Chapitre 13 : Fils

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- Comment va le bras du petit garçon ? demanda Wulfried alors qu'il descendait les escaliers obscurs à la suite de Marhra.

- Sa famille est venue le chercher et, comme il s'était réveillé, je les ai laissés repartir.

Le jeune homme haussa les sourcils, étonné :

- Mais, il fallait le garder en observation ! Nous devons vérifier...

Marhra fit volte-face et le foudroya du regard, ses pupilles rendues fauves par la lueur de la chandelle.

- Ne me dis pas ce que je dois faire, assena-t-elle dans un grondement sourd. Il est soigné, ils ont payé, c'est tout ce qui importe. Et il faudra t'y habituer. N'importe quel autre patient peut réclamer la place à tout instant.

Elle reprit la descente des marches en conclut, d'une voix radoucie :

- Ils n'avaient de toute façon pas les moyens de le faire surveiller plus longtemps. Crois-moi, c'est mieux ainsi.

Wulfried garda le silence, comprenant qu'il n'obtiendrait pas gain de cause. Cependant, les poings serrés, il ravala une remarque assassine. Il n'appréciait pas le ton sur lequel cette vieille femme lui parlait. Il n'était pas la gentille Iscely, prête à obéir aveuglément avec le sourire. Enfin... L'heure n'était pas aux questions éthiques, mais à la magie.

- On fait comme hier, intima Marhra en s'asseyant sur la couchette de planches vermoulues. Tu me donnes tes mains et tu tâches d'accepter mon esprit.

Sachant ce qu'il avait enduré la veille, Wulfried dut museler son appréhension pour agir comme elle le lui avait demandé.

Les doigts rêches de la vieille femme se refermèrent sur les siens, telles des serres acérées. Le jeune homme ferma les yeux et s'efforça de faire le vide en lui, tandis que l'air glacé du cachot le faisait frissonner.

Les ténèbres. Une sensation furtive, près des tempes. Oppressante. Une chaleur diffuse. L'étau se densifia. Se fit plus présent. Plus insistant. Puis commença à se refermer lentement. Sa brûlure mordit l'esprit et commença à le ronger, inexorable.

Le souffle court, Wulfried étouffait à grand peine son instinct qui le poussait à rejeter cette présence étrangère. Résister. Poursuivre, quoiqu'il lui en coûte.

Sa respiration s'accéléra, tandis que son cœur s'emballait. La lame parut se matérialiser, le caressa d'abord insidieusement avant d'inciser, lentement. Le guérisseur faiblissait tandis que la chaleur le consumait. Dans tout son être, il sentit Marhra resserrer son emprise.

Le supplice brûlant se poursuivit, le lien se fit plus fort. L'esprit du jeune homme recula, céda peu à peu le terrain. 

Comme si la magie n'attendait que cela pour agir, le garrot qui enserrait son crâne l'enveloppa davantage, jusqu'à l'étrangler.

Quelque part, au plus profond de lui-même, l'instinct de survie de Wulfried voulut se débattre et hurler. Impossible dans ce vide oppressant. La panique pointa, menaça de le submerger alors qu'il comprenait confusément qu'il était trop tard pour reculer. La vieille femme le dominait tout à fait.

Puis, alors que le jeune homme commençait à suffoquer, Marhra relâcha son implacable étreinte.

Wulfried s'effondra, en sueur, plié en deux sur la couchette. La respiration sifflante, les yeux écarquillés, il tremblait de façon incontrôlable. Cette fois, il avait bien cru mourir.

Marhra se redressa et lui tapota l'épaule, comme si cette situation lui était coutumière.

- Tu fais des progrès. Des progrès particulièrement rapides, même, c'est surprenant. Avec un peu de chance, la prochaine fois, nous y arriverons enfin ! Tu verras les Fils pour la première fois !

GuérisseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant