Tout est noir. Puis blanc. Et les couleurs reviennent. Je bats des paupières.
Je suis enveloppée de pièces de tissu très douces : des couvertures. Ma tête repose sur une montagne moelleuse : les meilleurs coussins que j'ai connus.
La vision me revient peu à peu. À côté de mon cocon qui fait tripler mon volume, un grand loup blanc veille. Les oreilles bien dressées, il guette la moindre menace. Leo.
J'essaie de tendre la main vers lui mais je n'y parviens pas. J'essaie alors de lui parler.
Rien ne s'échappe de ma gorge. C'est à peine si je ne m'étrangle pas avec mes propres cordes vocales.
Je prends peur : pourquoi je n'y arrive pas ? POURQUOI JE N'Y ARRIVE PAS ?! Je retente de bouger mon corps. N'importe quoi : un doigt, un pied... Je n'y arrive pas.
À L'AIDE !
J'étouffe en essayant de parler. Je suis terrorisée et j'essaie maintenant d'hurler. Je ne parviens même pas à remuer les lèvres.
Grâce à la connexion qui nous lie en tant qu'âme soeur, Leo remarque mon état. Il se retourne vers moi. Son museau vient se coller à mon visage.
Il lit toute ma détresse dans mes yeux. Je panique. Je suis bloquée. Totalement paralysée.
Il recule, inquiété, et dégage tout ce qui m'entoure à l'aide de ses pattes griffues.
La pression monte en moi. Je refuse. Je refuse de rester figée. Ce n'est pas une option que de rester ainsi.
Je ne me souviens même pas de ce qu'il s'est passé. Je ne tente même pas de réfléchir à comment je me suis retrouvée dans cette situation, je veux juste que ça cesse.
Je panique complètement. Et puisque je ne peux pas extérioriser cette panique, je panique encore plus. Mon corps est figé mais pas mon esprit.
À l'intérieur je lutte, je veux forcer le passage, forcer mon corps à réagir.
Comme une déchirure, comme si tout cédait sous la pression que j'ai imposé, un hurlement sort de ma bouche et je me débats soudain violemment dans les quelques draps qui m'enveloppent encore. Je ne cesse de hurler et de me débattre, j'ai trop peur qu'en arrêtant, je perde à nouveau ces facultés.
Mes ailes et mes crocs se déploient, je frappe et déchire tout ce que je touche. Mon cri fait fuir tout les animaux des alentours. J'ai la gorge en feu mais je refuse de m'arrêter. Crier, crier et ne jamais s'arrêter. Je refuse que quoique ce soit me touche, j'ai besoin d'être entièrement libre de mes mouvements.
Leo se métamorphose en humain et ne sait plus quoi faire pour me calmer, il essaie de me souffler des phrases rassurantes mais je n'entends que mon propre cri.
Ekleandre arrive, alerter par tout ce tapage. Il analyse rapidement la situation et me jette un sort qui m'anesthésie aussitôt. Je retombe mollement, consciente mais affaiblie. Leo me rattrape par réflexe avant que je ne rencontre le sol d'un peu trop près.
Le kitsune nous rejoint et dit d'une voix tendre :
- Iris, calme-toi. C'est normal que ton corps ai mis un peu de temps à redémarrer après ton « exploit ».
Je me souviens vaguement de l'affrontement et des pouvoirs insoupçonnés que j'ai déployés. Je n'étais plus vraiment moi-même à ce moment-là. Je crois aussi me souvenir d'une voix dans ma tête. Un rêve ? Je devais déjà être inconsciente quand je l'ai entendue. Je n'arrive pas à me rappeler ce qu'elle me disait. Qui était-ce ? Ni Ekleandre, ni Leo, j'en suis certaine.
- Mon amour, tout vas bien ?
Leo me sort de mes pensées. Tout est si confus dans ma tête.
Je hoche doucement la tête.
Notre guide lève l'enchantement, je suis calmée.
- Mais qu'est-ce qui m'arrive bordel ?
Je craque et je laisse couler mes larmes.
- Qu'est-ce qui ne va pas avec moi.
Je me roule en boule, mes genoux ramenés sous mon menton et mes bras les entourant.
Leo s'accroupit à côté de moi.
- Rien. Rien « ne va pas » chez toi Iris, est-il obligé de me rassurer.
Le kitsune se rapproche :
- Je te l'ai déjà dit Iris : tu es spéciale. Tu ne souffres d'aucune défaillance, au contraire. Ce ne sera pas toujours comme ça, je te le promets. Tu t'habitueras vite à faire circuler autant de puissance en toi, personne n'a à s'en faire pour cela.
Un peu plus convaincue, j'arrête de sangloter. Ça ne mènera à rien de s'apitoyer sur son sort.
- Sommes-nous encore loin de la ville ?
Je remarque qu'il fait nuit.
- Non. On pourrait y être en une demi-heure. Mais je préfèrerais que nous passions par un passage secret si cela ne vous embête pas. Et quand le soleil sera levé uniquement. Maintenant que nous savons qu'une volée de vampires est à tes trousses, mieux vaut jouer la prudence jusqu'à ce que tu sois entièrement prête. Le Comte dont il était à question a pour réputation de ne jamais abandonner lorsqu'il veut quelque chose. Et il te veut, Iris.
Yes. Comme si on avait pas déjà d'autres chats à fouetter.
- En passant par l'est, nous pourrons emprunter le passage des Endormis. Je connais bien le propriétaire de la taverne ou le tunnel abouti, nous n'aurons pas de problème pour passer.
- Faisons cela.
- J'ai vu des vampires quadriller la zone depuis les airs. Ils ne nous trouveront pas tant que je laisserais le bouclier d'invisibilité autour de nous. Ne vous éloignez pas de plus de 500 mètres ou vous ne serez plus protégés. Nous partons au levé du soleil.
Ekleandre s'enfonce dans les bois et nous laisse en tête à tête. Nous choisissons de nous asseoir sous les branches basses d'un sapin.
Leo me regarde. Et je me blottie contre son torse en soupirant.
- Au final je me rends compte que je ne sais pas grand chose de ta vie, je laisse tomber.
Il sourit.
- Je connais tes sentiments les plus profonds, mais j'ignore tout de ton enfance, de ta famille, de ton quotidien d'avant...
Là il rit franchement.
- Tu as appris mon plus grand secret en ne connaissant de moi rien d'autre que mon nom.
- C'est à peu près ça, je concède.
Je me colle contre lui :
- Raconte-moi, je le supplie.
Il passe une main dans mes cheveux et se laisse emporter par le tourbillon de ses souvenirs...

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Moi, Ombre
ParanormalLe monde de l'Ombre. Toute une civilisation cachée sur la même planète que les humains. Les créatures surnaturelles que l'on croit imaginaires ont leur propre société. Un lieu où règne cruellement la loi du plus fort. Iris n'a que 17 ans. Elle vient...