Chapitre 8 : coup d'état

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Les soldats parvinrent à la cité six jours après leur départ des ruines de Mestre, alors que le soleil s'élevait dans le ciel. Fernand leur avait demandé de rentrer de façon discrète, ce pourquoi il ressentit une vive irritation en les voyant arriver de jour, par la porte principale. Les guetteurs avaient annoncé l'arrivée des membres de l'expédition alors qu'ils atteignaient les abords du village, juste avant de suivre le chemin escarpé qui menait à la demeure de leur seigneur ; cela laissa le temps à Cornélius de les rejoindre au moment où ils franchissaient la herse. L'oncle de Géraud constata en venant à leur rencontre qu'aucun ne portait Ascalon. Son visage se contracta en une moue de dédain furieux qui lui donna l'air d'un monstre d'au-delà la frontière ; Limbert même, qui ne comptait pas parmi les plus peureux, recula en voyant cette figure s'approcher de lui à toute allure :

« Où est l'épée ? Meugla le châtelain hors de lui.

- La guide s'est échappée avec Ascalon. Elle s'est tuée dans sa fuite, mais nous n'avons pu découvrir où elle avait cachée l'arme.

Alerté par les guetteurs, Géraud venait accompagné d'Emile, et se trouvait suffisamment près pour entendre ce qui se disait. Le châtelain se tourna vers son neveu comme une bête folle.

« Vous m'avez menti ! C'est vous qui avez demandé à cette monstruosité de...

- Je ne comprends pas, tenta de se défendre le jeune homme. Il est impossible que Dame Ylaine... »

Mais son oncle n'écoutait plus.

« Vous m'avez menti ! C'est un acte de trahison ! Tuez-le ! » vociféra-t-il encore, en se tournant vers les gardes.

Tout le monde resta interdit, ne sachant comment réagir. Limbert et ses hommes regardaient tour à tour Fernand et Géraud, comme s'ils avaient mal compris l'injonction, ou qu'ils n'étaient pas sûrs de devoir l'appliquer dans la situation présente.

« J'ai dit : tuez-le ! C'est un traître ! »

Géraud mis la main à son épée, encore cachée par sa cape, parce que l'immobilité de ses assaillants le faisait hésiter. Il entendit un bruit de métal derrière lui : l'homme qui l'escortait s'était décidé à accomplir la volonté de son maître. Les gardes s'avancèrent d'un pas.

« Cela suffit ! »

Tous les yeux se fixèrent sur Cornélius, tandis que les siens roulaient sur la petite assistance, réitérant l'ordre prononcé.

« Tuez-le ! Tuez-le ! » répéta Fernand en furie alors que sa voix s'éraillait. Du doigt il pointait Géraud, mais son regard ne lâchait pas son père, comme s'il voulait le désigner aussi.

« Fernand de Sainte-Odile, déclara Cornélius sentencieusement, je vous accuse de trahison envers le fils de votre frère aîné, votre propre neveu Géraud des Marches, à qui vous devez allégeance ! »

Le châtelain de Sainte-Odile était rouge de colère et d'indignation. Il dégaina son épée dans un cri de rage.

« Comment osez-vous ! Chez moi ! Je suis le maître des lieux ! Cela fait trop longtemps que vous tentez de vous arrogez le pouvoir qui me revient ! »

Fernand semblait avoir totalement perdu la raison. Ses yeux se braquaient tantôt sur son neveu, tantôt sur ses hommes et tantôt sur la figure honnie de son père. Il faisait de grands gestes avec sa lame afin de défendre quiconque de l'approcher, car il voyait dans le regard des soldats, avant même que ceux-ci ne fassent un geste, qu'ils le trahissaient. Sa femme et sa fille, en entendant les cris, étaient descendues dans la cour, et contemplaient ce spectacle remplies d'effroi, tout comme Jacob et les serviteurs du château.

La légende d'AscalonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant