« Je ne suis pas un être humain, Géraud. »
« Je suis une naine ; et je viens du pays Nain. »
« Si vous suivez votre plan initial, vous détruirez tout ce que votre père a construit... »
Mais qu'avait-il construit, au juste ? Quelle était le rapport entre les actions de Pierrick des Marches et cette révélation soudaine à propos d'un pays peuplés d'êtres qui n'étaient pas des êtres humains, ni mêmes des monstres à ce que Dame Ylaine avait semblé dire, mais des nains ? Les hommes des frontières avaient toujours distingué d'une part les monstres agressifs et sans intelligence, comme les loups-garous et d'autre part des créatures plus mystérieuses. Mais de là à imaginer que ces dernières pouvaient constituer des États organisés... Et même en admettant que Dame Ylaine disait la vérité, malgré toute les improbabilités que son propos comportait, pourquoi ne l'avait-elle pas révélée bien plus tôt, pourquoi son père...
Ces pensées lancinantes ouvrirent les yeux de Géraud malgré lui. Il gardait la tête baissée, assis comme il l'était sur un banc de la chapelle ; sans avoir à bouger, il devinait que son grand-père à côté de lui, que le châtelain, la châtelaine et leurs enfants se trouvaient encore plongés dans leurs prières.
Le jeune homme leva les yeux et laissa l'atmosphère paisible du lieu l'envahir. Une rosace faite de vitraux bicolores simplement taillés en losanges colorait la lumière, relevait le gris terne des pierres, et parait d'un halo rassurant la représentation de Sainte Odile qui se trouvait entre la noblesse des Marches et la rosace. La statue étendait vaguement ses bras de bois dans un mouvement que l'artiste avait voulu à la fois maternel et dans une réserve toute divine. Et sous la forme de lettres gravées et peintes, l'histoire des premiers temps du monde se trouvait inscrite sur les drapés rigides de sa robe.
« Durant le premier âge du monde, racontait la statue, le soleil n'existait pas encore, et une nuit éternelle régnait sur la terre. Le désespoir rongeait la race humaine, qui se trouvait proche de sa destruction, car elle avait à se défendre perpétuellement contre mille créatures prodigieuses et terrifiantes. Ce fut alors que survinrent les héros du premier âge, conduits par Elion ; ils firent preuve d'une si grande vaillance qu'ils parvinrent à repousser tous les monstres infâmes qui nuisaient à la survie de l'humanité, et à fonder la contrée des hommes ; et leurs vertus furent si célébrés que la Mort au chariot de cendre elle-même refusa de prendre leurs âmes. Elle les détacha simplement de leurs corps, et elle transforma Elion et ses compagnons en êtres célestes et immortels. Ils devinrent les cinquante saints supérieurs, et Elion devint l'ange aux cinq ailes de gemmes qui éclaire le monde de son halo ardent.
Le premier âge du monde passa, et fut nommé l'âge des ténèbres. Après cet âge les hommes purent vivre sans craindre les monstres. Elion aux ailes de pierre brillait sur ce pays, et sa chaude lumière éloignait l'hiver et les maladies. Ses conseils, et ceux des saints supérieurs, maintenaient l'harmonie. Des villes furent bâties, un commerce bénéfique s'instaura entre elles. Beaucoup s'illustrèrent par la bonté de leurs âmes et la noblesse de leur conduite. À ceux-là, la mort leur octroya le même privilège qu'aux premiers héros, et ne détruisit point leurs âmes. Mais comme ils avaient fait preuve de leurs vertus durant un temps de paix, et non durant un temps de doute, ils ne devinrent pas des saints supérieurs, mais des saints inférieurs.
Le deuxième âge, âge d'harmonie et d'abondance, prit fin, et fut nommé l'âge de la Lumière. Les êtres humains se divisèrent et se cherchèrent querelles, les conflits éclatèrent, aucun ne prouvait plus sa valeur par une conduite aussi digne que celle dont avaient fait preuve hommes et femmes qui vécurent dans l'âge des ténèbres, ou dans l'âge de la lumière. Devant la trahison des hommes, Elion le Lumineux fut pris d'une vive colère, et décida de s'éloigner de la terre à jamais. La race humaine, de nouveau plongée dans la nuit éternelle, pria Elion de faire preuve de mansuétude à leur égard. Le courroux du Lumineux s'apaisa, et il répondit :
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La légende d'Ascalon
FantasyGéraud est le fils du seigneur des Marches, destiné à lui succéder. Sa vie bascule quand des créatures ravagent l'endroit où il vivait. Sans terres et sans allié, son pouvoir est menacé ; tout ce qui lui garantit sa légitimité est Ascalon, l'épée lé...