Sorcière malgré elle [En Correction]

Aline et Roland

Adeline avait l'impression d'avoir atterri dans le bureau du proviseur après une bêtise. Elle était assise, la tête basse, les mains posées à plat sur ses genoux, n'osant prononcer un mot. Sa grand-mère l'avait sommé de venir la voir, prétextant qu'il fallait qu'elle lui parle au plus vite. Elle était au moins soulagée que la septuagénaire ne l'ait pas obligé à venir à l'Académie. Ça aurait été au dessus de ses forces.

Elle était donc venue un dimanche après midi, muni d'une tarte au pomme pour au moins, amadouer la vieille femme. Néanmoins, elle pressentait qu'elle allait se faire passer un savon. Elle avait fait du mieux qu'elle pouvait pour éviter sa propre grand-mère, tout cela pour ne pas se faire sermonner telle une gamine. C'était tout de même sa vie privée !

Pourquoi tous ses proches ressentaient le besoin de s'en parler et de prendre le parti du peintre comme si ce n'était pas assez ?

- Pourquoi est-ce que tu ne me regardes pas ? Je ne vais pas te manger...

Adeline s'insulta mentalement de son attitude couarde, loin de lui ressembler. Où était passé celle qui assumait ses décisions avec impertinence même quand elle était sûre d'avoir tort ? Tout ça, c'était à cause de la dernière séance qu'elle avait eu avec sa psy. Cette dernière a complètement mis en branle son cerveau en mettant en lumière la cause de certains de ses comportements et de ses attitudes.

- Non, évidemment que non, rétorqua-t-elle en relevant la tête pour soutenir son regard.

Aline était assise dans sa confortable bergère à haut dossier et lui faisait face, impériale.

- J'aime mieux cela. Tu sais, j'ai essayé de ne pas mettre mon grain de sel dans votre histoire. Après tout, vous étiez deux adultes pleins de bon sens. Mais visiblement, je me trompais. Harry broyait du noir et ces tableaux sont d'une morosité que son style se modifie. Et toi, tu te pavane avec un faux sourire plaqué sur le visage. Pourquoi rompre, si aucun de vous ne le voulait ? Je croyais que tu savais résoudre les conflits ?

Adeline encaissa les reproches avec stoïcisme. Son cœur manqua de flancher en apprenant qu'Harry n'allait pas bien. À quoi elle s'attendait ? C'était évident que cette rupture allait l'affecter, peut-être bien plus qu'elle. Elle avait fait souffrir Harry.

- Pourquoi tu as quitté Grand-pa ? Demanda-t-elle subitement.

Pour la première fois, elle vit le masque de sa grand-mère fendre l'espace d'un instant, révélant une douleur sourde tapie derrière.

- Pourquoi tu me poses cette question ? En quoi ça t'avancerait de le savoir ? Voulut savoir la vieille femme, la voix tremblante d'émotion.

- Il m'a confié que tu l'as abandonné. À l'époque, on passait beaucoup de temps ensemble, je l'ai vu s'effondrer, pleurer. Il n'était plus que l'ombre de lui-même et n'arrêtait pas de dire que tu l'avais abandonné maintenant que tu n'avais pas besoin de lui... Sans me rendre compte, cette période m'a marqué plus que je le pensais. C'est pour ça que j'étais autant possessive et dans le contrôle dans toutes mes relations. Alors je faisais tout pour que ça n'arrive pas, quitte à saboter la relation en premier, confia Adeline en reniflant doucement.

Repenser à tout cela la minait intérieurement, mais il le fallait, pour qu'elle puisse avancer.

- Harry me fait penser à un ange. Il a ce magnétisme qui attire les gens vers lui sans même qu'il s'en rende compte. J'etais au supplice de savoir qu'il pourrait trouver mieux que moi. C'est pour ça qu'il m'était insupportable qu'il s'éloigne, même pour un instant. Quand il m'a parlé de New York, j'ai paniqué. Les États-Unis était le pays où tant de rêves pouvaient se réaliser. Je ne pouvais définitivement pas rivaliser avec ça.