Chapitre 6 : les promesses de la nuit

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« Eh bien ? lança Ylaine quand elle vit sortir en trombe les soldats de l'église, qu'y a-t'il ? »

Les quatre hommes s'arrêtèrent net à la vue de leur guide qui marchait pour les rejoindre. Lambert se reprit immédiatement :

« Où étiez-vous ? Pourquoi ne nous avez-vous pas suivi ?

- J'ai cru voir quelque chose bouger. J'ai pensé qu'il s'agissait peut-être d'un survivant, et que je pourrais l'interroger.

Ylaine put à peine finir sa phrase : Eudes s'était jeté sur elle pour la prendre à la gorge, et ils durent s'y mettre à trois afin de lui faire relâcher son étreinte.

- Menteuse ! Hurla-t-il en se débattant ; menteuse ! C'est toi qui a l'épée, tu l'as donné aux autres ! Lâchez-moi ! Je vais la tuer ! Lâchez-moi ! »

Limbert dû lui ordonner plusieurs fois de retrouver son calme avant que le jeune homme ne semblât entendre ses paroles. Enfin, il cessa d'opposer de la résistance à ses camarades quand le chef de l'expédition lui jeta quelques derniers mots dans un murmure. Le groupe resta figé pendant un instant ; puis les gardes lâchèrent le cadet, et celui-ci ne fit plus mine de vouloir s'en prendre à la préceptrice. Ylaine se frottait la gorge, reprenant son souffle, le teint pâle : pendant un instant, elle avait cru que les autres gardes ne la secourraient pas.

Ils fouillèrent l'ensemble du château, durant ce jour et le jour suivant ; la cachette d'Ascalon ne fut pas découverte ; personne n'aperçut non plus Pierrick des Marches.

En voyant les recherches infructueuses, Limbert décida finalement de ne pas rester plus longtemps dans la ville abandonnée.

Le groupe repartit au petit matin, dans une atmosphère plus tendue que jamais. Pourtant, ni Eudes ni aucun autre garde ne fit allusion à Ascalon ou à l'absence mystérieuse de la guide. Théoriquement, Ylaine n'aurait d'ailleurs rien dû craindre tant qu'elle ne montrait pas un signe explicite de trahison : elle était une amie de la famille des Marches, proche du comte aujourd'hui disparu et de son fils ; et pourtant, malgré le calme apparent, l'hypothèse d'un retour sans encombre semblait à la préceptrice de plus en plus improbable. Elle se demanda si elle n'avait pas fait une erreur en ne tentant pas de s'échapper, lorsque les hommes étaient occupés à desceller la pierre. Mais la fuite – et cela Ylaine le savait alors même qu'elle se posait cette question – aurait été l'aveu de sa culpabilité, tandis que pour l'instant le doute subsistait.

« Limbert lui aura rappelé que je suis sous la protection de Fernand et Cornélius des Marches. » Songea Ylaine ; mais l'idée que seule la volonté de ces deux hommes se tenait entre elle et la mort n'était pas une pensée des plus rassurantes.

***

La surveillance autour de Géraud ne s'était pas desserrée au fil des jours, alors même qu'il ne semblait pas représenter un danger immédiat pour les ambitions du châtelain. Cependant, malgré la restriction dans sa liberté de mouvement, des paroles échappés, des va-et-vient de messagers renseignèrent le jeune homme et lui peignirent à grands traits la situation actuelle.

La première chose à faire était bien sûr de prévenir les alliés des Marches de l'incendie et Fernand de Sainte-Odile n'y manqua pas, envoyant plusieurs cavaliers que Géraud vit partir au grand galop à l'aube, peu de temps après son arrivée. Le prisonnier, puisqu'il en était bien un désormais, ne connaissait pas le contenu des missives, mais il ne faisait aucun doute que, si Fernand voulait déposséder son neveu de son droit – et chacun de ses actes fournissait une nouvelle preuve à qui savait regarder qu'en effet il le voulait – il devait dès l'écriture de ces missives donner des raisons valables qui fissent de lui un meilleur comte que Géraud.

La légende d'AscalonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant