Le lendemain, le groupe repartit vers Dologne. En chemin, ils tombèrent sur des cadavres de lycanthtropes, bien visibles sur le blanc de la neige. Le conseiller Tourton détourna les yeux, et voulut continuer sa route. Mais Géraud arrêta le mouvement de la délégation et descendit de cheval. Il s'approcha lentement, afin de ne pas être attaqué par surprise. Pas un seul des loups-garous n'était encore vivant. Tous les corps n'avaient que la peau sur les os, et portaient des traces de morsures, qui ne paraissaient pas avoir été la cause du décès. Un détail intrigua Géraud : quelqu'un avait coupé la queue des lycanthropes.
« Est-ce... Un de nos groupes qui a tué ces bêtes ? demanda le conseiller du haut de sa monture.
- Non, je ne crois pas. Je ne comprends pas comment ces monstres sont morts. » avoua Géraud.
Le responsable de la défense se tourna vers le dernier cadavre : lui seul portait des entailles profondes, qui avaient pu être fatales, si le monstre les avait reçues de son vivant.
Les traces d'un cheval partaient de cet endroit et se dirigeaient vers une forêt proche.
« Y-a-t'il un village nain près d'ici ? questionna Géraud
- Non. Le conseiller aperçut les traces et précisa : Et je ne pense pas qu'un nain seul s'approcherait d'une meute de loup-garou.
- Et de loups-garous décédés ?
- Que voulez-vous que j'en sache ? Je ne suis pas le garant de chacun de mes concitoyens ! »
La discussion s'arrêta là. Le groupe avança autant qu'il le put, puis s'arrêta dans une grotte pour une nuit. Ils décidèrent de faire des tours de garde par sécurité, et allumèrent un feu.
Géraud veilla les premières heures sans que rien de notable se produisît ; et jusqu'au petit jour, tout se déroula sans encombre. Cependant, tandis qu'apparaissaient les lueurs de l'aube, le responsable de la défense fut brusquement réveillé par un nain qui lui secouait le bras, et qui s'exclama :
« On nous a attaqué ! »
L'héritier des marches eut une décharge d'adrénaline, il fut debout et l'arme au poing en un éclair. Néanmoins, le regard qu'il jeta sur l'endroit où il se trouvait le renseigna immédiatement, et lui apprit qu'il n'y avait que des nains autour de lui. Aucun ne semblait blessé, et aucun n'avait sorti son épée. En vérité, la plupart dormait encore, et un autre nain les réveillait.
« Comment ça ''attaqué'' ? Il n'y a pas d'attaque ! » répliqua Géraud d'un ton sec en se tournant vers celui qui l'avait tiré de son sommeil.
- Je vous assure que si ! Je faisais ma garde quand quelqu'un m'a frappé par derrière. Je me suis évanoui, et je n'ai repris conscience que maintenant.
-Quoi ! »
Géraud était furieux : pendant un temps conséquent, le groupe s'était trouvé sans défense et à la merci la plus totale de la première menace venue. Alors que des loups-garous rôdaient encore ! L'adolescent vérifia que personne n'eût été blessé ou eût disparu, puis examina à l'aide du groupe toutes leurs affaires. Seul le garde avait été agressé ; cependant, le groupe n'avait plus ni vivre, ni argent. Et l'adolescent constata pire en sortant de leur abri : tous les chevaux avaient disparu. Les traces étaient fraîches et partaient dans toutes les directions, comme si quelque chose les avait intentionnellement affolés pour les disperser.
Le conseiller et le responsable de la défense débattirent quelques instants avant de décider quoi faire : le groupe se rendrait au prochain village, à deux heures de l'endroit où ils étaient, et continueraient de là leur chemin vers la capitale. L'héritier des Marches soutint que le vol d'une délégation officielle ne resterait pas impuni. Il hésita à rester sur place pour trouver le coupable, mais en tant que responsable de la défense, trop de travail l'attendait. A la place de cela, Tourton réussit à le convaincre de déléguer cette tâche à un militaire retraité qui vivait dans les environs.
« Pourquoi n'essayez-vous pas de m'éloigner du conseil et de la préparation de la défense ? interrogea Géraud.
- Avec l'attaque des loups-garous, il est désormais trop tard pour faire marche arrière. Nous verrons bien si vous savez où vous aller. » expliqua le conseiller d'un ton pinçant.
Géraud ne répondit rien, et le groupe se mit en route le ventre vide.
Néanmoins, l'arrivé au village leur apporta quelques désillusions.
« Ce n'est pas un nain votre voleur, c'est un centaure, leur apprit l'ancien militaire. Cela fait plusieurs mois qu'il détrousse les voyageurs et pille les maisons. Avec certains de mes amis nous avons essayé de l'attraper plusieurs fois, mais nous avons à peine réussi à l'apercevoir.
- Vous savez s'il a un repaire, une cachette... ? demanda Géraud à tout hasard.
- Ah ça oui ! Il se terre dans les bois, je peux vous y mener sans souci. »
L'attitude de l'ancien militaire laissait supposer que pour lui, le devoir d'arrêter le hors-la-loi revenait à la délégation.
« Combien de villages subissent ces vols ? » demanda tout à coup le responsable de la défense.
L'ancien militaire répondit immédiatement :
« Beaucoup de villages. De la Pierreuse, la rivière à l'Ouest d'ici, jusqu'aux collines au Nord. »
L'héritier des Marches fit mine de réfléchir à l'importance de la situation, et déclara finalement :
« Bien. Vous nous conduirez demain matin à la lisière du bois, et vous nous aiderez à débusquer le pilleur. »
Gratien Tourton, se considérant comme le maître de la situation, allait déclarer que cette proposition était tout à fait impensable, que la délégation repartirait à l'aube, et que, quand elle serait arrivée à la capitale, elle ferait part du problème au Palais afin qu'il envoyât un groupe restreint de nains s'occuper de la situation. Mais Géraud ne lui laissa rien dire de tout cela ; il conclut, sans avoir l'air d'interrompre le conseiller :
« Nous allons maintenant discuter des détails de demain avec le conseiller Tourton, si vous voulez bien nous excuser. »
Et il entraîna son collègue à l'écart.
« Vous... Vos mesures... commença le conseiller, qui était si ivre de colère qu'il ne parvenait plus à articuler. Enfin ! Nous ne sommes pas chez les Hommes, ici ! Ce n'est pas comme cela que nous procédons !
- Nous sommes là pour rassurer la population et s'attirer son soutien, n'est-ce pas ? Ce n'est qu'une occasion de plus. Les nouvelles vont vite ici ; une réaction aussi prompte de la part du Palais ne pourra avoir qu'une influence positive sur les sujets du roi. Le gouvernement paraîtra d'autant plus se soucier du bien-être de ses administrés.
Le nain resta silencieux un instant, débattant intérieurement des choix qui lui restaient, avant de déclarer, dépité et furieux :
- Vous porterez l'entière responsabilité de cette action. »
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La légende d'Ascalon
FantasiGéraud est le fils du seigneur des Marches, destiné à lui succéder. Sa vie bascule quand des créatures ravagent l'endroit où il vivait. Sans terres et sans allié, son pouvoir est menacé ; tout ce qui lui garantit sa légitimité est Ascalon, l'épée lé...