Chapitre 2 : Iscely

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La voix était celle d'une jeune fille à l'aspect pour le moins étonnant. Sa peau sombre, si noire qu'elle tirait vers le bleu, ses grands yeux céruléens, lui donnaient des allures de fée étrange. Apparition déconcertante qui provoqua un mouvement de recul chez Wulfried. Puis il se morigéna : il n'avait jamais vu d'Esceliens, mais à n'en pas douter il venait de croiser une représentante de ce peuple du Sud.

Elle pencha la tête avec un air enjoué, faisant virevolter des gouttelettes d'eau prises dans ses cheveux crépus. Ceux-ci s'échappaient en une multitude de bouclettes désordonnées, se déversant sur ses épaules menues.

— Tu as perdu ta langue ? se moqua-t-elle.

Wulfried se ressaisit et lui renvoya un sourire charmeur. Il ignorait qui était cette fille mais, avec un peu de chance, elle lui serait utile.

— Eh bien, je me demandais que me valait le plaisir d'une si jolie rencontre.

L'inconnue baissa les yeux, timide, mais ne perdit pas son sourire. Elle n'était pas très jolie, jugea Wulfried, qui en profita pour la détailler. Mais ce petit côté naïf avait son charme. Sa robe blanche aurait pu mettre ses formes en valeur.... si elle en avait eu. Dommage, songea le jeune homme qui n'était jamais contre l'idée de faire plus ample connaissance avec une demoiselle de son âge.

Il se corrigea : il n'était pas temps de courir après la première venue, mais bien de trouver une solution pour la nuit. Or, cette robe immaculée, quoique incongrue pour se promener dans les ruelles boueuses de Mreoria, paraissait de bonne qualité. Cela signifiait que, s'il raccompagnait la jeune fille, la famille de cette dernière se montrerait peut-être reconnaissante. Que faisait-elle là, toute seule ? Elle ne devait pas avoir plus de son âge, ne portait aucune arme...

Pouvait-il lui extorquer quelques sous avec subtilité ou, au moins, la convaincre de lui trouver un toit pour la nuit ? Contre toute attente, ce fut la jeune fille qui reprit :

— Je t'ai vu qui cherchais ta bourse, j'en déduis qu'on te l'a volée, non ?

Wulfried fronça les sourcils. Elle avait une bonne vue, étant donné la semi-obscurité qui commençait à envahir la ville et la bruine persistante. Ou bien, la demoiselle n'était-elle pas tout à fait innocente dans l'affaire.

— Je m'appelle Iscely. Et toi ?

Il devait reconnaitre qu'il y avait une candeur, dans cette voix, qui incitait à la confiance. Mais Wulfried n'était pas né de la dernière pluie et il ne croyait plus en son prochain depuis bien longtemps. Cependant, elle était, pour le moment, la seule vers laquelle se tourner, alors il persista à sourire et entra dans son jeu.

— Wulfried. Enchanté, damoiselle. Je suis guérisseur.

Il avait bien fait de mentionner ce détail car le visage de la dénommée Iscely s'éclaira aussitôt :

— Vraiment ? Mais, c'est formidable ! Moi aussi ! Tu es apprenti ? Chez qui ? Moi, je suis chez la vieille Marhra, mais je l'appelle Mère-Grand, parce que, bon, tu vois, elle est vieille, alors c'est un peu comme si c'était ma grand-mère... Parce que ça fait longtemps que je vis chez elle ! Enfin, longtemps, ça dépend ce qu'on entend par longtemps... Et puis bon, je dis ma grand-mère, même si on se ressemble pas trop, tu vois... rapport à la couleur de ma peau...

Elle lui décocha un sourire radieux, sans paraitre s'apercevoir qu'il n'avait écouté que d'une oreille ce bavardage sans intérêt. Comme elle reprenait enfin son souffle, Wulfried en profita pour répondre :

— Je ne suis plus vraiment apprenti. Mais j'aimerais apprendre de nouvelles techniques. Ta Marha, là... elle n'aurait pas envie de m'enseigner deux-trois trucs ?

GuérisseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant