu la vie, merde ! Comment je pourrais fêter ça ?
Je soupire.
- Leo, c'est très gentil de ta part de m'avoir préparé une surprise, vraiment, mais...
- Tu n'as pas le cœur à la fête, je sais. Je te rappelle que tu es mon âme sœur : je ressens aussi tes émotions. J'aurai au moins essayé ! Mais sache que tu ne pourras déprimer éternellement.
Il se lève du canapé l'air dépité et commence à ranger le champagne.
Je me mords la lèvre : je m'en veux de le faire souffrir, mais je ne peux pas juste me forcer à être heureuse...
- Attends ! Je l'arrête.
Il revient près de moi, surpris.
- C'est d'accord, on va marquer le coup.
Il hausse les sourcils.
- Vraiment ?
- Oui. Ça te fera plaisir et puis moi il faut que j'apprenne à vivre à nouveau. On va fêter mes deux mois de décès... mais à ma manière.
- Je suis tout ouïe. Que veux-tu faire ?
- On va aller sur les lieux de ma mort.
- Euh... Ce n'est pas exactement ce que j'imaginais. C'est un peu glauque, non ? Tu es sûre que ça ne fera pas que remuer le couteau dans la plaie ?
- Il faut que j'affronte ce qu'il s'est passé. C'est la seule solution.
- Ok... Si c'est ce que tu veux : GO !Il se lève et après m'avoir aidé à en faire de même, il nous entraîne dehors. Nous sortons de chez lui : une grande maison immaculée dans un quartier paisible. Il claque la porte d'entrée et nous nous rendons à pied au parc.
Sur le chemin, il parvient à me faire rire. On dirait qu'il ne vit que pour ces instants : son sourire est éblouissant lorsque je suis heureuse ou que j'esquisse un geste de tendresse envers lui. Nous courons sur le chemin, jouant simplement. Un peu d'innocence ne nous fera pas de mal.
Notre course poursuite se termine à l'entrée du parc. L'ambiance devient d'un coup plus morose.
Leo me prend la main et je lui en suis très reconnaissante. Il est là, je n'ai plus rien à craindre. J'inspire profondément puis l'entraîne à ma suite jusqu'à la place précise de mon décès.
Je fixe le sol où j'étais allongée, où j'ai été assassinée, où j'ai souffert. Instinctivement, je me rapproche de Leo. Je me colle contre lui et il n'hésite pas à me serrer plus fort. Cet endroit est comme marqué par le mal.
Un silence se passe. Le vent fait bouger rapidement les nuages et la luminosité change à chaque instant. Perdue dans mes pensées morbides, je ne remarque pas que le lycan à mes côtés fronce les sourcils d'incompréhension.
- Iris ?
Je cligne des paupières, revenant à la réalité.
- Oui ?
- Comment te sens-tu actuellement ?
- Bah... Euh... Je suis morte ici quoi. Ce n'est pas...
- Je ne parle pas de ça. Comment vas-tu, physiquement ?
- En pleine forme, comme toujours depuis que je suis devenue une créature de l'Ombre. Enfin, pourquoi tu demandes ? Tu sais très bien que je ne peux plus tomber malade, avoir des migraines, ressentir des douleurs osseuses, musculaires, articulaires...
- Tu es au soleil, lâche-t-il.
- Oui, et ? Il fait beau aujourd'hui, je n'y peux rien.
- Tu es une vampire, Iris : tu devrais brûler. Là, tu devrais te tordre de douleur, ta peau rougissant et se dégradant à grande vitesse.
Je regarde l'astre du jour. Nous ne sommes pas encore en été, il ne brille pas fort. Ces quelques rayons devraient me tuer ? Ah. On en apprend tous les jours.Sérieusement : je ne sens rien.
Je tourne la tête vers Leo, sans pour autant quitter des yeux le soleil.
- Tu es sûre ? Parce que franchement, je ne sens rien du tout. Pas même de la chaleur.
- J'en suis certain, mon amour. Les vampires brûlent au soleil.
- Bon...
Je réponds quoi maintenant ? Je suis une vampire qui ne crame pas au soleil. C'est... perturbant de savoir que je suis anormale. En même temps, c'est bien pratique. Je ne pourrais pas paraître humaine en ne sortant que la nuit.
Je n'ai jamais réfléchi à la question du soleil. Il ne m'a pas dérangé une seule fois depuis mon décès.
MAIS BORDEL QU'EST-CE QU'IL SE PASSE AVEC MOI ?
Leo capte ma confusion.
- Ne t'en fais pas, mon cœur. Ce n'est sûrement rien. Tu es plus résistante que les autres, voilà tout.
J'essaie de me convaincre qu'il dit vrai... Ce n'est rien, rien du tout. Une capacité supplémentaire que j'ai miraculeusement obtenue, rien de plus. De toute façon, ça m'arrange.
Je balaye cette information beaucoup trop perturbante dans un coin de ma tête. Serais-je vraiment différente des autres de ma race ? Je ne veux pas y penser.
De toute façon, nous n'étions pas venus pour ça.
Je jette un regard méprisant à ces lieux qui m'ont vu souffrir. Je lève les deux bras et un vent violent se lève, faisant voltiger mes cheveux. Je déracine l'arbre sur lequel se tenait mon agresseur, celui qui m'a transformé. Je brûle la pelouse où j'étais couchée, impuissante à l'époque. Je retourne la terre sur une zone de plusieurs mètres. Je. Massacre. Cet. Endroit.
Ayant fini de déchaîner ma fureur, je permets à une simple brise de reprendre place dans les airs.
Leo me regarde avec fierté.
- C'est cette Iris que je veux voir !
Je lui lance un sourire arrogant. C'est fini, je ne me laisserai plus faire. J'ai toujours obtenu ce que je voulais, je ne me laisserai plus jamais marcher sur les pieds. J'ai perdu une fois, mais ça ne m'a que rendu plus puissante. Je suis plus forte, beaucoup plus forte maintenant. Et personne ne pourra plus m'ébranler. Je suis Iris Delona, peu importe ma race, je suis la personne la plus obstinée de cette planète. Personne ne peut me briser.
Leo avait raison : je peux encore vivre. Et je vais vivre.

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Moi, Ombre
ParanormalLe monde de l'Ombre. Toute une civilisation cachée sur la même planète que les humains. Les créatures surnaturelles que l'on croit imaginaires ont leur propre société. Un lieu où règne cruellement la loi du plus fort. Iris n'a que 17 ans. Elle vient...