La proposition

25 6 11
                                    

Aline Pamphile observait sa petite fille derrière ses épaisses lunettes de verre, avec curiosité. Il était rare qu'elle vienne à l'Académie durant les heures de cours alors elle était intriguée à juste titre. Bien qu'elles aient toujours été proches, Adeline franchissait rarement les portes de son univers professionnel. Elle n'a jamais su ce qui la retenait.

- Donc, tu veux qu'on déjeune ensemble ? Aujourd'hui ?

- On dirait que ça t'étonne.

- Bien sûr que ça m'étonne, tu ne l'as jamais fait avant. Débarquer à mon bureau pour m'inviter à déjeuner. Est-ce une autre de vos tactiques pour me contraindre à lever le pied? Où il y aurait autre chose? Ajouta-t-elle en esquissant un sourire moqueur.

Elle avait beau être devenue myope avec l'âge elle n'était pas aveugle pour autant. L'intérêt de sa petite-fille pour son jeune protégé ne passait pas inaperçu. Si elle s'en est inquiété au début maintenant elle irait jusqu'à dire qu'elle l'encouragerait. Elle connaissait Adeline et sa propension à "tomber amoureuse" en deux secondes mais elle espérait qu'avec Harry ce serait différent. Elle se faisait vieille et elle aurait aimé qu'avant qu'elle parte, ses petits-enfants trouvent le bonheur peut importe la façon. De son point de vue, Adeline avait besoin de prendre soin de quelqu'un. Sa nature protectrice prenait souvent le dessus quand elle était en couple mais le genre d'homme avec qui elle sortait acceptait rarement de se faire materner de la sorte. Trop indépendant, trop fier.

- Dis tout de suite que je suis une mauvaise petite-fille. C'est à croire que je n'ai pas le droit de vouloir passer du temps avec toi, releva la jeune femme l'air boudeuse.

- Oh mais c'est ton droit le plus stricte ma chérie. Ça ne t'ennuie pas si j'invite quelqu'un à se joindre à nous? On devait se voir pendant l'heure du déjeuner...

Adeline ne fit pas cas du sourire diabolique de sa grand-mère, elle était bien trop obnubilée par le portrait de sa grand-mère accroché juste derrière elle, au dessus de son bureau. Elle avait reconnu le coup de pinceau. Depuis qu'elle avait rencontré le jeune peintre, il suffisait d'un rien pour qu'elle pense à lui. Le truc le plus anodin la ramenait immédiatement à  ses yeux marron bouteille, son petit sourire timide, ses longs doigts gracieux comme ceux d'un pianiste, sa voix basse et chaude. C'était un ensemble qu'elle trouvait très attirant. Elle se morigéna de ne pas pouvoir se tenir à son plan de base et se contenter de devenir son amie. Il lui devenait de plus en plus difficile d'ignorer le charme du jeune homme.

- J'ai l'impression que tu ne m'écoutes pas...

Elle fut brutalement ramenée à la réalité et posa des yeux hagards sur sa grand-mère.

- Quelqu'un, tu dis? Qui c'est?

- Je crois que tu as deviné, avec Harry on devait faire un débriefing du vernissage d'hier soir. La paperasse et tout un tas de choses ennuyeuses. J'ai vu que vous vous entendiez très bien, ça ne devrait pas te déranger qu'il se joigne à nous, non? Demanda la septuagénaire en arborant un air innocent.

Harry... On en revenait encore à lui, pensa la jeune femme désespérée. Elle voulait effacer coûte que coûte ce jeune homme de sa tête et le côtoyer plus que la normale ne l'aiderait sûrement pas. Puis la lumière se fit dans sa tête. Si elle était autant obsédée par lui, c'était parce qu'il représentait un mystère pour elle, aussitôt qu'elle aurait percé tous ses secrets, ce ne sera rien de plus qu'un mec comme les autres. Fière de son raisonnement, elle décida de répondre à sa grand-mère.

- Évidemment que non. Ça s'est bien terminé hier soir?

- Oui mais je ne suis pas restée jusqu'à la fin, j'ai chargé Viola de s'occuper du reste.

Sorcière malgré elle [En Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant