— Iscely.
— Pardon ? s'étrangla Wulfried.
Ils se trouvaient dans les cachots, comme à l'accoutumée. Sauf que, cette fois, aucun animal en cage ne les accompagnait.
— Tu m'as très bien compris, assena la vieille femme en levant les yeux au ciel. Il nous faut un sujet en bonne santé pour nous entrainer. C'est une étape indispensable.
— D'accord, mais...
— Mais tu l'aimes bien, je sais. Tu crois que je n'ai pas vu vos petits regards complices ? Justement...
— Ce sera plus simple, je connais la chanson. Mais...
— Encore un "mais" ? Que veux-tu que je te dise ? Que tu vas pouvoir tester tes pouvoirs tout frais sur le prochain malade ? "N'ayez crainte mon bon ami, notre cher Wulfried, ici présent, sait guérir les pattes des rats et soigner la gale chez les chats ! Faites-lui confiance ! Tout le monde sait qu'il n'y a aucune différence entre un humain et un cafard ! "
Wulfried se renfrogna. Elle avait raison. Seulement...
— Iscely va souffrir, non ?
Tranquillement assise sur la couchette vermoulue, Marhra soupira, de l'air de celle qui use sa patience à expliquer des évidences à un simple d'esprit :
— Si ça peut te tranquilliser, nous allons l'endormir avant de commencer. C'est de toute façon ce qu'il faudra faire pour la plupart des patients. Notre esprit est beaucoup trop complexe pour supporter une intrusion sans réagir, surtout lorsqu'il se porte bien. Si elle était consciente, nous la tuerions. Comme je suppose que tu refuseras de l'assommer, il nous reste la tasse de lait de pavot bien chargée en graines... ou en ce que tu veux, tant que la petite est inconsciente.
Fut un temps où Wulfried ne se serait pas posé autant de questions. Il voulait devenir un maître en magie, le reste n'aurait pas dû lui importer. Cependant, à présent qu'il connaissait mieux Iscely, qu'elle lui avait fait prendre conscience, jour après jour, qu'il n'était pas obligé de jouer les insensibles à tout, il développait des scrupules. La jeune fille lui faisait confiance, du moins le pensait-il. Comment réagirait-elle quand elle se réveillerait ? Comprendrait-elle qu'il l'avait droguée sans son accord ?
Comme si elle lisait dans son esprit, Marhra grimaça :
— Il va sans dire qu'il est hors de question que tu la préviennes. Elle ne doit jamais savoir que nous pratiquons la magie.
Il s'agissait là d'une règle stupide, Wulfried en était convaincu ! Iscely n'avait rien d'une gamine capricieuse. Si Marhra refusait de lui apprendre la magie, le guérisseur était certain que la jeune fille capitulerait en comprenant que ce n'était pas pour elle.
— Pourquoi ce secret ? Il suffirait de lui expliquer que c'est dangereux pour elle ! Je ne vois pas...
Marhra paraissait sur le point de perdre patience car elle crispa ses mains décharnées sur ses châles.
— Non, en effet, tu ne vois pas grand-chose, mon garçon, cingla-t-elle. Je te jure que si tu en savais aussi long que moi, tu ne serais pas là à tergiverser. Maintenant, je vais être claire : soit tu endors la petite ce soir et tu continues les séances, soit tu prends tes affaires et je ne veux plus jamais te revoir ici.
Wulfried fronça les sourcils. Il n'aimait pas qu'on lui force la main ainsi, et encore moins pour le pousser à des actes qu'il désapprouvait. Pourquoi Marhra devenait-elle tout à coup si agressive ? Elle n'avait certes jamais été un modèle de douceur mais, là, elle semblait particulièrement irritable et intransigeante.
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Guérisseur
FantasyEn refusant de marcher dans les pas de ses parents, Wulfried pense faire le choix de la liberté. Passionné d'herboristerie, le jeune homme veut devenir guérisseur. Non, ce n'est pas l'amour de son prochain qui le porte, mais l'appât du gain ! Sans é...