Chapitre 33 : Lame

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Wulfried s'attendait à un choc, à de la violence, mais force lui fut de constater qu'il s'était trompé. L'esprit d'Iscely, plus léger qu'un souffle d'air frais, vint le caresser avec douceur.

— Tout va bien ? s'inquiéta la jeune fille dans un murmure lointain.

Étonnamment, oui. Le jeune homme n'avait aucun effort à faire. Une impression de plénitude sereine le saisit dès qu'Iscely effleura son esprit dont il lui donna l'accès sans difficulté. Il ne voyait pourtant rien d'autre que l'obscurité derrière ses paupières closes. Aucune lumière, aucun Fil.

Il mit un instant à comprendre que la jeune fille s'était retirée et elle dut lui demander d'ouvrir les yeux elle-même. Dès qu'il vit son expression soucieuse, Wulfried descendit du petit nuage sur lequel il était monté malgré lui.

— Mère-Grand a laissé une part de sa magie en toi. Tu t'en étais pas aperçu ?

L'information fit l'effet d'une claque au jeune homme. Il faillit encore répondre par la négative. Cependant... Dès la première séance, il avait eu cette étrange impression. Une désagréable réminiscence, comme si Marhra ne l'avait pas tout à fait quitté. Une écharde figée en lui. Une écharde à la douleur subtile, lancinante. Une écharde si fine qu'elle se laissait oublier avec le temps.

— Je pensais que c'était normal, avoua-t-il, la bouche sèche.

— Ça l'est pas. C'est volontaire de sa part, pour lui permettre d'investir ton esprit plus facilement.

Iscely secoua la tête, désapprobatrice : 

— Comment as-tu pu te dire que laisser quelqu'un franchir ainsi tes barrières était une bonne idée ? Tu les as complètement détruites ! Je suis entrée comme dans un moulin ! Et puis, ça a dû être horriblement douloureux, comment tu as pu survivre à ça ?

— Elle a dit que j'étais une lame et que ça me rendait fort. Et puis...

— Une quoi ?

Iscely avait viré au bleu ciel subitement. Elle ne paraissait plus énervée, ni même en colère, mais juste terrorisée. Wulfried sentit son ventre se tordre lorsqu'elle bredouilla d'une petite voix :

— Une quoi ? Tu as dit une lame ?

La jeune fille paraissait au bord des larmes. La gorge nouée, elle mit un moment à reprendre la parole devant le silence éloquent du jeune homme.

— Tu... t'aurais pas testé ton prétendu pouvoir sur moi, j'espère ?

Ce n'était plus la crainte de la décevoir qui épouvanta Wulfried, mais la terreur sous-jacente qui émanait de cette question étranglée. Il ne pouvait plus se taire.

— Je suis désolé, finit-il par murmurer. Je pensais... Marhra m'a dit que c'était une condition pour... Et puis, elle m'a juré que tu ne souffrirais pas et... elle m'a interdit de t'en parler...

Il se passa une main sur le visage pour en chasser la sueur.

Il ignorait encore la teneur exacte de son erreur mais, à présent il en était convaincu : il avait commis une faute monumentale. Il l'avait pourtant pressenti, au plus profond de lui. Il avait malgré tout refusé d'écouter son instinct et à présent...

Iscely accusait le coup. Elle lui fit signe de se taire, ferma les yeux et se concentra. Silencieux, Wulfried la regarda, tendu. Allait-elle observer son propre esprit ? Quand elle posa à nouveau son regard sur lui, elle paraissait avoir repris un peu d'emprise sur elle-même. Cependant, le sang du jeune homme se glaça devant l'air résigné qu'elle ne parvenait pas à dissimuler.

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