Pique-nique sous les étoiles et averses

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La viande de porc était délicieusement épicée et légèrement croquant à l'extérieur. Adeline a toujours été une inconditionnelle du griot. Petite quand elle habitait dans l'ancien quartier de sa mère, en pleine montagne, sa grand-mère avait l'habitude d'en faire pour vendre et leur réservait toujours à ses soeurs et elle et leurs autres cousins et cousines, une belle part. Elle avait adoré son enfance passée là-bas. Bien que le lieu était très éloigné de la ville et que la route relevait du parcours de combattant, c'était un joli endroit. Une sorte de havre de paix entre les arbres qui fournissaient de l'ombre et des fruits, la source située pas trop loin, les rassemblements au crépuscule dans la cour pour tirer des contes ou se raconter de vieux souvenirs. Un privilège que leur permettait cet endroit reculé de la capitale. Il y avait toujours un truc à grignoter selon la saison, des abricots, des caïmites, des corossols, des cachimans, des mangues, des quenêpes, des oranges, des mandarines, il y avait un peu de tout sur les terres de sa grand-mère. Et manger du griot lui rappelait ces souvenirs précieux de son enfance. Et le faire en compagnie d'Harry atteignait un autre level de béatitude.

- Donc, toi et Malone, vous vous connaissez depuis que vous avez 6 ans, c'est ça ?

Elle hocha la tête en souriant puis avala une gorgée de vin.

- Exact. C'était la première personne à qui j'ai adressé la parole dans la classe. Il avait une impressionnante collection de stylo de toutes les couleurs et je voulais qu'il me les prête. Il m'a opposé un non farouche tout en me fusillant du regard. C'est la première et dernière fois qu'il m'a fait pleurer. Il est tout de suite venu me trouver après ça avec ses stylos et un mouchoir. C'était un garçon très gentil, un peu réservé et moi j'étais un peu... turbulente. La maîtresse s'est rendue compte qu'il me canalisait donc elle m'a mis à côté de lui. Notre amitié paraissait étrange aux yeux des autres à un âge où les filles et les garçons se mélangaient rarement. Je le défendais quand on l'embettait et il me calmait quand j'étais sur le point de perdre le contrôle. Dans un sens, on se protégeait mutuellement. Au fil des années, notre amitié s'est approfondie allant bien au delà de simples interactions dans la cour d'école. C'est comme ça que mes parents ont rencontré ceux de Malone... Ma mère était ravie que j'ai un ami qui savait me "contrôler".

Harry sourit, attendri par la façon dont la jeune femme parlait de son meilleur ami. Il trouvait leur amitié impressionnante. Bien que le nombre d'années ne comptait pas vraiment, le fait qu'ils étaient toujours aussi complices après toutes ces années et qu'ils partageaient le même lieu de travail tous les jours sans en avoir marre l'un de l'autre étaient à applaudir.

- Je n'ai gardé aucun contact avec mes camarades de mes années de primaire.

- Même pas une connaissance à qui tu souhaites un joyeux anniversaire tous les ans sur Facebook ?

- Non, j'étais nul pour me faire des amis à l'école. Je n'étais pas très brillant en plus d'être timide. J'étais le genre de garçon dont on ne se rappellait jamais. Même si j'ai travaillé dessus depuis, ce n'est pas encore au point...

- Moi, je trouve ta timidité rafraîchissante. Et puis, je ne peux pas croire que tu n'aies pas eu au moins un ami. Tu devais être le genre mignon à croquer à qui on a envie de faire des câlins, rétorqua la jeune femme avec aplomb en secouant la tête face à l'éventualité que son copain -parce que c'était ce qu'il était- n'avait pas d'amis quand il était plus jeune.

Il sourit, baissa les yeux sur le plateau d'assortiment posé devant lui tout en traçant des motifs cabalistiques sur la couverture. Ce trait de caractère lui avait bien pourri la vie depuis qu'il était en âge de se sociabiliser. On le trouvait soit trop mou, terne, effacé, sans personnalité et tout un tas de qualificatif qu'on attribuait à tord aux personnes timides. Pourtant, ceux qui ont prit le temps de le côtoyer vraiment savait qu'il était bien plus que cela. Mais ils avaient été rares les gens qui avaient pris le temps de dompter sa timidité pour découvrir ce qui se cachait derrière. Et quelque part, il était heureux que ce ne soit qu'un nombre restreint de personnes parce qu'il ne sentait pas l'énergie d'entretenir un large cercle amical. Quelques amis triés sur le volet avec qui il était sûr de toujours pouvoir être lui-même lui suffisait.

Sorcière malgré elle [En Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant