Digressions nocturnes

17 3 2
                                    

Le poignet raide, Harry déposa son pinceau avec un petit soupire satisfait. Il avait passé la journée derrière son chevalet, frappé par une salve d'inspiration bienvenue. Sa garçonnière sentait la peinture malgré la fenêtre ouverte pour laisser entrer un peu de fraîcheur. Il aimait cette odeur qui avait un goût de créativité, de nouveauté. La peinture était son refuge et son moyen d'évasion depuis presque 4 ans et il ne regrettait pas un jour son choix d'avoir abandonnée ses études pour se concentrer à sa passion. Quand il créait, il n'était plus ce garçon qui n'avait pas confiance en lui et qui doutait de tout. Il se créait des mondes qui se régissaient selon ses propres lois. Sous ses droits naissaient des êtres magiques qui malgré leur état figé sur la toile semblaient animés d'une vie propre. Depuis ce matin, il n'aurait su dire si c'était à cause de la cérémonie de prière en hommage à Legba auquel il a assisté en compagnie de son amie Magalie il y a quelques jours mais il ne cessait de peindre des scènes mystiques et des personnes en pleine transe, montées par des lwas. Le sourire séducteur de Freda, la determination guerrière d'Ogou Feray... Chacune des caractéristiques de ses sujets renvoyaient à l'identité du lwa qui le possédait et il était plutôt fier du résultat. Il n'était pas spécialement très spirituel mais il avait foi en ces symboliques. Comment aurait-il pu en être autrement quand il avait été bercé par cette vérité toute sa vie? Sa mère était chrétienne, au point où elle passait son temps à honnir ces entités qu'elle traitait de maléfique alors que son père était un dévoué serviteur des lwas. Plus tard, son inclinaison s'est favorablement penchée vers l'animisme délaissant le dogme chrétien dont sa mère l'abreuvait. Il n'y avait pas plus incompatible que ces deux-là. Encore aujourd'hui, il se demandait comment ces deux-là arrivaient à vivre ensemble.

Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas pris de leur nouvel, principalement parce que la dernière fois qu'il avait vu sa mère, il n'avait pas pu s'empêcher de lui cracher sa haine. Il lui en voulait tellement qu'il était incapable de rester parler avec elle sans péter les plombs. Un comble quand on savait qu'il avait toujours été le plus docile de sa fratrie. Même la douleur tapie au fond de son regard n'avait pas pu calmer. Car il ne cessait de se répéter ce mantra, tout était de sa faute. Son père, c'était un peu différent. C'était toujours difficile pour lui de savoir ce que ce dernier pensait. Il était là, ombre mouvante traînant sa carcasse tentant de se faire oublier. Et Harry ne pouvait que le comprendre.

Il alla se laver les mains avant d'attaquer un reste de bouillon qu'il s'était forcé à préparer à midi. La mine réprobatrice de sa soeur qu'il n'avait pas pu s'empêcher de s'imaginer l'avait forcé à quitter son travail pour se restaurer. Le souvenir de sa soeur agissait tel un garde-fou pour l'obliger à garder un rythme de vie sain et équilibré. Si ça ne tenait qu'à lui, il passerait ses journées entre l'Académie et chez lui à peindre sans s'obliger à s'adonner à des choses aussi basiques et élémentaires que se nourrir ou son hygiène, allez voir maintenir des interactions sociales. Pourtant, il savait que ça devait changer s'il voulait construire une belle carrière. Mais c'était dur de se battre contre sa propre nature. Il terminait son maigre repas quand son téléphone commença à vibrer sur son lit. Il y jeta un coup d'œil indifférent avant que son coeur ne rate un battement quand il vit le nom affiché sur l'écran. Il décrocha avec fébrilité quoique s'insultant mentalement de réagir comme un ado durant ses premiers émois. La voix claire résonna à son oreille comme la plus douce des mélodies.

- Comment tu te sens?

Il avait deviné au sens de sa voix qu'elle n'allait pas bien alors il préférait éviter de lui demander si ça allait. Elle lâcha un bruit bizarre, un mélange entre le sanglot et le rire qui le décontenaça un moment avant qu'elle ne réponde.

- Comment se fait-il que tu sais toujours quoi dire?

- C'est un super pouvoir, chuchota-t-il sur le ton de la plaisanterie.

Sorcière malgré elle [En Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant